Lecture rapide vs compostage lent
La vitesse, nous l’aimons, nous l’aimons déraisonnablement, nous l’aimons pour elle-même. Dans la rue nous voulons marcher vite, sur les sites de rencontre nous voulons vite conclure. Nous ne voulons pas perdre de temps dans les files d’attente, nous voulons des retours sur investissement rapides, nous adorons les recettes de cuisine express, et nous sommes globalement impatients de savoir à quelle sauce nous allons être mangés. Et ça fait longtemps que ça dure. Et c’est comme ça pour tout. Par exemple ce texte, vous avez hâte de savoir de quoi il va vous parler, et peut-être avez-vous regardé le discret ascenseur de la page pour avoir une idée du temps que ça prendra pour en arriver au bout. Lire aussi, ça doit aller vite.

La fascination pour la lecture rapide est très répandue, si l’on en juge par la prolifération des méthodes proposées. Et s’il y a publicité c’est qu’il y a marché. D’ailleurs, il y a souvent marché du fait même qu’il y ait publicité. C’est un peu comme cette histoire de l’existence qui précède l’essence : la réclame précède le besoin. Mais ceci est une autre histoire, à moins d’ailleurs que ce ne soit la même, sempiternellement la même, celle où il est toujours possible de nous refourguer ce qu’on ne voulait pas.
À longueur de page Amazon, on nous propose d’apprendre à lire rapidement, et même, le plus rapidement possible. Essayons de décrypter la promesse qui nous est faite, et à quel imaginaire elle renvoie.
Voici quelques-uns des titres de ces innombrables ouvrages proposés :
Lecture rapide – Les méthodes vraiment efficaces
La lecture rapide sans pseudosciences ni blablas : Apprenez vite & mieux
Doublez votre vitesse de lecture en 30 jours!
La promesse qu’on comprend tout d’abord, c’est celle-là : devenez enfin bon élève. Le lecteur lent est un idiot, un bouseux, quasiment un analphabète. C’est celui qui, au pupitre du fond, ânonne la leçon du manuel en suivant les lignes du bout de son index encore rougi par les travaux des champs