1962-2024 : deux motions de censure, une question de légitimité
5 octobre 1962 – 4 décembre 2024 : soixante-deux ans ont séparé la première de la deuxième adoption d’une motion de censure sous la Cinquième République. Plus de cent cinquante motions de censure ont pourtant été déposées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. Mais la disposition prévue par l’article 49, alinéa 2, de la Constitution n’a été qu’une arme inoffensive après le vote de la censure du gouvernement de Georges Pompidou et jusqu’à celle du gouvernement de Michel Barnier.
Les conditions du succès d’une motion de censure – au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale signataires, quarante-huit heures de délai entre le dépôt et le vote de la motion, une majorité de votes favorables faisant de toute abstention un soutien implicite au gouvernement – ont pendant six décennies paru inatteignables. L’objet de la disposition constitutionnelle en était venu à sembler être, en fait, non de permettre aux oppositions de renverser un gouvernement, mais de leur donner des occasions solennelles de pointer leurs désaccords majeurs avec les politiques conduites.

Un gouffre paraît séparer la situation politique, économique et sociale de l’automne 1962 et celle de l’hiver 2024. En octobre 1962, le président de la République était élu au suffrage universel indirect, l’État avait le monopole sur l’audiovisuel et le taux de croissance du PIB était supérieur à 6 %. La France de 2024 a élu deux fois l’actuel président de la République au suffrage universel direct, les jeunes de quinze à trente ans s’informent d’abord par les réseaux sociaux et la croissance dépassera péniblement les 1 % sur l’année. Pourtant, une question majeure relie le vote de la motion de censure d’octobre 1962 et celui de la motion de censure de décembre 2024 et permet de comprendre pourquoi ces deux motions ont été adoptées quand toutes les autres ont été rejetées. Cette question, c’est celle de la légitimité démocratique.