Politique

Emmanuel Macron : de l’extrême-centre à l’extrême-droite

Philosophe

Plus personne ne peut nier désormais la dérive illibérale des pouvoirs publics actuels. Entre politiques migratoires racistes, pratiques autoritaires, et affaiblissement des contre-pouvoirs, la fameuse rhétorique du « en même temps » apparaît finalement comme un moyen de cacher la dérive inexorable du Président vers l’extrême-droite.

Qui aurait pu prévoir en 2017 où nous en serions sept ans plus tard, au cours du second quinquennat Macron ? Ce dernier s’était fait élire sur la prétention de remiser l’ordre politique antérieur – les vieux partis de droite et de gauche au nom du « en même temps » –, de refonder la démocratie, de redonner de l’allant à la société française, de l’ouvrir à une modernité réaffirmée avec un président jeune et intelligent, ami du philosophe Paul Ricoeur. L’écologie n’était guère présente dans les bagages de campagne de 2017, mais la nomination de Nicolas Hulot, puis la promesse d’un « second quinquennat écologique » figuraient comme autant de gages.

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À l’arrivée c’est, au lieu du « ni droite ni gauche », un illibéralisme décomplexé et l’assomption des thèses de l’extrême-droite sur l’immigration. En fait de refondation des institutions et de la démocratie, nous avons assisté à un exercice du pouvoir solitaire et autoritaire, qui a vidé de son sens une expérience pourtant intéressante comme la Convention citoyenne sur le climat.

La nomination d’un Premier ministre jeune et inexpérimenté, qui lui doit tout, Gabriel Attal, pas même adoubé par l’Assemblée nationale, et dont le seul titre de gloire est l’interdiction de l’abaya (waouh !), ne risque guère de changer la donne. Plus généralement, l’exercice macronien du pouvoir débouche sur une usure et une délégitimation des institutions de la Ve République ; et sur une société française bloquée, divisée en trois groupes : extrême-droite, centre et gauche[1], les uns et les autres décalés par rapport à leurs passés et orientations traditionnelles. Quant à l’ami de Ricoeur, il s’est mué en ami de Benalla, avec un tropisme de plus en plus marqué pour la figure d’OSS 117[2].

Du côté de l’écologie, les promesses se sont volatilisées avec la démission d’Hulot, dégoûté, puis elles ont été gazées avec les Soulèvements de la Terre et les scientifiques explicitant les raisons documentées de s’opposer à l’A69. Seule consolation


[1] Voir Julia Cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique, Paris, Seuil, 2023.

[2] Comparaison chère à mon ami l’historien Johann Chapoutot.

[3] Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006

[4] Selon l’Observatoire des inégalités, à « la fin des années 1990, on assiste à un tournant dans l’histoire des inégalités de niveau de vie en France : l’indice de Gini se remet à augmenter fortement jusqu’à un sommet de 0,298 atteint en 2011. En 2021, après plusieurs années d’accalmie, l’indicateur remonte à ce niveau, à 0,294 précisément. »

[5] Voir Christian Salmon, La Tyrannie des bouffons, Les Liens qui libèrent, 2023 & Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Paris, Folio-Gallimard, 2023 (2019).

[6] Voir l’article de Mark Kesselman, « Trump II : une farce ? Non, une tragédie », Telos, 2 janvier 2024.

[7] Voir sa tribune «  L’exécutif piétine consciemment un Etat de droit qu’il est pourtant plus que jamais nécessaire de défendre »; Le Monde, 21 décembre 2023. Voir aussi : « Emmanuel Macron sermonné par l’académicien François Sureau sur le respect de l’Etat de droit », Le Monde, 9 janvier 2024.

[8] Voir Dominique Bourg, « De la retraite aux Soulèvements de la Terre, les dérives illibérales du gouvernement », Le Nouvel Obs, 29 juin 2023

[9] Voir à ce sujet les analyses de Dominique Rousseau, « La décision du Conseil constitutionnel s’impose mais, parce qu’elle est mal fondée et mal motivée en droit, elle ne peut pas clore le contentieux », Le Monde, 16 avril 2023. ; voir aussi sur les dysfonctionnements de ce Conseil, et sur sa timidité environnementale : Lauréline Fontaine, Thomas Perroud et Dominique Rousseau, « L’impartialité des membres du Conseil constitutionnel en question », Questions constitutionnelles, 5 janvier 2024.

[10]Voir « 60 ans d’actions violentes : faut-il pour autant dissoudre la FNSEA ? », Basta, 28 juin 2023 ; Stéphane Foucart, « Il y a des violences que l’Etat affronte et d’autres a

Dominique Bourg

Philosophe, Professeur honoraire de l'Université de Lausanne

Notes

[1] Voir Julia Cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique, Paris, Seuil, 2023.

[2] Comparaison chère à mon ami l’historien Johann Chapoutot.

[3] Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006

[4] Selon l’Observatoire des inégalités, à « la fin des années 1990, on assiste à un tournant dans l’histoire des inégalités de niveau de vie en France : l’indice de Gini se remet à augmenter fortement jusqu’à un sommet de 0,298 atteint en 2011. En 2021, après plusieurs années d’accalmie, l’indicateur remonte à ce niveau, à 0,294 précisément. »

[5] Voir Christian Salmon, La Tyrannie des bouffons, Les Liens qui libèrent, 2023 & Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Paris, Folio-Gallimard, 2023 (2019).

[6] Voir l’article de Mark Kesselman, « Trump II : une farce ? Non, une tragédie », Telos, 2 janvier 2024.

[7] Voir sa tribune «  L’exécutif piétine consciemment un Etat de droit qu’il est pourtant plus que jamais nécessaire de défendre »; Le Monde, 21 décembre 2023. Voir aussi : « Emmanuel Macron sermonné par l’académicien François Sureau sur le respect de l’Etat de droit », Le Monde, 9 janvier 2024.

[8] Voir Dominique Bourg, « De la retraite aux Soulèvements de la Terre, les dérives illibérales du gouvernement », Le Nouvel Obs, 29 juin 2023

[9] Voir à ce sujet les analyses de Dominique Rousseau, « La décision du Conseil constitutionnel s’impose mais, parce qu’elle est mal fondée et mal motivée en droit, elle ne peut pas clore le contentieux », Le Monde, 16 avril 2023. ; voir aussi sur les dysfonctionnements de ce Conseil, et sur sa timidité environnementale : Lauréline Fontaine, Thomas Perroud et Dominique Rousseau, « L’impartialité des membres du Conseil constitutionnel en question », Questions constitutionnelles, 5 janvier 2024.

[10]Voir « 60 ans d’actions violentes : faut-il pour autant dissoudre la FNSEA ? », Basta, 28 juin 2023 ; Stéphane Foucart, « Il y a des violences que l’Etat affronte et d’autres a