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Chiralités : après la vérité

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Comment vivre et coexister dans cette avalanche de fausses nouvelles qui semblent faire abstraction du sens commun ? Comment rendre compte du bouleversement des régimes de vérité sans tomber dans la restauration d’un passé mythique ? À l’ère de la réversibilité des discours, le concept de chiralité s’impose pour penser cette réalité fracturée, se libérer du mythe d’une IA autonome, ou d’une contre-réalité qui serait simplement fausse.

Comment décrire la tonalité de notre époque qui traverse des phénomènes contradictoires, sans que les modalités de cette description n’imposent d’avance une perspective prétendant évaluer comme du dehors ce que nous arrive ? Comment rendre compte du bouleversement dans les régimes de vérité sans instaurer en sous-main un passé mythique où ceux-ci auraient été stables, fiables et partagés ? Comment éviter l’ambivalence de « l’enthousiasme conjuratoire »[1] où la critique met en scène l’immensité d’un ennemi pour s’accorder un crédit d’égale importance et où l’exaltation cache mal l’impossibilité de l’avenir ?

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C’est sans doute que l’ensemble des mots que nous utilisons charrient avec eux certains présupposés quant à ce qui délimite ce qui est vrai et ce qui est réel, et qu’il est difficile, sans doute impossible, de s’en libérer entièrement. Il faudra donc endurer l’imperfection de nos déterminations et de nos conceptualisations, leur caractère désajusté par rapport à ce qu’il faudrait nommer.

Car est-il même possible d’approcher cette avalanche de discours réversibles qui dissolvent aujourd’hui toute position significative ? Tout se passe comme si tout ce qui se passait portait une signification s’inversant, palpitant dans le clignotement de sa valeur de vérité : le malentendu se généralise. Ainsi, le geste d’Elon Musk a été interprété de multiples façons. Chaque argumentation, associée à une liste de caractérisations, semblant mener à une argumentation contraire et à une autre liste détaillée jusqu’à l’absurde, chacun devenant historien ou neurologue, alors même qu’il y a quelques années, peut-être quelques mois, sa référentialité nazie n’aurait pas fait débat.

S’agit-il d’un cauchemar où le pire arrive toujours comme dans Fire Walk With Me (1992), Laura Palmer, fixant le vide et apathique, raconte qu’elle rêve de tomber, de plus en plus vite, jusqu’à prendre feu ? Ou bien est-ce plus ambivalent, parce que même dans le cas où nous avions cru échapper, ému, au pire, comme ce fut le cas lors du second tour des législatives le 7 juillet 2024, une autre figure du pire semble inéluctablement se mettre en place et poursuivre une politique discriminatoire ?

Tout se passe comme si nous étions privés de réalité. Lorsque nous imaginions la défaite de Trump, happés par le vertige de sa victoire, nous anticipions que celle-ci pourrait toute aussi lui rendre un inestimable service dans la contestation de la représentation démocratique. D’une manière analogue, lorsque chaque jour vaquant à nos occupations, nous lisons les données relatives à l’effondrement de la biodiversité, nous continuons à vaquer, de plus en plus vite, de plus en plus mécaniquement.

C’est sans doute cette agitation d’une survie individuelle, qui n’en porte que le nom, qui affecte les discours eux-mêmes. On a beaucoup analysé le complotisme, les fausses nouvelles et les pseudosciences, en incriminant le capitalisme, les réseaux sociaux, l’effondrement des élites et des autorités de validation du discours, que sais-je encore. Mais d’où vient que tout le pensable semble effectivement pensé ? D’où vient que cette pensée semble avoir une relation de plus en plus distante par rapport à la réalité la plus commune ? Ce n’est pas seulement que tout le pensable soit pensé dans sa multiplicité, c’est précisément que le pensable contre-réel apparaisse comme plus pensable que les indices d’une réalité, fût-elle inatteignable.

Je consulte les commentaires sur Tik Tok du dialogue entre Mohamed Merah et le RAID et bien sûr le terroriste est innocent, on nous manipule, il est un agent de la DGSE, il y a un autre assassin, les sionistes sont derrière tout ça, etc. J’en ressors un peu étourdi et nauséeux. Nous ne sommes pas étonnés par ces discours, mais c’est comme s’ils se déchaînaient et que plus rien n’y résistait. C’est que la vérité n’existe que si elle est voilée : on nous cache quelque chose, surtout si ce qui cache est réputé vrai. La vérité est manipulée parce qu’elle est à portée de main. Tout se passe comme si elle se déchirait dans sa doublure. Quelque chose d’autre existe.

