Difficile début d’année 2025 pour l’Union européenne
Entre les guerres au Proche-Orient et l’effondrement du régime syrien, le retour de Donald Trump au pouvoir, la guerre qui n’en finit pas en Ukraine, les victoires des partis pro-russes dans plusieurs pays de l’ex-zone d’influence de la Russie, l’Union européenne semble avoir disparu de la carte des influences sur la politique mondiale.
L’année 2024 s’était achevée avec le rapport Draghi qui dressait le constat sans nuances du recul de l’Europe dans le monde. Le début de l’année 2025, confirme sa perte d’influence sur les affaires du monde et l’incapacité de ses dirigeants dont l’inaction est inquiétante.
Une réindustrialisation promise qui n’advient pas
Comme chaque année au mois de janvier, le système de santé, en France et dans les autres pays européens, est submergé par les grippes et autres infections pulmonaires.
Avec ce phénomène récurrent, qui ne se transforme en crise qu’en raison de l’état déplorable de notre système sanitaire, les questions sur les suppressions d’emplois, année après année, dans les hôpitaux et sur la crise de la médecine de ville sont à nouveau posées, sans plus de solutions en vue que d’autres économies à venir. En France, les suppressions de postes à l’hôpital ont été poursuivies imperturbablement par les gouvernements avant, pendant et après l’épidémie de COVID-19.
Une promesse avait été faite cependant, celle de mettre fin à la dépendance de la France et de l’Europe aux médicaments importés, essentiellement d’Asie. Emmanuel Macron et la Commission européenne avaient promis un grand programme de réindustrialisation permettant de rétablir la souveraineté sanitaire de l’Europe.
Manifestement, les progrès réalisés depuis 2020 sont limités.
À la fin de l’année 2024, 55 % des « certificats de conformité aux monographies de la pharmacopée européenne » qui permettent de commercialiser les médicaments en Europe étaient détenus par la Chine et l’Inde, contre 20 % seulement par l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la France (Le Monde du 13 janvier). La part de l’industrie européenne dans la consommation mondiale des molécules chimiques qui représentent l’essentiel de la consommation de médicaments (un marché de 60 milliards d’euros), est passée de 48 % en 2014 à 30 % en 2023, tandis que la Chine et l’Inde fournissaient ensemble 55 % des produits nécessaires en 2023.
Ce n’est pas que cette industrie ait disparu du territoire européen : 440 usines existent encore sur notre continent, mais elles sont sous-utilisées : elles fonctionnent en moyenne à 60 % de leurs capacités de production. Les principes actifs qu’elles produisent ne trouvent pas preneurs du côté des laboratoires pharmaceutiques européens.
Le journal Le Monde donne l’exemple du « Flécaïnide », un antiarythmique prescrit dans le traitement des troubles cardiaques, qui a connu de graves ruptures d’approvisionnement en 2023 en France, alors que l’usine d’Axyntis de Pithiviers disposait d’importants stocks disponibles. Mais ils sont plus coûteux que les produits des concurrents indiens ; alors, les responsables des approvisionnements du système de santé français ont préféré attendre la disponibilité de produits asiatiques plutôt que passer commande au groupe français.
Si l’on attend de disposer d’une production européenne à des coûts inférieurs aux pays asiatiques, il vaut mieux cesser tout de suite de tenir des discours sur la réindustrialisation de l’Europe et de la France. Les médicaments produits en Europe sont plus chers que ceux de leurs concurrents asiatiques pour des raisons évidentes. Le coût de la main-d’œuvre n’est d’ailleurs pas la principale de ces raisons. Le traitement des effluents représente la moitié des coûts de fabrication du principe actif des antibiotiques en Europe, par exemple ; des coûts que ne supportent pas les industries chinoises ou indiennes en l’absence de protection sérieuse de l’environnement.
Les gouvernements chinois et indien ont d’ailleurs tort de ne pas imposer de telles règles protectrices de leurs ressources et de la santé des populations. Mais le scandale réside en ce que l’Europe accepte d’importer des produits élaborés dans ces conditions, tout en imposant des règlementations en Europe dont le seul effet, en l’absence de protection du marché européen, est de permettre l’importation de ces médicaments en lieu et place des produits européens qui pourraient être fabriqués dans des conditions environnementales et sanitaires infiniment préférables.
