Menaces sur les sciences sociales, aujourd’hui et après le 7 juillet 2024
Le temps long de la recherche et le temps médian de l’édition sont parfois percutés par l’irruption de l’actualité. En publiant récemment un numéro de la revue Communications intitulé « Liberté pour les sciences sociales », nous prenions acte des polémiques, de l’hostilité, voire des attaques frontales dont les sciences humaines et sociales (SHS) faisaient l’objet dans de nombreux pays, avec des intensités différentes selon les contextes politiques et culturels et proposions d’analyser ce phénomène dans la diversité de ses manifestations.

Nos analyses ne concernaient pas les nécessaires débats et discussions entre disciplines qui ponctuent la vie scientifique, contribuant à son évolution et à sa recomposition. Elles s’intéressaient, dans une perspective internationale, aux attaques menées à deux niveaux : d’une part, les critiques adressées aux SHS au nom de leur « utilité » et les mesures économiques ultralibérales visant à en restreindre l’exercice, d’autre part, les critiques, désaveux, mises sous tutelle, voire répressions, de nature politique. Ces deux niveaux pouvant éventuellement se cumuler.
Les critiques portant sur l’utilité des sciences humaines et sociales s’inscrivent dans le contexte plus large des réformes internationales mises en œuvre depuis une vingtaine d’années, visant à intégrer les institutions universitaires dans un marché mondial unifié et concurrentiel du savoir. Cette intégration néolibérale combine impératifs d’économies budgétaires, tendances à l’alignement de l’université de type humboldtien sur le modèle de l’entreprise et de la culture managériale, et raidissement autoritaire sur le plan organisationnel (dû notamment à l’élimination des structures collégiales ou participatives). Ces réformes de grande ampleur en cours concernent le rôle et la fonction des universités, leur gouvernance et leurs performances, mesurées par les divers classements mondiaux mis en place au cours des vingt dernières années. Si les SHS ne sont pas la