Comment vivre au milieu de cette avalanche de fausses et mauvaises nouvelles qui semblent faire abstraction du sens commun ? Comment coexister dans cet impossible dialogue entre des conceptions du monde qui poursuivent des objectifs incohérents ? Le désir de s’extirper de ce marécage peut provoquer des réactions diverses : marquer une volonté à tout prix optimiste, décrire des microphénomènes porteurs d’espérance, s’inspirer de modèles alternatifs et exotiques, prédire que la surcouche médiatique se dissoudra devant le désastre écologique pour nous ramener aux « vrais » besoins vitaux.

Si certains critiquent le pessimisme des discours, c’est qu’ils identifient les descriptions de l’état du monde à des inflexions psychologiques et qu’ils reconduisent par là même le règne de la subjectivité. On essaye à chaque fois de sortir indemne de cette avalanche où chaque événement, chaque discours, chaque idée semble réversible comme s’ils contenaient beaucoup plus qu’eux-mêmes. En opposant à ce flux, sa bonne volonté et la transformation des imaginaires pour changer le monde, on participe sans doute à la multiplication turbulente de ces tourbillons. On alimente les flux. Rien de plus.

On peine encore à comprendre comment quelque chose comme le platisme peut s’étendre toujours plus en utilisant des arguments, tels que la réfutabilité, qui dans un autre contexte seraient audibles. Tout ceci semble pourtant évident, on voudrait pouvoir traiter cette pseudo-théorie avec mépris en la balayant d’un revers de la main. Pourquoi même en parlons-nous ? Pourtant nous peinons de plus en plus à contre-argumenter parce que c’est la structure de l’argumentation elle-même et la position des locuteurs qui sont mis en cause. Le différend[2], comme cas de conflit entre deux parties (au moins) qui ne pourrait pas être tranché équitablement faute d’une règle de jugement applicable aux deux argumentations, semble se généraliser et marque les limites du consensus rationnel.

Quel argument utiliser lorsqu’une idéologie ne se fonde plus sur une possible indicialité de la réalité, aussi hypothétique soit-elle, mais sur un jeu à échelle planétaire où chaque discours jouit du mal qu’il fait à d’autres discours et de la manière dont il affecte leur autorité supposée, où les esprits se font la guerre, non pour convaincre et gagner, mais pour blesser ? Comment expliquer l’attrait grandissant pour des contre-réalités ?

Sans nous en rendre compte, nous nous sommes pour notre part transformés en une caricature positiviste, revendiquant la science, la rationalité, en appelant aux faits objectifs, à des articles scientifiques glanés dans Nature, à la réalité. Une autre naïveté ontologique, la nôtre sans doute. Lorsqu’on réfute, on ne parvient jamais à défaire, car le concept même de preuve est suspendu. Notre critique n’a aucun effet surtout si elle est factuelle, car en cherchant à incarner une autorité qui serait à même de faire converger la vérité du discours et la réalité empirique, nous devenons détestables. C’est sans doute que quelque chose dans la vérité même est en train de changer. Le jeu ne porte plus sur une référence ontologique (Est-ce que la Terre a l’attribut sphérique ?), mais sur des références discursives (Est-ce penser que de croire comme à une évidence quelque chose qui est hors de l’expérience ?).

Ce tremblement généralisé de la vérité n’est pas accidentel. Elle est une conséquence paradoxale de l’histoire occidentale de la vérité qui ne produit pas une convergence vers une réalité commune nommée démocratisation de la connaissance, mais conflit généralisé des esprits par lequel il s’agit de blesser l’autre et d’inscrire le Mal au sein de l’Esprit. Les discours n’ont plus comme idéal régulateur d’être les signes d’une adéquation ontologique, mais d’être des expressions de relations entre les êtres humains : la Terre est plate parce que ta rondeur terrestre relève de l’évidence impensée. Les platistes se soucient de ce sur quoi nous nous tenons et tentont de ramener ce fondement à ce qui mérite d’être pensé.

Le seul moyen de nous réveiller de notre propre sommeil dogmatique est de prononcer la négativité d’une Terre plate, car une telle proposition, nous réveillera à coup sûr : la Terre n’est pas plate, elle est aplatie. Et d’ailleurs, quand on rencontre effectivement un platiste, on sent bien que ses mots nous font réagir, que notre corps s’agite, que ce n’est pas seulement ridicule et absurde, que quelque chose comme un impact organique du discours a bien lieu. Le platiste jouit de l’effet de ses mots sur notre système nerveux. Sa vérité est dans notre tremblement, non dans son référent.

Les réversibles, dans leur écoulement incessant, dans ce rythme follement inventif qu’a par exemple adopté Trump où une ineptie en chasse l’autre et où tout est affaire de tempo et de prise de vitesse, font vaciller les autorités discursives et à cette fin font trembler la possibilité même d’une adéquation entre la vérité et la réalité. Il y a dans la vérité quelque chose qui échappe au réel parce que tous les mots s’excèdent, ils disent le contraire de ce qu’ils signifient et se cachent parce qu’ils forment des réseaux. Ainsi le mot « antiracisme » est hanté par sa réversibilité dont on ne cesse de parler. Perdant leur univocité, les mots semblent flotter dans le vide, comme des possibles qu’aucune perspective sur un tout supposé ne pourra stabiliser. Le carbofascisme se nourrit de ce flottement.