La Commission européenne, responsable de la politique commerciale de l’Union, aggrave le mal et ses conséquences. Les entreprises européennes qui veulent exporter en Inde des principes actifs entrant dans la fabrication de médicaments supporteront des droits de douane de 15 % à 20 %. Les mêmes produits venant d’Inde pour être distribués sur le continent européen n’acquitteront que 7 % de droits de douane. Ainsi, l’inégalité résultant des conditions de production en Asie, est aggravée par la politique douanière dont la Commission européenne est responsable.
Prétendre subventionner la reprise des activités de production en Europe dans ces conditions rappelle l’histoire du sapeur Camember qui creusait un trou pour disposer de la terre lui permettant de remplir le trou qu’il venait de creuser à côté, et ainsi de suite.
L’Europe ridiculisée par les nouveaux responsables américains
Le début de l’année 2025 a été marqué par une série de déclarations tonitruantes de Donald Trump et de celui qui se présente maintenant comme son plus proche ami, Elon Musk.
Elon Musk a traité le chancelier allemand, Olaf Scholz, d’incapable et appelé à sa démission après l’attentat perpétré à Magdebourg le 20 décembre 2024 contre un marché de Noël, avec une voiture bélier, attentat qui a tué six personnes et en a blessé deux-cents. Il n’a pas eu un mot de compassion pour les victimes, mais a appelé à la démission d’Olaf Scholz, avant de confirmer son point de vue, quelques jours plus tard, lors d’une conversation avec Alice Weidel, dirigeante de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand, sur le réseau X appartenant au milliardaire américain.
Au cours de cette conversation, il fut question du « socialisme » d’Adolf Hitler et de son interventionnisme économique, condamnables aux yeux d’Alice Weidel et d’Elon Musk, pour mieux souligner que l’Afd n’avait rien à voir avec tout cela, puisque, selon Alice Weidel, son parti est « libertarien conservateur » et condamne le socialisme et l’intervention de l’État dans l’économie. Il n’a donc rien à voir avec le fascisme d’autant plus qu’il partage la conception de la liberté d’expression défendue par Elon Musk (une liberté qui consiste à utiliser les moyens de propagande dont il dispose, grâce à ses milliards, pour répandre sa vision du monde au mépris de toute vérité).
Le même Elon Musk s’en est pris violemment au Premier ministre britannique en le traitant de complice des réseaux pédocriminels. Même s’il n’est plus membre de l’Union européenne, le Royaume-Uni reste tout de même très lié à l’Europe, en réalité beaucoup plus qu’aux États-Unis malgré cette revendication permanente et un peu dérisoire, d’une « relation spéciale » avec ceux-ci, et l’on voit mal comment l’UE pourrait se désintéresser de son sort.
Dans le même temps, le président américain élu, Donald Trump, déclarait lors d’une conférence de presse ne pas pouvoir écarter l’hypothèse d’une intervention militaire pour assurer le contrôle américain sur le Groenland et le canal de Panama, nécessaire, selon lui, à la sécurité des USA, en même temps qu’il souhaitait faire du Canada le cinquante et unième État des États-Unis d’Amérique.
On imagine le tollé qu’aurait suscité, à juste titre, une déclaration semblable de Vladimir Poutine, revendiquant pour des raisons de sécurité, celles-là même qui sont invoquées par Donald Trump, le rattachement à la Fédération de Russie de la Géorgie, de la Moldavie en plus naturellement de l’Ukraine.
Et bien qu’elle fut la réaction de l’Union européenne ? … Le silence.
Il n’y a pas longtemps, les responsables européens dénonçaient unanimement les interventions étrangères dans les élections en Roumanie, en Géorgie et en Moldavie. C’est la Russie qui était visée et les protestations européennes étaient parfaitement justifiées, tant il est vrai que Vladimir Poutine joue un jeu répugnant et dangereux dans toute cette partie du monde et s’emploie à y développer le chaos.
