État d’urgence olympique
«Exceptionnel ». Le mot est partout : à moins de deux mois des JO 2024. Fête exceptionnelle, cérémonies exceptionnelle, sites exceptionnels, ferveur exceptionnelle… Cette volonté d’ériger les Jeux de Paris en célébration de l’exception, affirmée dès l’origine (le mot figurait déjà 58 fois dans le dossier de candidature), se retrouve aujourd’hui dans une formule à la tournure proverbiale, dont la pauvreté langagière masque mal l’autoritarisme : « À événement exceptionnel, mesures exceptionnelles ».

Peut-être faut-il voir dans cette récurrence un aveu. On peut s’étonner en effet d’entendre qualifier aussi souvent d’exceptionnel un événement organisé tous les quatre ans, prévu depuis près de dix ans, planifié à la minute près, et qui n’a donc, en fait, rien d’un « événement » au sens propre du terme, du fait dont l’irruption nous surprend, du major event derridien déchirant la toile de nos jours.
Or, derrière cette maxime maintes fois répétée se cache aussi une équivalence entre les Jeux eux-mêmes, décrits d’avance comme un moment unique par ses dimensions et son retentissement, et les « mesures » adoptées depuis la désignation de Paris comme ville hôte et que l’on peut mieux décrire, selon une acception plus étroitement juridique, comme des mesures d’exception.
Il faut dire que la France a fait depuis près de dix ans l’expérience de l’extension progressive, et quasiment irrésistible, de l’exception au service du pouvoir. La vague d’attentats vécue au mitan des années 2010 – tout particulièrement ceux de Paris en janvier et novembre 2015 – a souvent été invoquée comme moment fondateur de l’unanimité autour de l’organisation de JO. Jusque-là, le projet suscitait en effet plutôt les doutes, voire les résistances (celle de la maire de Paris notamment, tardivement ralliée au projet). Or, ces mêmes attentats constituent aussi le point de départ d’une politique de l’urgence qui n’a pas seulement traduit une réponse au terrorisme, mais aussi, et peut-être d’abord, l