Politique

Le silence de la gauche

Sociologue

À raison, la gauche s’est opposée à la politique scolaire résolument de droite de Gabriel Attal, mais on ne l’a pas entendue proposer des politiques scolaires alternatives. Maintenant que celui-ci dirige le gouvernement, il est plus que temps pour la gauche, et sur toutes les grandes questions politiques, de s’opposer en proposant.

Il peut sembler paradoxal de parler du silence de la gauche quand La France Insoumise a choisi « le bruit et la fureur », quand de nombreux députés de gauche ont privilégié l’invective et le désordre lors des débats sur la réforme des retraites, quand la gauche dénonce, à juste titre et sans réserve, la loi sur l’immigration du 19 décembre. Le silence de la gauche ne désigne donc ni ses gestes, ni ses mots.

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Le silence de la gauche vient de ce que ses programmes et ses propositions « n’impriment » pas dans l’opinion publique et chez les électeurs, de ce qu’elle semble silencieuse et inaudible au-delà des critiques multiformes des politiques macronistes et du rejet unanime de l’extrême droite. Convenons qu’il faut faire un très sérieux effort pour savoir ce que les gauches proposent et ce qu’elles feraient dans le cas où elles seraient un jour au pouvoir.

Ce silence est d’autant plus étourdissant que le Rassemblement national qui ne dit à peu près rien, semble, lui, être entendu de façon subliminale. Tétanisés, les Républicains le doublent sur sa droite, chaque fait divers le renforce, la guerre entre Israël et le Hamas le dédouane du procès en antisémitisme, pendant que La France Insoumise s’empêtre dans ce conflit et que les autres voix de la gauche sont quasiment inaudibles. Les critiques nuancées des politiques européennes sont effacées par les phobies nationalistes de l’extrême droite. Tout se passe comme si la gauche s’agitait pendant que les droites les plus extrêmes s’apprêtent à ramasser la mise sans rien dire.

L’imaginaire se dérobe

Forte ou faible, unie ou désunie, la gauche s’appuyait sur un ensemble de croyances, de représentations et d’imaginaires qui lui permettaient de s’identifier au progrès et au sens de l’histoire. Le progrès social, le progrès scientifique et technique, et les progrès démocratiques semblaient marcher d’un même pas. En face, la droite était renvoyée dans le camp du conservatisme, de la défense des privilèges et dans la nos


[1] Michael Young, The Rise of the Meritocraty, (1958), Routlege, 2017.

François Dubet

Sociologue, directeur d'études à l'ehess, professeur à l'université Bordeaux 2

Notes

[1] Michael Young, The Rise of the Meritocraty, (1958), Routlege, 2017.