De l’inefficacité de nos œuvres dans la vie réelle
Ce texte est rédigé par la metteuse en scène et autrice Eva Doumbia et le plasticien Kader Attia. Notre réflexion a été nourrie par une série d’échanges de mails, de discussions et d’appels téléphoniques entre artistes dont la majorité est issue de l’immigration post-coloniale. Ce sont les romancières Diaty Diallo et Fabienne Kanor, les dramaturges et metteur·e·s en scène, Penda Diouf, Karima El Kharraze, Mohamed El Khatib, Marine Nguyen Bachelot, Laurène Marx, Laetitia Ajanohun, Ronan Chéneau, Mohamed Guellati, Caroline Guiela Nguyen, la cinéaste Alice Diop.

Le 27 juin 2023, les images de ce qui ressemblait à l’exécution en direct d’un adolescent circulaient sur les réseaux sociaux. Comme l’agonie de Georges Floyd, trois ans auparavant, l’événement suscitait stupeur, effroi, tristesse. En réponse à cet énième acte de violence meurtrière de la part d’un fonctionnaire dépositaire de la loi, la jeunesse des quartiers populaires s’est soulevée dans la colère que l’on sait. Enfouie depuis des années, elle a pour source les humiliations subies par elle-même ou par ses parents aux professions pourtant déclarées essentielles lors de la pandémie du Covid.
La révolte s’est notamment manifestée dans la destruction de symboles de richesses culturelles : théâtres, bibliothèques, musées. Nous n’en sommes pas étonné·e·s. Ce qui nous effraie, c’est la manière dont cette rage, à travers les médias, a rencontré le racisme d’une trop grande partie de la population française. Car le déni de son enfance à un jeune être humain inquiète dans sa ressemblance à des périodes de l’Histoire que les peuples d’Europe avaient juré de ne pas retraverser.
Nous sommes, comme Nahel M., né·e·s de parents aux origines extra-européennes. Comme Nahel M., nous avons vécu nos jeunesses dans des tours et des cités. Mais à la différence de ce garçon, nous qui avons pu vivre au-delà de nos 17 années, n’habitons plus dans ces quartiers et ces HLM. Après avoir fait des études secondaires, nous avons