écologie

Quel sens redonner au progrès ? 2001 ou le monde clos du mauvais infini

Sociologue, Ancien journaliste et philosophe

Sur le thème « Écologie et modernité : quel sens donner au progrès ? », l’association Les Shifters ouvrait récemment son Festival Projection Transition avec 2001, l’Odyssée de l’espace. Si ce choix de programmation pouvait laisser dubitatif, tant la catastrophe environnementale est absente du film (sorti en 1968), 2001 ne nous tend-il pas le miroir de notre modernité, celle dont il nous faut sortir en réinventant le sens du progrès et de l’infini ?

« Pour un observateur dans la nébuleuse d’Andromède, la trace de notre extinction ne serait guère plus que le grattement d’une allumette quelque part dans le ciel. Si cette allumette s’embrase un instant, personne ne regrettera une espèce ayant utilisé une puissance qui aurait pu alimenter un phare dans les étoiles pour allumer son propre bûcher funéraire. Cela ne dépend que de nous »[1]
Stanley Kubrick

Un demi-siècle plus tard, anticipant l’avenir, 2001 nous parle de 2023, surtout pour le pire. Comme toute œuvre offrant sa version de l’éternelle question « d’où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous », on y trouve d’innombrables échos et une troublante lecture du temps présent.

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Cela vaut d’autant plus pour cette odyssée, qui se veut également celle de l’espèce, de sa naissance à sa renaissance finale. Mais tout se passe comme si l’actualité des derniers mois brisait la progression linéaire du film, télescopait les temporalités, les grandes scènes symboles des étapes de l’évolution de l’humanité : le combat à mort de deux clans d’Australopithèques pour le contrôle d’une marre d’eau boueuse dans un environnement désertique, où le mieux armé l’emporte, coexiste avec la colonisation fantasmée de Mars par Elon Musk ; ou encore la grève des scénaristes et auteurs d’Hollywood, craignant que l’Intelligence Artificielle ne les remplace, une étape que Kubrick n’avait pas anticipée : celle où l’IA fait elle-même le cinéma, à la fois devant et derrière la caméra.

Nous n’avons pas fait l’expérience de demander à ChatGPT le sens caché du chef d’œuvre de Kubrick, dont la richesse est telle qu’on peut l’interpréter sans fin. Il n’en reste pas moins que le film expose sans grande équivoque une certaine idée de l’humain et de son évolution. Cette dernière y procède par sauts et grandes étapes, chaque fois que l’humain entre en contact avec le monolithe noir. Comme dans tout mythe, il est à la fois l’origine et la fin, la cause motrice de l’histoire.

Au départ, les ho


[1] Interview donnée à Playboy magazine, septembre 1968.

[2] Michel Ciment, « The Odyssey of Stanley Kubrick. Part 3: Toward the Infinite – 2001 », in William Johnson (ed.), Focus in the Science Fiction Film, N.J.: Prentice-Hall, 1972, p. 137-138.

[3] On retrouve cet œil dans l’ouverture des deux Blade Runner – qui traitent eux aussi, ironiquement, du thème des robots.

[4] Blaise Pascal, Pensées, Gallimard, 1969, p. 60.

[5] Sam Azulys, « Stanley Kubrick : le corps et l’esprit. Volonté de puissance et Mètis dans l’œuvre du cinéaste », Essais [En ligne], Hors-série 4 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 18 novembre 2023.

[6] Vincent Rigoulet et Alexandra Bidet, Vivre sans produire. L’insoutenable légèreté des penseurs du vivant, Le Croquant, détox, 2023.

[7] Alexandra Bidet et Vincent Rigoulet, « Désaffecter les communs négatifs. Dialogue autour d’une politique éducative de l’amour », Multitudes, Dossier « Communs négatifs » coordonné par Alexandre Monnin, 93, 2023, p. 97-104.

Alexandra Bidet

Sociologue, Chargée de recherche au CNRS

Vincent Rigoulet

Ancien journaliste et philosophe, Professeur des Écoles à Cluses (Haute-Savoie)

Mots-clés

Anthropocène

Notes

[1] Interview donnée à Playboy magazine, septembre 1968.

[2] Michel Ciment, « The Odyssey of Stanley Kubrick. Part 3: Toward the Infinite – 2001 », in William Johnson (ed.), Focus in the Science Fiction Film, N.J.: Prentice-Hall, 1972, p. 137-138.

[3] On retrouve cet œil dans l’ouverture des deux Blade Runner – qui traitent eux aussi, ironiquement, du thème des robots.

[4] Blaise Pascal, Pensées, Gallimard, 1969, p. 60.

[5] Sam Azulys, « Stanley Kubrick : le corps et l’esprit. Volonté de puissance et Mètis dans l’œuvre du cinéaste », Essais [En ligne], Hors-série 4 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 18 novembre 2023.

[6] Vincent Rigoulet et Alexandra Bidet, Vivre sans produire. L’insoutenable légèreté des penseurs du vivant, Le Croquant, détox, 2023.

[7] Alexandra Bidet et Vincent Rigoulet, « Désaffecter les communs négatifs. Dialogue autour d’une politique éducative de l’amour », Multitudes, Dossier « Communs négatifs » coordonné par Alexandre Monnin, 93, 2023, p. 97-104.