Numérique

Pouce baissé

Écrivain et metteur en scène

Pour l’écrivain Olivier Steiner, Facebook était depuis une quinzaine d’années une sorte d’herbier, de brouillon en ligne. Et puis un jour de décembre dernier, sans crier gare, son compte a été supprimé du jour au lendemain. Mais il a continué à écrire. À commencer par cet article.

Un beau jour, plus rien, grand silence : pouce baissé ! En décembre dernier mon compte Facebook a été supprimé du jour au lendemain. Vraiment supprimé, d’un coup, pas suspendu, sans avertissement. C’est la première fois que j’avais un problème avec le réseau social.

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Sur le moment j’ai pensé à un bug, j’ai tenté de me reconnecter mais tout accès à Facebook lié à mon adresse mail ou à mon numéro de téléphone était désormais impossible, de la même façon qu’il allait devenir impossible de connaître la raison de cette radiation, ou de faire la moindre réclamation, ou de parler à quelqu’un chez Meta, la maison-mère. Ce n’est pas tout à fait vrai : j’ai eu droit à quelques réponses, aussi longues qu’absurdes, envoyées en moins d’une seconde par un chatbot sachant enfumer et pisser de l’écriture quasiment à la vitesse de la lumière : deux pages verbeuses pour me conseiller d’écrire au Support Facebook via ma page, or celle-ci étant supprimée, retour à la case zéro. Bilan : photos, vidéos, textes depuis plus de 15 ans environ, 5000 « amis » : tout perdu ! Et impossible de récupérer la moindre copie des données. Quant à la lettre recommandée envoyée au siège parisien : jamais reçu de réponse…

Bienvenue dans le Meta World ! Mais que s’est-il passé ? Ai-je été victime d’un piratage ? Il n’y aurait aucun recours dans un cas pareil ? Ne peut-on pas réparer, nettoyer ? Suis-je coupable si j’ai été piraté ? Ou bien s’agit-il d’une ou de plusieurs dénonciations ? Mais qui, quoi, pourquoi ? Je refuse de céder à la paranoïa car ça ne sert à rien mais mon dernier post était celui où j’annonçais que « j’auto-publiais » mon dernier livre Guillaume, tout en formulant quelques critiques à l’égard de l’édition française traditionnelle telle que je la connais. Bien sûr cette radiation n’a rien à voir avec ce post, ce serait fou s’il y avait le moindre rapport, mais c’est troublant. Au moins ça : troublant.

Alors quoi, ai-je enfreint « les règles et standards de la communauté » ? Quand, où, comment ? D’ailleurs que dit Facebook à propos des règles ? « L’objectif de nos standards est de créer un lieu d’expression qui donne la parole à tous. Meta souhaite que les utilisateurs puissent s’exprimer ouvertement sur les sujets qui comptent pour eux, que ce soit via des commentaires, des photos, de la musique ou d’autres moyens d’expression artistique, même si certains peuvent être en désaccord ou y trouver à redire. Dans certains cas, nous autorisons la publication de contenu qui va à l’encontre de nos Standards s’il est pertinent et d’intérêt public. Nous ne prenons cette décision qu’après avoir évalué l’impact positif qu’il représente pour l’intérêt public par rapport à son éventuel préjudice ; pour ce faire, nous nous appuyons sur les principes universels des droits de l’homme. Dans d’autres cas, nous pouvons supprimer du contenu utilisant un langage ambigu ou implicite, si après avoir eu accès à d’avantage de contexte nous déterminons raisonnablement que ce contenu enfreint nos standards. »

Donc Facebook au service des droits de l’homme, rien que ça ! Mon livre Guillaume traite du suicide, ou plutôt du deuil si particulier et assez indicible d’après suicide – les algorithmes auraient – ils identifié ce terme de suicide comme un mot dangereux, criminel ? Utiliser ce mot de « suicide » nous rendrait coupable d’incitation au suicide ? Quid de la prévention du suicide ? Et qu’est-ce donc que cette confiscation des mots ? Facebook se serait-il arrogé la maîtrise du sens des mots ? Au nom des droits de l’homme, peut-être ? Ou au nom du bien tel qu’on le conçoit dans la Silicon Valley ? Ce serait une bien mauvaise nouvelle pour la nuance, la littérature voire la pensée tout court ! Je dois dire que je suis tombé de haut. Plus que la perte de mes données, c’est ce silence qui je crois m’a le plus perturbé, pour ne pas dire blessé, déprimé, enragé. Donc on peut être accusé, jugé et condamné dans le même mouvement ? Les régimes qui opèrent ainsi ne se drapent pas trop sous l’étendard des droits de l’homme, en général.

