Pour un design des mondes ruraux
Du mouvement des Gilets jaunes en 2018 à la constitution d’une liste Alliance rurale en vue des prochaines élections européennes, en passant par l’adoption de l’Agenda rural en 2019 ou le plan France Ruralité au printemps 2023, la campagne semble être devenue un enjeu politique national.

Comme si, après la ville dans les années 1980, c’était à la campagne de faire l’objet d’une politique dédiée. Ce mouvement n’est cependant ni nouveau ni propre à la France. Il s’inscrit plus largement dans la longue histoire de ce que le poète allemand Hölderlin appelait « la vie habitante des hommes », qui repose sur une structure binaire dont la campagne est l’un des pôles.
Histoire politique et potentiel écologique de la campagne
Cette structure se met en place à l’époque néolithique, avec la naissance des premières villes, qui accompagne la sédentarisation progressive de la population et le passage d’une économie de la prédation (chasse et cueillette) à une économie de la production (agriculture et élevage). Deux types d’espaces vont alors se former : d’un côté la ville, lieu central, qui se caractérise par la concentration, l’assemblée et le commerce ; de l’autre la campagne, espace périphérique voué à la dispersion et à la production[1]. D’ordre géographique et économique, cette distinction est aussi politique, dans le sens où elle implique des relations de pouvoir et de domination : si la campagne produit les biens qui vont être consommés et échangés à la ville, la ville produit le discours et la pensée qui vont configurer l’image de la campagne.
Cette logique atteint son apogée avec la modernité thermo-industrielle, au cours de laquelle le monde rural est progressivement assimilé à un lieu de ressources de plusieurs ordres : alimentation pour la population, matières premières et main d’œuvre pour l’industrie, air pur et tranquillité pour le corps et l’esprit. En même temps que, au mitan du XIXe siècle, l’exode rural s’intensifie, la population urbaine prend conscie