Société

Crises du logement et crise de l’immobilier

Urbaniste

À la veille du 70e anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre, le Premier ministre a osé annoncer une remise en cause de la loi SRU. Témoignant d’une profonde méconnaissance et d’une confusion entre les enjeux du logement social et ceux de l’immobilier commercial, l’exécutif ainsi risque d’exacerber plutôt que de résoudre la crise. Il s’avère pourtant nécessaire d’analyser avec rigueur les évolutions des dernières décennies pour élaborer des réponses politiques adéquates et efficaces.

À l’heure où, comme chaque 1er février, la Fondation Abbé Pierre s’apprête à dénoncer la lancinante question du mal-logement en France, le Premier ministre démontre une fois de plus l’erreur de diagnostic qui fonde la politique du logement au sommet de l’État.

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En annonçant dans son discours de politique générale, le 30 janvier 2024, son intention de modifier les modalités du calcul des obligations des communes urbaines en matière de logement social, il propose « d’ajouter pour une part les logements intermédiaires accessibles aux classes moyennes dans le calcul des 25% ». Ce qui sonne d’abord comme une concession aux maires récalcitrants montre surtout l’ignorance du pouvoir, du fait que les plafonds de ressources du vrai logement social couvrent aujourd’hui plus des deux tiers des ménages vivant en France.

Le logement social est donc, par sa définition, largement « accessible aux classes moyennes ». Le problème est tout autre. C’est l’insuffisance de l’offre qui en concentre l’attribution aux demandeurs les plus prioritaires et ferme la porte aux autres. Introduire un nouveau produit immobilier, plus cher et plus sélectif, dans la définition du logement social ne peut, au contraire, qu’aggraver le problème. On est bien loin d’une réponse à ce qu’en ce début 2024 tous les acteurs du secteur désignent comme une crise du logement, ce qui justifie de tenter d’en tracer les contours et d’en expliciter les causes.

L’usage du terme de « crise du logement » semble omniprésent dans le vocabulaire politique français au moins depuis l’après-guerre. Outre qu’elle dénote un usage fautif du concept de crise qui désigne en toute rigueur la phase critique et brutale de l’évolution d’un phénomène et constitue une rupture, voire l’ouverture vers un changement majeur, cette permanence masque plusieurs dimensions importantes du problème du logement en France.

Le retour de l’inflation depuis la fin de 2021 vient toutefois renouveler l’actualité du sujet en générant, pour la p


[1] Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Conjoncture de l’immobilier. Résultats au troisième trimestre 2023, janvier 2024.

[2] La dernière crise immobilière grave en France remonte à 1992. Lors de la crise financière de 2008, d’importantes mesures politiques contracycliques étaient parvenu à en limiter les effets sur l’immobilier.

[3] Jean-Claude Driant et Pierre Madec (dir.) Les crises du logement, La vie des Idées, PUF, 2018.

[4] Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, Décembre 2022. Chiffres tirés de l’Enquête logement 2020.

[5] L’ensemble des chiffres de comparaison européenne proviennent d’exploitation de données d’Eurostat disponibles en janvier 2024.

[6] Fondation Abbé Pierre L’état du mal logement en France, Rapport annuel#28, 2023.

[7] Le mécanisme du compte à rebours des promoteurs immobiliers part de l’idée que ce sont les prix de vente des logements neufs qui sont fixés en premier pour se caler sur la solvabilité des acquéreurs visés. Les coûts de construction étant connus, ce sont les coûts d’acquisition du foncier qui constituent la variable d’ajustement. C’est ainsi que plus les prix de vente sont élevés, plus les promoteurs peuvent surenchérir sur l’acquisition des terrains.

[8]: « Mobilité résidentielle : tensiomètre des crises du logement ? » Dans Jean-Claude Driant et Pierre Madec (dir.) Les crises du logement, La vie des Idées, PUF, 2018, pp.29-41.

[9] Toujours selon la note de conjoncture, les taux d’intérêt des crédits à l’habitat à taux fixe étaient inférieurs à 1,2% fin 2021 ; ils atteignaient 3,3% au troisième trimestre de 2023. Le simulateur du site meilleurtaux.com début janvier 2024 part d’un taux de 4,05% pour un prêt sur 20 ans, hors assurance et avant négociation.

[10] Union Sociale pour l’Habitat (USH), Les HLM en chiffres, édition de 2023.

[11] « Emmanuel Macron : « Réindustrialiser la Franc

Jean-Claude Driant

Urbaniste, Professeur à l’École d’urbanisme de Paris

Notes

[1] Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Conjoncture de l’immobilier. Résultats au troisième trimestre 2023, janvier 2024.

[2] La dernière crise immobilière grave en France remonte à 1992. Lors de la crise financière de 2008, d’importantes mesures politiques contracycliques étaient parvenu à en limiter les effets sur l’immobilier.

[3] Jean-Claude Driant et Pierre Madec (dir.) Les crises du logement, La vie des Idées, PUF, 2018.

[4] Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Les conditions de logement des ménages résidant en France en 2020, Décembre 2022. Chiffres tirés de l’Enquête logement 2020.

[5] L’ensemble des chiffres de comparaison européenne proviennent d’exploitation de données d’Eurostat disponibles en janvier 2024.

[6] Fondation Abbé Pierre L’état du mal logement en France, Rapport annuel#28, 2023.

[7] Le mécanisme du compte à rebours des promoteurs immobiliers part de l’idée que ce sont les prix de vente des logements neufs qui sont fixés en premier pour se caler sur la solvabilité des acquéreurs visés. Les coûts de construction étant connus, ce sont les coûts d’acquisition du foncier qui constituent la variable d’ajustement. C’est ainsi que plus les prix de vente sont élevés, plus les promoteurs peuvent surenchérir sur l’acquisition des terrains.

[8]: « Mobilité résidentielle : tensiomètre des crises du logement ? » Dans Jean-Claude Driant et Pierre Madec (dir.) Les crises du logement, La vie des Idées, PUF, 2018, pp.29-41.

[9] Toujours selon la note de conjoncture, les taux d’intérêt des crédits à l’habitat à taux fixe étaient inférieurs à 1,2% fin 2021 ; ils atteignaient 3,3% au troisième trimestre de 2023. Le simulateur du site meilleurtaux.com début janvier 2024 part d’un taux de 4,05% pour un prêt sur 20 ans, hors assurance et avant négociation.

[10] Union Sociale pour l’Habitat (USH), Les HLM en chiffres, édition de 2023.

[11] « Emmanuel Macron : « Réindustrialiser la Franc