De toute façon ici il n’y a personne, point de régime politique, il y a un « quelque chose », un système, la logique d’une piètre informatique sans conscience. Je ne suis pas spécialement naïf ou candide mais avec le temps, les années, j’avais fini par développer une sorte de sentiment affectif à l’égard de la plateforme bleue, attachement d’autant plus prégnant que Facebook fut le premier réseau social mondial, notre « premier amour numérique ». De plus les mots y ont une place plus importante que sur Insta ou X par exemple, notamment parce qu’on peut y publier des textes longs. Or les mots sont chair, n’est-ce pas ? Et puis Facebook était devenu pour moi plus qu’un réseau social, je m’en servais beaucoup pour travailler, écrire, éprouver certains textes online, dans le flux, sous le feu de cette sorte d’auto-publication instantanée où poster revient à lire, relire, donner, partager, offrir, s’adresser, sortir d’une certaine solitude : « frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui », comme l’écrivait Montaigne. « Intelligences collectives », comme on les appelait ou plutôt comme on les invoquait à l’époque. J’écris beaucoup, quasiment tous les jours depuis des années, or je publie assez peu, Facebook était une sortie d’herbier, de brouillon en ligne, là où je mettais mes textes.

Et puis c’est plus fort que nous, on reste sentimental, irrationnel, on s’habitue. J’avais fini par « penser sans le penser » qu’avec tout ce que j’avais donné à Facebook, lol ! Ridicule pensée ! On n’est rien, on ne compte pas ! « Toutes les images disparaîtront » comme le dit Annie Ernaux. On est rien, je ne suis rien et tout est vanité et poursuite du vent. Tout sera balayé, supprimé, d’un coup – quel accablement ! Et dans le cas de Facebook c’est encore plus violent puisque Facebook dans son essence même c’est soi, soi-même, son identité, sa « face », sa page, son mur comme l’extension de sa maison, symboliquement c’est soi-même qui est nié, traité comme un inconvénient négligeable – « tué ». Et qui est là pour répondre ou s’expliquer ? Personne, nobody, revoilà le silence. Histoire d’un amour trahi, j’ai été plaqué, banni, on m’a quitté. Je ne sais même pas ce que je lui ai fait… Oh, la belle affaire ! Oh, la gueule de bois !

Amour ? Amour – le mot n’est-il pas exagéré, un peu ridicule ? Hé bien, je vais exagérer, je vais même délirer si vous permettez car il s’agit bien de ça, au fond : nos amours non présentielles. Je crois que le monde est devenu une lettre d’amour malade. Plus de 6.000 milliards de SMS sont échangés chaque année, plus de 240 milliards de messages sur Messenger, chaque jour 130 milliards de messages WhatsApp… Parmi tous ces messages, ces lettres, combien s’adressent qu’ils le sachent ou non à l’absence de l’être aimé, quand il ne s’agit pas de le créer de toutes pièces dans une sorte de méta-vie, hors de la vie, où l’image du corps est omniprésente mais pas celui-ci ? À qui s’adresse t-on quand on publie à longueur de journée les petits riens de nos vies ? Séduire, d’accord, il y a la séduction. Mais on dirait que certains cherchent désespérément des preuves de leur propre existence ! Pourquoi en doutent-ils à ce point ? Pourquoi ne sont-ils jamais rassurés ? Il y aurait celui ou celle que nous sommes, il y aurait l’autre, et il y aurait désormais un troisième acteur, la relation écrite, que ce soit en mots, photos ou vidéos, il y aurait l’échange, la correspondance, les post, les commentaires, tout ce qui fait nos existences virtuelles et réelles, sur la toile.

L’ennemi n’est pas le numérique, c’est le fantomatique entre les hommes, qui grandit et se propage.

