L’humiliation peut-elle être un thème de « gauche » ?
Il n’y a pas de semaine qui n’apporte un nouvel exemple de situation où le mot « humiliation » est employé dans un sens ou un autre. La récente affaire des « abayas », où il s’est agi d’imposer un changement d’habit (un déshabillage et un rhabillage, comme par hasard de jeunes filles, et de jeunes filles musulmanes), sous motif de laïcité, sinon d’émancipation, l’a encore illustré.

Mais c’est tellement général… Les révoltes des jeunes de banlieue de ce début de l’été 2023, comme naguère celle des « gilets jaunes », sont des révoltes de l’humiliation, du soupçon perpétuel, du mépris, de l’absence de considération. Un de leurs éducateurs disait qu’ils ne se sentaient pas aimés. Pour reprendre le mot de Ricœur, rien ne les « approuve d’exister ».
Certes il y a d’autres humiliations dans nos sociétés, de toutes sortes, et dans tous les sens, depuis la petite enfance et nos formes de famille jusqu’aux guerres qui enjambent les générations, en passant par les institutions et les milieux de la santé, de l’école ou de la prison, de la police et des administrations, du monde du travail comme du monde des médias, et bien sur des réseaux sociaux. Il y a aussi un vieux complexe d’humiliation qui nous lie à nos anciennes colonies africaines (là aussi nous venions pour les éduquer !) et sans lequel on ne comprend pas le désir d’humilier en retour, même de manière irrationnelle et périlleuse, et qui s’empare de ces sociétés les unes après les autres. Il y a certainement par ailleurs des manipulations hypocrites et démagogiques du sentiment d’humiliation. Ce dernier, disons-le, n’excuse et ne justifie rien : simplement il permet de localiser, d’expliquer et de comprendre une part importante de ce qui nous arrive. On pourrait multiplier les exemples qui l’attestent, ces dernières années, et que la puissante réception de mon récent livre m’a fait voir.
Mais revenons à cette humiliation d’une partie de notre jeunesse. Ressentie par eux de toute part, elle est déniée par « no