Écologie

Climatique du politique

Architecte

Pour Marx, le communisme n’est pas une idéologie sortie du chapeau, mais la conséquence historique du capitalisme. Les régimes communistes du XXe siècle l’ont oublié, faisant preuve d’idéalisme en imposant une superstructure communiste malgré leur infrastructure féodale. Une piqûre de matérialisme ne fera donc pas de mal à la gauche maintenant que la menace environnementale pèse sur nos infrastructures, nourrissant les idéologies réactionnaires.

« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer[1]. »
Karl Marx

C’est une nouvelle étrangement prophétique du réchauffement climatique que celle que l’écrivain polonais Bruno Schulz écrit en 1937, « L’autre automne », publiée dans son recueil Le Sanatorium au croque-mort[2]. Il y est décrit « une infection du climat par les miasmes de l’art », où la production artistique humaine (comme une métaphore prémonitoire des émissions anthropiques de CO2) finit « par adoucir exagérément notre climat », prolongeant les chaudes et belles journées de l’automne jusqu’au plus profond de l’hiver, sorte d’été indien infini qui « ne se décidait pas à mourir » et dénommé, dans la nouvelle, « l’autre automne », ou « pseudo-automne ».

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Les premiers jours de l’été 2024, avec une météo froide et pluvieuse à Paris, ont pu se lire, à l’envers du texte de Bruno Schulz, comme « une infection de l’art par les miasmes du climat », où la fraîcheur agréable des tièdes journées de printemps se prolongeant exagérément dans l’été corrompt la politique humaine jusqu’à faire oublier la réalité caniculaire des étés passés et à venir. Plus un mot sur le réchauffement climatique dans la campagne des européennes, rien sur l’écologie, les premières semaines d’été, pour les élections législatives, comme si la fraîcheur de ce pseudo-printemps nous faisait perdre toute conscience du rôle essentiel de l’infrastructure matérielle (climatique, énergétique, hydrologique, etc.) dans la vie humaine et la forme des sociétés, au profit des seuls affrontements idéologiques (politique, religieux, moral, etc.) dans une superstructure idéaliste de plus en plus extrême.

Si l’idéalisme est le propre des politiques de droite, le philosophe allemand Karl Marx a passé sa vie à mettre en garde la gauche contre l’oubli des conditions matérielles[3] quand on fait de la politique et, plus radical encore, à ne pas perdre son temps à vouloir changer les


[1] Karl Marx, Thèses sur Feuerbach (1855/1888), Montreuil-sous-Bois, Science marxiste, 2009.

[2] Bruno Schulz, Œuvres complètes, Paris, Denoël, 2004.

[3] « La condition première de toute histoire humaine est naturellement l’existence d’êtres humains vivants. Le premier état de fait à constater est donc la complexion corporelle de ces individus et les rapports qu’elle leur crée avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement pas faire ici une étude approfondie de la constitution physique de l’homme elle-même, ni des conditions naturelles que les hommes ont trouvées toutes prêtes, condi­tions géologiques, orographiques, hydrographiques, climatiques et autres. Toute histoire doit partir de ces bases natu­relles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire [Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie Allemande, 1845]. »

[4] « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directe­ment et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel [ibid.]. »

[5] « De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d’autonomie. Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transfor­ment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience [ibid.]. »

[6] Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847.

[7] Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte famille, ou Critique de la critique critique, 1845.

[8] « M. Proudhon l’économiste a très bien compris

Philippe Rahm

Architecte, MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L’ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE VERSAILLES, PROFESSEUR ASSOCIE A LA HAUTE ÉCOLE D’ART ET DE DESIGN DE GENEVE (HEAD – GENEVE, HES-SO)

Mots-clés

Gauche

Notes

[1] Karl Marx, Thèses sur Feuerbach (1855/1888), Montreuil-sous-Bois, Science marxiste, 2009.

[2] Bruno Schulz, Œuvres complètes, Paris, Denoël, 2004.

[3] « La condition première de toute histoire humaine est naturellement l’existence d’êtres humains vivants. Le premier état de fait à constater est donc la complexion corporelle de ces individus et les rapports qu’elle leur crée avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement pas faire ici une étude approfondie de la constitution physique de l’homme elle-même, ni des conditions naturelles que les hommes ont trouvées toutes prêtes, condi­tions géologiques, orographiques, hydrographiques, climatiques et autres. Toute histoire doit partir de ces bases natu­relles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire [Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie Allemande, 1845]. »

[4] « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directe­ment et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel [ibid.]. »

[5] « De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d’autonomie. Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transfor­ment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience [ibid.]. »

[6] Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847.

[7] Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte famille, ou Critique de la critique critique, 1845.

[8] « M. Proudhon l’économiste a très bien compris