Mais alors pourquoi L’Union européenne reste-t-elle muette lorsqu’Elon Musk intervient directement dans les affaires intérieures allemandes et fait ouvertement campagne pour la victoire de l’AfD aux prochaines élections ?
Il est difficile de défendre le point de vue selon lequel il ne s’agirait que d’un particulier faisant état d’une opinion personnelle, alors que nous avons à faire à un personnage public, reçu par tous les responsables européens et désigné par Donald Trump pour réformer l’administration américaine, en remerciement du financement qu’il a accordé à sa campagne électorale et qu’il continue à lui apporter en finançant sa cérémonie d’investiture prochaine.
Pourtant, aucune protestation officielle n’a été exprimée.
Selon le journal Le Monde, Emmanuel Macron veut poursuivre le dialogue avec monsieur Musk et espère « profiter de sa relative proximité avec lui » pour supplanter les autres leaders européens dans cette relation. Il est vrai qu’il l’a reçu à plusieurs reprises à l’Élysée, avec les honneurs dus à un chef d’État, et qu’il a déclaré à plusieurs reprises son admiration pour « cet entrepreneur de génie », passant sous silence tout ce que la fortune de ce personnage doit aux commandes publiques et à un système politique américain dans lequel le mélange des genres entre les affaires et le contrôle politique est de plus en plus prégnant.
Par ailleurs, peut-être Emmanuel Macron surestime-t-il sa proximité avec Elon Musk puisque ce dernier entretient des relations très proches avec Giorgia Meloni, à tel point que celle-ci serait sur le point de signer avec le milliardaire américain un contrat de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, aux termes duquel Elon Musk fournirait à l’Italie des systèmes de sécurité et de cryptage pour le téléphone et l’internet de l’exécutif italien, les systèmes de communication de l’armée et de façon générale toutes les communications sensibles en situation de crise.
On croit rêver ! Voici une dirigeante soi-disant nationaliste d’un État de l’Union européenne qui s’apprête à confier la sécurité de ses communications sensibles à un proche du président des États-Unis d’Amérique. Qu’est-ce que ce serait s’il elle n’était pas nationaliste ?
On pourra toujours dire que les présidents américains n’ont même pas besoin de cela pour être au courant de ce qui se passe en Europe, puisque l’on se souvient que Barack Obama faisait écouter les communications téléphoniques des responsables européens par ses services, notamment celles d’Angela Merkel qui l’avait assez mal pris à l’époque, tandis que François Hollande n’y voyait pas motif à se mettre vraiment en colère.
Dans le même ordre d’idées, on ne peut qu’être surpris, voire scandalisé, de constater que le président de la République française continue à faire du réseau, dit social, X, propriété d’Elon Musk, son vecteur habituel de communication. Il n’est malheureusement pas le seul et tous les responsables politiques français, même les plus modestes, ainsi que les journalistes en sont des utilisateurs assidus. Rares sont ceux qui ont quitté ce réseau et appelé d’autres à le faire.
À défaut de réactions des responsables européens, le peuple italien manifeste contre l’intention de la cheffe du gouvernement italien de signer ce contrat. On espère qu’il parviendra à se faire entendre.
La volonté exprimée par Donald Trump d’imposer le contrôle des États-Unis sur le Groenland, y compris par la force s’il le fallait, aurait justifié une réaction politique très forte d’Ursula von der Leyen au nom de la Commission européenne, ainsi que du Conseil européen et de son président, car il n’est pas banal d’entendre un soi-disant allié proférer une sourde menace d’intervention militaire au nom de la défense de ses intérêts propres de sécurité, sans aucune considération pour la souveraineté du Danemark auquel le Groenland est lié par des accords spécifiques, et des intérêts de sécurité de l’Union européenne, dont personne ne parle à commencer par les responsables de l’Union européenne eux-mêmes.
Nous n’avons lu ni entendu aucune protestation des gouvernements de l’Union européenne. Quant à Madame von der Leyen, que l’on entend à tout propos et souvent hors des propos qui relèveraient de sa compétence, elle s’est trouvée malade et manifestement trop atteinte pour pouvoir prendre un stylo ou dicter une déclaration. La commission de l’Union européenne est restée muette.
