Société

Constitutionnalisation de l’avortement : entre kairos et phronesis

Juriste

Symboliquement importante, la constitutionnalisation du droit à l’IVG votée ce lundi 4 mars par le Congrès n’a hélas pas pris la forme de la consécration d’un droit individuel. Et s’il existe désormais une garantie constitutionnelle de l’avortement, la prudence reste de mise quant à son étendue précise.

Le 8 mars, la cérémonie de scellement de la 25ème révision de constitution de 1958 se tiendra place Vendôme, matérialisation de l’inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » à la femme de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Retour sur les 18 mois qui ont mené au vote du Congrès.

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Kairos : Dobbs comme une fenêtre d’opportunité ?

L’arrêt Dobbs rendu en juin 2022 par la Cour suprême américaine a constitué une onde de choc ; dans son sillage, des millions de femmes états-uniennes sont brutalement retombées dans une ère reculée, plusieurs législations du XIXe siècle relatives à l’avortement redevenant automatiquement applicables suite à l’annulation de la jurisprudence Roe v. Wade qui, en 1973, avait lu dans la Constitution fédérale une protection constitutionnelle de la liberté d’avorter. Cet évènement retentissait d’autant plus fort qu’il faisait écho à d’autres reculs comparables – en Pologne, en Hongrie et ailleurs.

En France, l’hypothèse d’une constitutionnalisation du droit à l’IVG avait déjà été envisagée – notamment en 2017 et en 2019, sans toutefois aboutir. Il y avait donc une opportunité à saisir. De nombreux parlementaires s’emparaient aussitôt de la question ; pas moins de 6 propositions de loi constitutionnelles étaient déposées entre juillet et octobre 2022. C’est au Sénat que la première était examinée, retoquée de peu, avec seulement 17 voix manquantes. À l’Assemblée nationale, une entente transpartisane permettait l’adoption d’un texte qui aurait inscrit à l’article 66-2 de la Constitution la formule suivante : « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ».

Saisi de la question, le Sénat acceptait le principe d’une révision de la Constitution, mais adoptait une formulation bien plus modeste (« la loi détermine les modalités selon lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse »), à telle enseigne qu’elle soulevait même la question de so


Stéphanie Hennette Vauchez

Juriste, professeure de droit public à l’Université Paris Nanterre, Directrice du CREDOF (Centre de recherches et d’étude sur les droits fondamentaux)

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