Santé

Vers une éthique du design sonore à l’hôpital ?

Philosophe

La précarité de la vie à l’hôpital, au sens philosophique, amène à réfléchir sur de nouvelles possibilités de « bien vivre », à travers notamment l’usage réfléchi du son. Comment alors retrouver les chemins qui mènent à la conversation en milieu hospitalier et comment le design sonore peut-il travailler en ce sens ?

L’hôpital est un espace médical et social où patients, personnels soignants, administratifs, techniques, d’entretien et entourage des patients font l’épreuve, chacun de manière singulière, de la maladie dans ses processus de guérison, de rémission, de rechute ou de mort.

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Chacun y vit la précarité de nos existences en son sens le plus philosophique. La précarité c’est le provisoire, ce qui est soumis au passage du temps, ce qui est voué au mouvement, à la transformation et à la disparition. À ce titre, elle définit et structure notre mode d’existence en tant qu’êtres vivants. En raison de cette précarité, nos vies et nos situations de vie sont animées par un fort coefficient d’incertitude : on ne sait pas combien de temps cela va durer, quand cela va terminer, ni comment tout cela va se passer. Aussi nos existences sont-elles toujours inquiètes car suspendues au risque de leur effondrement, de leur effacement, mais aussi de leur renouvellement. C’est précisément cette précarité ontologique et existentielle qui est vécue en contexte hospitalier de façon intense et consciente.

À l’hôpital, cette précarité se manifeste concrètement, parmi d’autres possibles, au travers des sons et des silences. Voix et musiques des bureaux d’accueil, sonneries des appareils techniques, alarmes, portes qui s’ouvrent et qui se ferment, roues des chariots-repas et des brancards, cliquetis de vaisselles, bruits de pas et de béquilles, actes médicaux et chirurgicaux, soulèvement et retombée des draps, radio, téléviseurs, gémissements, appels, cris, pleurs et rires sont autant de signes et de signifiants qui évoquent, au-delà des sons qu’ils émettent et des signaux qu’ils envoient, cette dimension précaire de la condition humaine. C’est pourquoi, comprendre les divers usages de ces sons d’origine humaine ou technique, c’est en même temps accéder aux différentes façons que nous avons de nous rapporter à la maladie en milieu hospitalier, et cela quelle que soit la place que nous occup


[1] Voir les études de Martine Leroux et Jean-Luc Bardyn dans le cadre des activités du laboratoire « Ambiances, architectures, urbanités », unité mixte de recherche, équipe CRESSON, basée à l’ENSA Grenoble, en ligne.

[2] Voir Roland Barthes, « Écoute », L’Obvie et l’Obtus, Essais critiques iii, Seuil, 1982, p. 217-230.

[3] Voir à ce sujet l’article de Albert Ogien, « Reprendre possession de l’hôpital », AOC, 20 juin 2022, en ligne.

[4] Le rapport de recherche « À l’écoute de l’hôpital : enquête sociologique » de Martine Leroux et Jean-Luc Bardyn, édité par le CRESSON à Grenoble en 2003, souligne le critère du calme dans l’appréciation des espaces sonores. Disponible en ligne.

[5] Claude Lefort, L’Invention démocratique, Paris, Fayard, 1994.

[6] Joy Sorman dans son roman À la folie (Paris, Flammarion, 2021) montre le dramatique empiètement des actes administratifs des soignants sur les attentions aux patients.

[7] Jérôme Porée, Sur la douleur, Quatre études, Presses universitaires de France, coll. Questions de soin, 2017, p. 15 ; 28 ; 38 ; 46 ; 72.

[8] En témoignent Pierre Zaoui dans son livre La traversée des catastrophes (Paris, Seuil, coll. L’Ordre philosophique, 2010) et Pierre-Henry Frangne dans Le Dernier Regard (Paimboeuf, L’Insulaire, 2021).

[9] Voici comment Tronto définit le care dans son ouvrage Un monde vulnérable, pour une politique du care : « Activité caractéristique de l’espère humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie. » Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, trad. Hervé Maury, Paris, La Découverte, 2009.

[10] Voir Sandra Laugier, « Le commun comme ordinaire et comme conversation », Multitudes, n° 45, 2011/2, p. 104-112.

[11] On pourra consulter par exemple :

Rachel Rajalu

Philosophe, Enseignante à l'École supérieur d'art et de design TALM-Le Mans

Rayonnages

SociétéSanté

Notes

[1] Voir les études de Martine Leroux et Jean-Luc Bardyn dans le cadre des activités du laboratoire « Ambiances, architectures, urbanités », unité mixte de recherche, équipe CRESSON, basée à l’ENSA Grenoble, en ligne.

[2] Voir Roland Barthes, « Écoute », L’Obvie et l’Obtus, Essais critiques iii, Seuil, 1982, p. 217-230.

[3] Voir à ce sujet l’article de Albert Ogien, « Reprendre possession de l’hôpital », AOC, 20 juin 2022, en ligne.

[4] Le rapport de recherche « À l’écoute de l’hôpital : enquête sociologique » de Martine Leroux et Jean-Luc Bardyn, édité par le CRESSON à Grenoble en 2003, souligne le critère du calme dans l’appréciation des espaces sonores. Disponible en ligne.

[5] Claude Lefort, L’Invention démocratique, Paris, Fayard, 1994.

[6] Joy Sorman dans son roman À la folie (Paris, Flammarion, 2021) montre le dramatique empiètement des actes administratifs des soignants sur les attentions aux patients.

[7] Jérôme Porée, Sur la douleur, Quatre études, Presses universitaires de France, coll. Questions de soin, 2017, p. 15 ; 28 ; 38 ; 46 ; 72.

[8] En témoignent Pierre Zaoui dans son livre La traversée des catastrophes (Paris, Seuil, coll. L’Ordre philosophique, 2010) et Pierre-Henry Frangne dans Le Dernier Regard (Paimboeuf, L’Insulaire, 2021).

[9] Voici comment Tronto définit le care dans son ouvrage Un monde vulnérable, pour une politique du care : « Activité caractéristique de l’espère humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie. » Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, trad. Hervé Maury, Paris, La Découverte, 2009.

[10] Voir Sandra Laugier, « Le commun comme ordinaire et comme conversation », Multitudes, n° 45, 2011/2, p. 104-112.

[11] On pourra consulter par exemple :