Il faut dire que Mme von der Leyen l’a organisée pour qu’elle soit une grande muette. Je défie quiconque de comprendre quelque chose à l’organigramme de la Commission européenne et à la logique de la répartition des compétences entre les différents commissaires. Toutes les compétences sont partagées entre plusieurs commissaires de sorte qu’ils soient tous en conflit et que seule la présidente garde la haute main sur l’ensemble des dossiers.
Le pauvre Danemark est resté bien seul dans ses protestations et son sort ne semble pas émouvoir les autres membres de l’Union européenne et particulièrement ceux qui prétendent être les moteurs de cette union, l’Allemagne et la France.
Comment prendre au sérieux l’Union européenne dans ces conditions ? Comment peut-on croire une minute aux discours plein d’emphase sur la souveraineté européenne, l’Europe puissance, l’Europe de la défense et autres rodomontades, alors que cette construction politique sans cesse menacée d’explosion n’est même pas capable de trouver les mots qui permettraient de montrer qu’elle se respecte elle-même et qu’elle demande aux autres, particulièrement à ceux qui prétendent être ses alliés, de la respecter.
Pendant ce temps-là, la préparation de la guerre continue
L’attaque russe de l’Ukraine avec un missile hypersonique Orechnik, en décembre 2024, avait pour but de rappeler aux Européens leur faiblesse militaire.
On se rappelle la crise des années 80, avant l’effondrement de l’Union soviétique, provoquée par l’installation de missiles russes à portée intermédiaire SS-20, dans les pays les plus occidentaux du pacte de Varsovie, tandis que les États-Unis ripostaient par l’installation de missiles Pershing 2 et de missiles de croisière d’une portée équivalente, de 4 000 à 5 000 km, sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne.
Les mouvements pacifistes d’Europe de l’Ouest avaient alors manifesté contre cette initiative américaine. François Mitterrand, lui, avait pris le parti des États-Unis en déclarant que « les pacifistes étaient à l’ouest et les missiles à l’est ». Le traité sur les forces nucléaires intermédiaires, signé par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan le 8 décembre 1987, avait mis fin à cette escalade en interdisant les missiles d’une portée de 500 à 5 500 km. Ce fut un tournant dans la guerre froide, précédant l’effondrement de l’Union soviétique.
On finit par éprouver de la nostalgie pour cette époque où l’on agitait certes la menace de l’apocalypse, mais où l’on négociait néanmoins la désescalade dans la course aux armements nucléaires.
Les États-Unis ont décidé de se retirer de cet accord en 2019 en invoquant les recherches conduites par la Russie pour mettre au point de nouveaux missiles de portée intermédiaire. Ce retrait porta un coup très sévère au dispositif international de contrôle de l’armement nucléaire en Europe. Depuis cette date, États-Unis et Russie ont développé des missiles hypersoniques à moyenne portée, Dark Eagle d’un côté, Orechnik de l’autre. Les États-Unis et l’Allemagne ont annoncé en juillet 2024 le déploiement à partir de 2026, sur le sol allemand, de missiles de portée intermédiaire ; la Russie a montré que cela était déjà fait de son côté.
L’Union européenne, principalement concernée par ces développements, est restée pendant ce temps sur sa position d’avocate du désarmement nucléaire et de la lutte contre la prolifération. C’est une position honorable, mais dont la pertinence mériterait a minima un débat politique dans les conditions actuelles. L’Europe ne dispose pas de semblables missiles et n’en disposera pas de sitôt, en dehors de ceux que les Américains voudront bien y installer, en définissant bien entendu les conditions de leur utilisation.
La France dispose d’une industrie d’armement. Elle a exporté pour 27 milliards d’euros de matériel militaire en 2022 et 18 milliards en 2024. Il s’agit pour l’essentiel de ventes d’avions de guerre de type Rafale et de sous-marins. Mais elle ne produit pas de missiles à portée intermédiaire et l’Europe n’a pas encore décidé de financer de programmes de ce type avec son programme européen pour l’industrie de défense.