C’est en perdant Facebook que j’ai vraiment mesuré et pris conscience de cela. Ce nouvel état de la solitude. Car ce n’est plus la solitude essentielle et philosophique des siècles passés, il semble que notre époque l’a comme absorbée et refoulée pour la remplacer par une omniprésence numérique, un commerce avec des fantômes qui nous hantent et nous harcèlent, à toutes les heures, au travail ou dans le télé-travail, entre amis, en famille, dans les relations amoureuses, dans la drague. Et ce n’est pas par hasard si ce même XXIe siècle a inventé de façon ironique ou perverse le terme de « présentiel », c’est que nous ne le sommes plus, ou de moins en moins, présents, justement, à nous-mêmes ou aux autres. Pourquoi être présents alors que nous sommes connectés ? Et je crois que nous convoquons dans ces relations « faraway, so close » quelque chose que nous ne connaissons pas, que nous ne maitrisons pas, une sorte d’égrégore, une entité qui n’est pas douée de vie mais qui a sa force et son énergie propres, sa logique interne. Cette chose apparaît dans l’espace qui nous sépare et nous relie, et voici que le monstre ne se déchaîne jamais aussi totalement que lorsque s’y mêle la parole « amour ».

Un beau jour c’est un simple like, puis un coeur, puis plusieurs coeurs, au début c’est sympathique, chaleureux, lumineux, quelques mois plus tard c’est l’Acte III de Tristan et Isolde, la tragédie, la fusion, la confusion, liebestod, que s’est-il passé ? Rien, que des data, des humeurs métaphoriques, des tonnes de désir perdu, des espoirs, désespoirs. « Le fantôme grandit sous la main qui trace les lignes, les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route », écrivait Kafka. L’ennemi n’est pas exactement le numérique, le numérique est le moyen, une technologie offerte par le capitalisme, l’ennemi est le fantomatique entre les hommes, qui grandit et se propage, qui pousse aux écritures pulsionnelles, hystériques, automatiques, addictives, et toujours plus frustrantes, anxiogènes. C’est le règne de la pensée binaire, j’aime, j’aime pas, je suis pour, je suis contre : ça rend hargneux. « Il n’y a pas de rapport sexuel », disait Lacan. Encore faudrait-il creuser cette assertion mystérieuse et volontairement provocante.

Ces écritures à distance, où lire et écrire le message reçu ou envoyé finit par compter moins que le fait de taper online, d’être dans le flux tendu, dans cette sorte d’érection langagière, où tout finalement peut être dit, tel mot entrainant un autre dans une fuite en avant terrible, jusqu’à envoyer au diable la vérité : qu’importe la vérité quand le fake est plus intense et plus « sexy », tendu vers la décharge ! On ne cherche plus la jouissance mythique, on l’exige désormais, on la réclame, on trépigne quand elle se dérobe, on fait des caprices, on l’exige parce qu’on le vaut bien, c’est tout ! Et le narcissisme se déverse dans la libido, et la libido dans le narcissisme : je me love, je me love, mais comme je m’aime pas si vous saviez ! C’est que la jouissance mythique ne se rencontre pas dans la vie. Ou bien si, mais alors elle porte un nom : la mort. « Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique. Il restera la mer quand même, les océans et puis la lecture. Les gens vont redécouvrir ça. Un homme, un jour, lira et puis tout recommencera. » Puisse l’avenir vous donner raison, Marguerite Duras.

Je reviens sur terre, j’atterris. J’ai pu échanger avec une ancienne connaissance amicale chez Facebook, elle n’y travaille plus mais elle a pu me confirmer que ce qui m’est arrivé arrive à d’autres, et qu’il n’y a quasiment aucun recours quand le compte est ainsi désactivé. Elle m’a ensuite confié qu’elle a quitté Facebook car la modification des algorithmes a changé le réseau, Facebook n’est plus Facebook. Facebook n’est plus gratuit par exemple, ou plutôt c’est toujours gratuit mais en fait non, le marketing coercitif concernant la publicité payante est de plus en plus inévitable si tant est qu’on veuille conserver une audience correcte, celle du temps des premières années n’existe plus. Aujourd’hui Facebook décide qui verra vos publications, réduit l’audience comme ça lui chante et vous ne saurez rien de sa cuisine interne. Arrivé à l’âge adulte, Facebook n’est plus ce chaton mignon ami de tous mais un prédateur libéral qui resserre les liens des gens entre eux comme le rapace ses serres sur une proie.

