International

Israël-Gaza : contre le campisme

Sociologue

Le campisme se tient dans un espace idéologique généralisateur qui empêche de sortir de la crise politique et intellectuelle actuelle. Cette lecture simpliste des sociétés israélo-palestiniennes est coupée de l’ordinaire, du vécu, qu’il s’agisse de l’occupation ou, également, du mouvement climatique. Pourtant, il semble encore possible d’espérer dans la diplomatie du quotidien et l’interrelation des sociétés civiles entre elles.

Le bilan de la guerre menée à Gaza se chiffre désormais en dizaines de milliers de victimes palestiniennes. Alors que l’inquiétude politique se noue de plus en plus autour de la question du devenir de Gaza ou de l’impasse de la guerre, d’autres dommages, certes symboliques, apparaissent. Face à un sensationnalisme médiatique, à des analyses de surface qui inondent les supports d’information, la science sociale peine à se faire entendre à dégager un espace qui lui est propre, quand elle n’est pas caricaturée.

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L’une des raisons en est que l’enjeu ne réside pas dans la problématisation du conflit, mais dans une lecture simpliste des sociétés israélo-palestiniennes. Le traitement du conflit relevant de plus en plus d’un processus de mise en actualité[1], ce sont les interprétations à distance et souvent pauvres en contenus qui sont privilégiées, au détriment des descriptions et de la problématisation. Ce constat concerne particulièrement les positions militantes qui reflètent les voies par lesquelles la politique existe dans l’espace public.

Il n’existerait que deux camps qui divisent le monde : les anti-Israéliens (ou antisionistes propalestiniens) et les antipalestiniens (ou pro-israéliens). Cette exploitation binaire de la guerre relève du campisme, mais on peut élargir cette notion en prenant en compte le fait que ces analyses sont effectuées à distance. Ce type d’empathie, parce qu’elle est lointaine et la plupart du temps sans connaissance réelle des réalités, accroît la critique et donne lieu à une montée hâtive en généralité des militants et de l’opinion publique. Nul doute que celle-ci se trouve actuellement renforcée par les exactions israéliennes à Gaza.

Pour relever ce type de geste idéologique, il faut se pencher sur la récurrence de certaines notions dont regorgent les tribunes dans les médias. Nous considérerons ici seulement les positions militantes en soutien à la Palestine, venant en appui du Sud global, de l’anti-racisme ou de l’anti-impéria


[1] Voir Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, Qu’est-ce que l’actualité politique ? Gallimard, 2022.

[2] Cette analyse devra être suivie d’une autre, symétrique, vue depuis la critique des « anti-Palestiniens ».

[3] Voir par exemple l’historien Ilan Pappé, « Il fait sombre avant l’aube, mais le colonialisme israélien touche à sa fin », revue Contretemps, 27/02/1024.

[4] Voir par exemple l’historien Baruch Kimmerling, Zionism and Territory: The Socioterritorial Dimensions of Zionist Politics, University of California, Institute of International Studies, 1983.

[5] Dans le dernier recensement de la population (2021), les séculiers représentent 45% de la population juive, le observants traditionnels 35% et les ultra-orthodoxes 10%

[6] D’après le Bureau central des statistiques en 2019.

[7] Dans un récent sondage, datant de janvier 2024, 71% des Israéliens juifs et arabes pensent que de nouvelles élections en Israel doivent intervenir de manière anticipée. En février 2024, 30% des Israéliens juifs se disaient favorables à un plan de paix incluant à terme un Etat palestinien démilitarisé.

[8] Parmi les intellectuels on peut citer : Sammy Smooha, Arabs and Jews in Israel: Conflicting and Shared Attitudes in a Divided Society, Westview Press, 1989 ; Yehouda Shenhav, The Arab Jew. A Postcolonial Reading of Nationalism, Religion, and Ethnicity, Stanford University Press, 2006 ; Ella Shohat, Le Sionisme du point de vue de ses victimes juives : les juifs orientaux en Israël, La Fabrique, 2006. Parmi les mouvements décoloniaux on peut citer : le Mizrahi Democratic Rainbow (mouvement social Mizrahi libéral de gauche), Achoti (« Ma sœur », mouvement féministe Mizrahi).

[9] Sylvaine Bulle, « La règle et la pratique. Le cas du conflit israélo-palestinien dans la dernière décennie » (2004- 2014), International Review of Sociology, vol 25 (2) 2015, p. 295-317.

[10] Voir l’appel des 872 officiers dénonçant les méthodes d’intimidation (notamment des homosexuels Palestiniens) pour les enrôl

Sylvaine Bulle

Sociologue, Professeure à l'ENSA de Paris Diderot

Notes

[1] Voir Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, Qu’est-ce que l’actualité politique ? Gallimard, 2022.

[2] Cette analyse devra être suivie d’une autre, symétrique, vue depuis la critique des « anti-Palestiniens ».

[3] Voir par exemple l’historien Ilan Pappé, « Il fait sombre avant l’aube, mais le colonialisme israélien touche à sa fin », revue Contretemps, 27/02/1024.

[4] Voir par exemple l’historien Baruch Kimmerling, Zionism and Territory: The Socioterritorial Dimensions of Zionist Politics, University of California, Institute of International Studies, 1983.

[5] Dans le dernier recensement de la population (2021), les séculiers représentent 45% de la population juive, le observants traditionnels 35% et les ultra-orthodoxes 10%

[6] D’après le Bureau central des statistiques en 2019.

[7] Dans un récent sondage, datant de janvier 2024, 71% des Israéliens juifs et arabes pensent que de nouvelles élections en Israel doivent intervenir de manière anticipée. En février 2024, 30% des Israéliens juifs se disaient favorables à un plan de paix incluant à terme un Etat palestinien démilitarisé.

[8] Parmi les intellectuels on peut citer : Sammy Smooha, Arabs and Jews in Israel: Conflicting and Shared Attitudes in a Divided Society, Westview Press, 1989 ; Yehouda Shenhav, The Arab Jew. A Postcolonial Reading of Nationalism, Religion, and Ethnicity, Stanford University Press, 2006 ; Ella Shohat, Le Sionisme du point de vue de ses victimes juives : les juifs orientaux en Israël, La Fabrique, 2006. Parmi les mouvements décoloniaux on peut citer : le Mizrahi Democratic Rainbow (mouvement social Mizrahi libéral de gauche), Achoti (« Ma sœur », mouvement féministe Mizrahi).

[9] Sylvaine Bulle, « La règle et la pratique. Le cas du conflit israélo-palestinien dans la dernière décennie » (2004- 2014), International Review of Sociology, vol 25 (2) 2015, p. 295-317.

[10] Voir l’appel des 872 officiers dénonçant les méthodes d’intimidation (notamment des homosexuels Palestiniens) pour les enrôl