Quelle est la position du gouvernement français et des principaux partis politiques sur cette question ? Souhaitent-ils consacrer leurs efforts à défendre une politique de désarmement nucléaire mondial, même si la France n’est pas la mieux placée pour cela puisqu’elle défend son droit à disposer de l’arme nucléaire ? Demandent-ils la mise en place d’un programme de construction de ce type d’armes ? Nous n’en savons rien, tous les responsables politiques français sont englués dans la crise politique sans fin qui secoue le pays.
Quant au reste de l’Europe, on ignore également ce qu’il en pense, faute d’avoir eu l’occasion d’en débattre.
L’Europe phare de la lutte contre le changement climatique ?
Inexistante politiquement, impuissante militairement, L’Union européenne voulait être à la pointe du combat contre le changement climatique grâce au pacte vert européen adopté en décembre 2019.
Où en sommes-nous de sa mise en œuvre ?
En 2023, l’Union européenne a émis environ 3 milliards de tonnes de gaz à effet de serre en équivalent CO2. Elle a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 32 % entre 1990 et 2020. La désindustrialisation de l’Europe explique en partie ce résultat, mais ils tiennent aussi aux effets des politiques conduites pour améliorer l’efficacité énergétique et limiter les émissions de gaz à effet de serre.
La pandémie de 2020 a entraîné une baisse temporaire de 10 % des émissions par rapport à 2019. Mais dès 2021 elles ont augmenté à nouveau de 6 %. Au-delà de ces variations dues à des phénomènes exceptionnels, l’Europe a pris du retard sur le calendrier qu’elle s’était fixé. L’Agence européenne pour l’environnement prévoit que l’Union européenne aura réduit de 43 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 au lieu des 55 % fixés comme objectif par le pacte vert.
Tous les États de l’Union européenne ne sont pas également responsables des émissions de gaz à effet de serre. L’Allemagne est de loin le premier émetteur européen de gaz à effet de serre. Ses émissions sont près de 2 fois supérieures à celle de la France, ce qui reflète en partie la différence de potentiel industriel des 2 pays. Les autres États membres suivent.
Il est permis de s’interroger sur la façon dont ces progrès sont comptabilisés. Ainsi, un article du journal Les Échos du 8 janvier 2025 nous apprend que les constructeurs automobile Stellantis, Ford, Mazda, Subaru et Toyota vont former un consortium leur permettant de mettre en commun les émissions de CO2 de leurs voitures, afin de passer un accord avec le constructeur de véhicules électriques américain Tesla.
En effet, la réglementation européenne impose aux constructeurs vendant des voitures en Europe une réduction de 15 % des émissions de leurs voitures neuves à partir de 2025, dans la perspective de l’interdiction prévue en 2035 des véhicules à moteur thermique. En cas de dépassement des émissions autorisées, une amende sera infligée au constructeur, de 95 euros par gramme de dépassement d’émissions de CO2 pour chaque voiture écoulée sur le marché européen. L’addition pourrait donc rapidement se chiffrer en milliards d’euros.
Pour éviter cela, les constructeurs mentionnés vont négocier avec Tesla (et l’on retrouve Elon Musk) l’imputation à ce groupe d’une partie de leurs émissions de CO2, moyennant une indemnisation payée par les constructeurs de véhicules à moteur thermique. Au lieu de payer une amende aux autorités de l’Union européenne, les constructeurs paieront à Tesla le prix du gramme de CO2 qu’il prendra à son compte. Ce prix devra être inférieur aux 95 euros prévus par réglementation européenne, faute de quoi cet accord n’aurait aucun sens. Il ne coûte rien à Tesla et lui permettra d’engranger des revenus financiers importants. Tout cela ne changera rien au niveau des émissions de CO2 des véhicules roulant en Europe, mais fait naître un nouveau type de marché de permis d’émissions sur le vieux continent.
Encore une grande victoire du marché sur la réglementation ! Les marques participant à ce groupement représentent 30 % des ventes d’automobiles sur le marché européen. D’autres constructeurs s’apprêtent à les rejoindre ou à constituer leur propre groupement pour parvenir aux mêmes résultats.
Le pacte vert est d’ores et déjà passé au second rang, au moins, des préoccupations des responsables européens aux prises avec les menaces de guerre qui obligent à reconsidérer les moyens de relancer une industrie d’armement, ainsi qu’avec le décrochement économique de l’Europe mis en évidence par le rapport Draghi, décrochement que plus personne ne se risque à contester désormais.
