Politique

Quand le parlement invite la télévision, elle répond

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D’un côté des parlementaires élus de la République autorisés à poser les questions qui fâchent, de l’autre des hommes de télévision sommés d’y répondre : le travail de la commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences de la TNT est apparu comme un salutaire renversement symbolique. Jusqu’à ce que le président de cette commission, le député Renaissance Quentin Bataillon accepte une convocation sur le plateau de TPMP…

Ceux qui ont suivi les auditions devant la « commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences de la TNT » (c’est son nom) ont pu éprouver un sentiment désormais relativement rare, celui de voir (un temps) l’ordre institutionnel prendre le dessus sur le monde de la télévision. La procédure de la convocation devant les parlementaires, le simple fait, pour des gens de télévision, d’être soumis aux questions de ceux-ci, de devoir y répondre courtoisement après avoir prêté serment, la scénographie même des lieux, et bien sûr le fait que ces auditions soient filmées et de ce fait accessibles à tous, tout cela a contribué à signifier, avec force les symboles, la solidité d’un ordre institutionnel des plus classiques.

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Les intéressés ne s’y sont pas trompés, dont on put deviner le sentiment d’humiliation éprouvé (et bien sûr en particulier pour les plus puissants d’entre eux) de devoir ainsi rendre compte, eux que la puissance économique (Vincent Bolloré) ou la gloire médiatique (Cyril Hanouna, Yann Barthès) autorisent depuis longtemps à se croire, en quelque sorte, tout permis.

La mise en scène de ce rapport de force, d’un côté des parlementaires élus de la République autorisés à poser les questions qui fâchent, de l’autre des hommes de télévision sommés d’y répondre, s’inscrit à contre-courant des logiques contemporaines. Elle constitue clairement un renversement symbolique : de « simples » parlementaires, peu connus du grand public, font passer un oral à des personnalités richissimes et ultra-médiatisées réputées intouchables. Au regard des grammaires institutionnelles traditionnelles, ce renversement n’est pourtant qu’un rappel à l’ordre des plus classiques : face aux représentants du peuple et à la légitimité du suffrage universel, la visibilité médiatique ne pèse pas davantage que l’argent, tous les citoyens sont égaux face à la loi. Mais au regard des grammaires médiatiques qui pèsent désormais si fortement, cette procédure institutionnell


Christian Le Bart

Politiste, Professeur de science politique à Sciences Po Rennes – UMR Arenes-CNRS