Selon cette amie les causes d’une la suppression de mon compte vont du piratage, aux dénonciations / signalements, ou au non respect des règles ou autres standards publicitaires. Reste la possibilité d’intenter un procès à Meta, comme si j’avais que ça à faire ! Je préfère écrire ce papier. Au début je me suis dit : bon débarras ! Je me passerai bien de toi, Facebook ! Mais ce type de contact quotidien avec certains amis, pas forcément en se parlant mais « en étant là », en passant, en lisant les nouvelles, en voyant telle photo ou tel lien, telle pensée, bref ces interactions faibles et fortes, cette sorte de présence de l’autre fut-il absent, ont fini par me manquer. Voilà la force de Facebook, nos sentiments, et ils le savent. Ils nous tiennent avec. Car après tout qu’est-ce que nous voulons sinon être aimés et reconnus ? J’ai arrêté de me battre contre des moulins à vent, d’accord, j’ai perdu. Mais quand j’y pense, c’est quand même quelque chose cette façon de faire, sans justice ni humanité ! Car il y a préjudice et je ne suis coupable de rien, donc il y a injustice.

Mais au delà de mon cas particulier, cette mésaventure m’a fait réfléchir à la maltraitance numérique que nous subissons de plus en plus. On parle volontiers de cyber-harcèlement et de violences numériques (et on a raison), mais il s’agit de la violence des internautes, êtres humains, entre eux. Or là je parle de la violence du système lui-même, des algorithmes si on veut, de toutes ces logiques si souvent bêtes et froides, ineptes. On peut même employer le terme de maltraitance institutionnelle ! Et moi, encore, ça va à peu près, j’ai quelques moyens pour me défendre (même s’ils ne sont pas suffisamment puissants), je pense aux générations plus âgées notamment, mes parents, les e-exclus ! Il y a là un problème d’Etat majeur ! Un problème politique au sens le plus noble du terme. Je parle de la dématérialisation des services publics, accompagnée de la fermeture des guichets de proximité et donc de la suppression de tout contact humain. Cela met en danger rien de moins que la cohésion sociale, notre sentiment d’appartenance commun.

Combien de colères, de sentiments de rage, d’impuissance, de découragement quand il ne s’agit pas de désespoir, de hontes sont passés sous silence parce qu’il n’y a quasiment aucun porte-voix ! 13 millions de personnes seraient en difficulté avec le numérique dans notre pays. Et comme par hasard au même moment les violences physiques augmentent sur le terrain ! Bien entendu les causes de ces violences sont multiples et complexes, mais ne peut-on pas supposer que cette maltraitance numérique puisse faire le lit d’une colère et d’une rage sourde qui finit par exploser ça et là en agressions ou voies de fait ? Quand on est à bout, épuisé, qu’on se sent harcelé chaque jour par un adversaire sans visage, sans possibilité de réponse et contre lequel on ne peut lutter, on peut craquer. Et sans parler des violences physiques, les relations ne sont-elles de plus en plus violentes depuis quelques années, en particulier depuis le confinement ? Le software nous rendrait-ils plus hard ? Je crois que oui. À cause de cette histoire de néo-solitude connectée dont j’ai essayé de parler, à cause de l’appauvrissement du langage qui finit par appauvrir la pensée, la simplifie, la radicalise, à cause de la disparition du vide, de l’ennui, de la vacance, ces moments où l’on rêvasse, ce temps contemplatif, quand on est ramené à soi seul dans le monde, sous le ciel, dans le temps.

C’est comme si l’information désormais nous consommait, et non plus le contraire.

