Politique

L’étrange poutinophilie de l’extrême-droite française

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La position du Rassemblement National à propos de la guerre en Ukraine et vis-à-vis de la Russie rappelle la manière dont Marc Bloch décrivait celle d’une partie de la droite la plus conservatrice pendant la seconde guerre mondiale, défaitiste et trop encline à chercher le « salut » de son pays dans l’action de puissances extérieures (et autoritaires).

Les poutinophiles français ont-ils tiré les leçons de l’invasion de l’Ukraine ? La plupart d’entre eux prétendent avoir revu leur jugement sur le président russe, dont les dirigeants du Rassemblement National (RN).

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En février 2023, le président du parti Jordan Bardella considérait qu’il était « impossible de négocier la paix si l’Ukraine ne retrouve pas son territoire, et si les troupes russes ne quittent pas l’Ukraine ». Sommé de justifier les accointances passées du RN avec le Kremlin, Bardella faisait valoir que « le Vladimir Poutine d’il y a cinq ans n’[était] pas celui qui, cinq ans plus tard, [a] décid[é] d’envahir l’Ukraine et de commettre des crimes de guerre à Odessa ou à Marioupol ».

En réalité, l’aggiornamento du RN relève de l’imposture. Deux jours après l’entretien de Jordan Bardella, la présidente du parti à l’Assemblée nationale Marine Le Pen envoyait une lettre aux français regrettant le « bellicisme irresponsable » de certains de « nos dirigeants ». « Irresponsable », c’est également ainsi qu’elle qualifiait la décision d’Emmanuel Macron de livrer des missiles à l’Ukraine en juillet 2023. À Strasbourg, les députés européens du parti ont, eux, pris garde de ne voter aucune résolution hostile à la Russie.

Malgré l’invasion de l’Ukraine, une vision du monde inchangée

En fait, l’ensemble des poutinophiles, nombreux dans les milieux les plus conservateurs dont une « nébuleuse » d’anciens officiers militaires, pratiquent tous le même jeu d’équilibrisme. Tombés de haut avec l’invasion de l’Ukraine, ils tentent désormais de se « rattraper aux branches ». Plutôt que de se réjouir de la mobilisation des Occidentaux, ils préfèrent dénoncer leurs actions, entonnant sans cesse les mêmes narratifs, largement inspirés par la propagande du Kremlin. D’abord, l’aide à l’Ukraine serait inutile car le pays finira par s’épuiser, et l’Union européenne avec. Pire, elle va nous conduire à une guerre mondiale. Ensuite, les sanctions contre la Russie n’auraient auc


Romain Esmenjaud

Politiste, Docteur en Relations Internationales de l’Institut de Hautes Études Internationales et de Développement (IHEID) de Genève