Quel sens redonner au progrès ? 2001 ou le monde clos du mauvais infini
« Pour un observateur dans la nébuleuse d’Andromède, la trace de notre extinction ne serait guère plus que le grattement d’une allumette quelque part dans le ciel. Si cette allumette s’embrase un instant, personne ne regrettera une espèce ayant utilisé une puissance qui aurait pu alimenter un phare dans les étoiles pour allumer son propre bûcher funéraire. Cela ne dépend que de nous »[1]
Stanley Kubrick
Un demi-siècle plus tard, anticipant l’avenir, 2001 nous parle de 2023, surtout pour le pire. Comme toute œuvre offrant sa version de l’éternelle question « d’où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous », on y trouve d’innombrables échos et une troublante lecture du temps présent.

Cela vaut d’autant plus pour cette odyssée, qui se veut également celle de l’espèce, de sa naissance à sa renaissance finale. Mais tout se passe comme si l’actualité des derniers mois brisait la progression linéaire du film, télescopait les temporalités, les grandes scènes symboles des étapes de l’évolution de l’humanité : le combat à mort de deux clans d’Australopithèques pour le contrôle d’une marre d’eau boueuse dans un environnement désertique, où le mieux armé l’emporte, coexiste avec la colonisation fantasmée de Mars par Elon Musk ; ou encore la grève des scénaristes et auteurs d’Hollywood, craignant que l’Intelligence Artificielle ne les remplace, une étape que Kubrick n’avait pas anticipée : celle où l’IA fait elle-même le cinéma, à la fois devant et derrière la caméra.
Nous n’avons pas fait l’expérience de demander à ChatGPT le sens caché du chef d’œuvre de Kubrick, dont la richesse est telle qu’on peut l’interpréter sans fin. Il n’en reste pas moins que le film expose sans grande équivoque une certaine idée de l’humain et de son évolution. Cette dernière y procède par sauts et grandes étapes, chaque fois que l’humain entre en contact avec le monolithe noir. Comme dans tout mythe, il est à la fois l’origine et la fin, la cause motrice de l’histoire.
Au départ, les ho