Désormais tout est plein, tout le temps, ça parle tout le temps, de tout, le bruit est continu, on ne peut ni ne veut rien rater, c’est hyper plein et hyper creux, même les informations, les gens débattent pendant que des fils d’actualités défilent en bas de l’écran, bientôt sur les côtés, ou en haut, en 3D, on lit d’un oeil, on écoute d’une oreille, c’est partout, c’est une folie, on comprend tout, on ne comprend plus rien, y’a le porno, la mode, LVMH, les chatons, les riches à Dubaï, Poutine, Trump, Jordan Bardella, Mathilde Panot, Kim Kardashian, y’a tout, ce tout qui nous emporte et nous ravage dans un incessant brouhaha, y’a tout et de moins de moins de sommeil, y’a les séries, chaque fragment du réel est transformé en information, ou morceaux de fiction, il n’y a plus rien, y’a le wokisme et le djihadisme, le sensible est de plus en plus exclu, l’individualisme est exalté, le droit est aboli, la loi morale pareil, reste le désir de l’individu tyran érigé comme une fin en soi, alpha et omega : il n’y a plus rien tant il y a tout, on ne saisit plus, on désespère même sans le savoir ! Comme si l’information elle-même désormais nous consommait, non le contraire…

Je suis parti de ma petite histoire avec Facebook, c’est bien sûr autrement plus pénible au quotidien quand il s’agit des sites ou des plateformes des institutions publiques ! Et ce n’est pas un simple problème de défaut de maîtrise technologique, même quand on maîtrise peu ou prou cette technologie il arrive régulièrement qu’on se cogne contre le mur numérique si tant est qu’on n’entre pas dans les cases. Or la vie n’entre pas toujours dans les cases, ça fait même sa richesse : l’exception, la singularité… La fracture et la souffrance dont j’essaie de parler concernent les personnes âgées, les ruraux, les prolétaires, les non-diplômés, les détenus, les étrangers, les handicapés – et moi ! Je parlais de tout cela avec une amie professeure de français, puis elle s’est mise à me parler, non sans gêne, de la baisse du niveau général des élèves : « ils sont de plus en plus mauvais, Olivier, et c’est objectif ! »

On a essayé de chercher les raisons, car les jeunes d’aujourd’hui ont accès très tôt à beaucoup plus d’informations que moi par exemple qui ai grandi en province dans un milieu populaire sans accès privilégié à la culture dans les années 80 / 90, ils devraient être de fait beaucoup plus éveillés, matures, cultivés, intelligents. Qu’ont-ils gagné ? Le numérique, le flux, l’hyper sollicitation via les notifications constantes. Que n’ont-ils plus ? Le vide, l’ennui, le temps de latence. Et la latence, c’est pas rien, ça permet à la pensée de bifurquer, prendre des tangentes, là où l’esprit a le champ libre pour créer, inventer ! Il y a un génie onirique, encore faut-il qu’on ait accès à la capacité de rêver ! Le numérique tel qu’il est devenu empêche cet accès à la contemplation. De plus ça diminue la capacité d’attention. De moins en moins de gens peuvent lire des livres. Ce n’est pas qu’ils n’ont plus le temps, c’est qu’ils ne peuvent tout simplement plus lire de longs textes, ils ne comprennent plus, ça les angoisse. Internet érode la capacité d’attention et de réflexion, et je suis sûr qu’il modifie les cerveaux dès le plus jeune âge…

Pendant ce temps, Facebook enregistre une baisse inédite de son nombre d’utilisateurs. Un million d’utilisateurs quotidiens ont jeté l’éponge. Dans le même temps, Meta ne convainc plus les investisseurs : son action en bourse a chuté de 23 % en 2022. Est-ce le début de la fin de l’empire Meta ? Peut-être mais mais si le marché commence à douter du métavers, le géant semble plus serein quant à ses investissements dans l’intelligence artificielle (33 milliards en 2022, 40 milliards en 2023). Meta compte sur l’intelligence artificielle pour améliorer au maximum son ciblage publicitaire ainsi que ses contenus vidéos, et in fine, garder voire augmenter son nombre d’utilisateurs. D’ici la fin de l’année, 100 % des Reels de notre fil d’actualité Facebook seront le produit de l’intelligence artificielle. Est-ce une bonne nouvelle pour nous, utilisateurs – utilisés – captés – ravis ? Et si au lieu d’investir dans le métavers ou la cryptomonnaie, l’entreprise décidait de se recentrer sur son coeur d’activité, son essence, sa raison d’être historique : Faces, les visages, nos visages, le livre des visages, l’humain, son bien être et son émancipation ! Le visage comme une altérité fondamentale et fondatrice d’une éthique. Le livre comme un outil de liberté. Reste plus qu’à espérer quelle soit vraiment intelligente, cette intelligence artificielle !


Olivier Steiner

Écrivain et metteur en scène