Et il faut dire, à la décharge de l’Union européenne, que malgré les discours optimistes, la croissance économique reste synonyme de croissance des émissions de gaz à effet de serre et d’augmentation de la consommation de combustibles fossiles.
2024 aura, une fois encore, été une année de consommation sans précédent de charbon à travers le monde (7,8 milliards de tonnes en 2024, soit une progression de 1 %, après +7,7 % en 2021, +4,7 % en 2022 et +2,4 % en 2023. Source AIE) et la consommation de gaz et de pétrole ne diminue pas (la consommation mondiale de pétrole a augmenté de 2,2 millions de barils jours en 2023 et celle du gaz a légèrement augmenté après la baisse de 2022). L’augmentation de la consommation d’énergies fossiles en Asie fait plus que compenser la réduction en Europe et en Amérique du Nord.
L’agence internationale de l’énergie prévoit que les investissements dans le secteur du pétrole et du gaz pourraient atteindre 1 150 milliards de dollars en 2025, McKenzie indique qu’ils pourraient atteindre le plus haut niveau enregistré depuis 2015 en valeur absolue. BP et Shell ont revu à la baisse leur intervention dans les énergies renouvelables. BP revend son activité éolienne terrestre aux États-Unis et Shell arrête de développer de nouveaux projets éoliens en mer.
La date du pic de consommation pétrolière ne cesse d’être repoussée ; l’agence internationale de l’énergie la situe maintenant plutôt vers 2035.
Les capacités mondiales de gaz naturel liquéfié doivent augmenter de plus de 50 % d’ici 2028 grâce aux nombreux projets d’installations de gaz naturel liquéfié aux États-Unis et au Canada, mais aussi au Guyana. Aramco en Arabie Saoudite mettra en service cette année un gigantesque projet de gaz naturel à Jafurah (100 milliards de dollars d’investissement), le plus grand gisement de gaz de schiste du Moyen-Orient. Total énergie travaille sur un très gros projet au large de la Namibie.
Tout cela est effrayant alors que Los Angeles est en proie à un incendie sans précédent que les moyens techniques considérables dont disposent des États-Unis ne permettent pas de maîtriser et alors que les catastrophes à répétition, comme celle qui a ravagé Mayotte, se succèdent à un rythme accéléré. Mais il faut bien le constater, on est très loin de la « sortie progressive et ordonnée de la consommation des énergies fossiles » mentionnée par les conclusions de l’avant-dernière COP, celle de Dubaï, mention présentée à l’époque comme une victoire historique.
L’écart entre les déclarations politiques et la réalité ne cesse de croître ce qui ne peut que décrédibiliser totalement la parole politique et les rendez-vous à grand spectacle comme les COP présentées chaque année comme historiques et décisives.
Que faire ?
D’abord cesser de se mentir et de raconter des fables au bon peuple pour le faire patienter. Plutôt que de disserter sur la réalité de la prise de conscience de la crise environnementale par la population est par leurs leaders, il faut décrire la situation telle qu’elle est, même si elle nous déplaît.
Remplacer les grandes déclarations d’intention et la prétention d’être un exemple pour le reste du monde par un examen sérieux de ce qui peut être fait en matière de transition écologique, aussi bien que de réindustrialisation de nos économies et de contribution à la restauration d’un système de sécurité internationale.
Remettre Mme von der Leyen à sa place qui n’est pas celle de la présidente de l’Union européenne, mais de présidente d’une institution collégiale qui n’est pas un gouvernement de l’Europe, la commission de l’Union européenne, dont les compétences sont strictement définies par les traités que les États membres seraient bien inspirés de faire respecter.
Répondre aux intentions belliqueuses des États-Unis avec la même fermeté qu’à celles de Vladimir Poutine.
Choisir des priorités d’action politique et s’y tenir. Dans le contexte actuel, les menaces pesant sur la sécurité internationale, les moyens de conjurer la guerre et d’assurer la paix durablement, doivent occuper la première place dans la réflexion des responsables politiques et de la population.