Mais comment en est-on venu à parler d’« intelligence artificielle » ?
Les discours sur l’IA ont beau ne pas se tarir, un effet de saturation se fait sentir. Tantôt pour se répondre, tantôt pour se confondre, les mêmes thématiques reviennent sans cesse : course à l’IA aux airs de course aux armements, remplacement effectif ou hypothétique du travail humain, crainte de perte de contrôle et désir de toute-puissance, spéculations sur les évolutions possibles, opportunités financières… L’émerveillement face à l’inédit côtoie des peurs et des fantasmes anciens sur fond de business as usual. Le tout s’accommode à merveille avec une approche superficielle du phénomène qui laisse parfois croire à une génération spontanée. La publicité, évidemment, en rajoute et ne manque plus une occasion de nous vanter les mérites de dispositifs et de services estampillés IA, sans qu’il soit nécessaire que nous saisissions de quoi il retourne.

Les sigles s’accompagnent souvent de brumes. Celles dans lesquelles on s’enfonce ici n’émanent pas de l’ignorance de l’expression dont est tiré l’acronyme. Nul besoin de rappeler qu’« IA » signifie « intelligence artificielle » ! Elles ne dérivent pas non plus de cette mauvaise manie de spécialistes qui consiste à réduire pour mieux jargonner. Le vocabulaire technique du domaine foisonne d’abréviations et de termes plus circonscrits et rigoureux. L’« IA » accentue le flou qui entoure déjà l’« intelligence artificielle ».
Décortiquer la formule ne serait d’une aide que toute relative. Les définitions de l’intelligence ont avant tout conduit à des batailles théoriques ; les multiples mesures, échelles et tests qu’elle a inspirés aussi. L’artificiel ne s’en sort guère mieux. À moins, peut-être, de jeter aux orties tout dialogue critique avec les grandes catégories héritées de l’Antiquité occidentale.
Prendre les deux mots d’un seul bloc risque de ne pas nous satisfaire davantage. On cherchera en vain une définition consensuelle et univoque de l’« intelligence artificielle ». Au reste, la pertinence de l’expressio