Comme dans un rêve profond, c’est au moment où nous rêvons que nous rêvons que nous essayons de nous réveiller pour nous libérer dans un cri étouffé. C’est à l’instant même où le rêve se redouble qu’il se dédouble et qu’il se présente à lui-même dans une image inversée et insupportable. On pourrait fort bien poursuivre indéfiniment ce discours, à moitié fasciné et faussement effrayé par cette récursivité de la vérité qui s’auto-affecte. On connaît bien ces figures discursives constituant un objet pour s’intensifier en formalisant son redoublement qui serait analogue à sa propre réflexivité. C’est un discours sans fin, fasciné et effrayé, retrouvant toujours en son objet sa structure propre.

L’espace latent (de l’autre)

L’émergence des technologies d’intelligence artificielle a donné naissance à un concept fondamental qui transforme notre compréhension de la vérité : l’espace latent. Ce concept, qui mérite d’être défini avec précision, désigne un système mathématique complexe où les informations ne sont plus stockées sous forme de données discrètes (comme des fichiers constitués de 0 et de 1), mais comme des distributions statistiques continues. Plus concrètement, l’espace latent est une représentation multidimensionnelle où chaque dimension correspond à une caractéristique abstraite que l’intelligence artificielle a apprise à partir des données d’entraînement.

Pour bien saisir cette notion, il est essentiel de comprendre l’évolution historique des systèmes d’intelligence artificielle. Les premiers systèmes, appelés « systèmes experts », fonctionnaient selon une logique déductive : ils appliquaient des règles prédéfinies pour analyser les situations. Par exemple, pour identifier un oiseau, le système utilisait une liste de critères spécifiques : présence d’ailes, de plumes, d’un bec, etc. Cette approche, bien que logique, se heurtait à la rigidité de ses propres règles et à son incapacité à gérer les cas ambigus ou nouveaux. En tant que mathématisation de la relation entre la définition et l’extension de tous les étants, les systèmes experts ont (pour l’instant) échoué.

L’apprentissage automatique moderne, en revanche, fonctionne par induction statistique. Au lieu de suivre des règles explicites, le système analyse des milliers, voire des millions d’exemples, pour en extraire des patterns statistiques. Ces motifs ne correspondent pas à des caractéristiques simples et identifiables comme « avoir des ailes », mais plutôt à des abstractions mathématiques complexes que le système découvre lui-même. L’ensemble de ces patterns forme ce qu’on appelle l’espace latent.

Ce changement extrêmement profond dans l’informatique consiste à passer de la modélisation hypothético-déductive à l’induction statistique qui ne contient aucune idéation même si elle peut en produire les effets. Or cet espace latent, fruit de la théorie des jeux et des espaces bayésiens où chacun parie sur le pari de l’autre[3] transforme radicalement la relation entre discours, vérité et réalité. En effet, alors que la révolution industrielle avec introduit une reproductibilité technique des indices ou des traces de la réalité, telle que l’empreinte d’une lumière sur une surface photosensible, les espaces latents sont des expressions des indices passés. Ainsi, un espace latent peut non seulement reconnaître un oiseau qu’il n’a jamais vu, qui ne fait pas partie de sa base d’entraînement, s’il ressemble bien à un oiseau, mais il peut aussi générer un oiseau inexistant et crédible ouvrant le précipice du simulacre dans la réalité. Nous y reviendrons.

Une propriété remarquable de l’espace latent est sa continuité. Contrairement à un système traditionnel qui classerait les choses de manière binaire (oiseau/non-oiseau), l’espace latent permet des transitions graduelles entre les concepts. Cette continuité permet ce qu’on appelle l’interpolation : la capacité à générer des états intermédiaires cohérents entre différents points de référence. Par exemple, un système d’IA peut générer une image qui se situe à mi-chemin entre un oiseau et une montagne, créant ainsi une créature hybride qui conserve une cohérence visuelle surprenante. Cette capacité d’interpolation repose sur un principe mathématique fondamental : dans l’espace latent, toutes les transformations sont continues et différentiables. Cela signifie qu’il n’existe pas de sauts brusques entre les concepts, mais plutôt des transitions douces et progressives. Cette propriété est cruciale, car elle permet au système de générer du contenu nouveau tout en maintenant une cohérence avec les patterns appris.

Le monde en tant qu’espace latent est donc constitué d’entités continues entre un minima et un maxima, entités qui sont localisées dans l’espace, mais qui peuvent être pliées les unes sur les autres afin de créer des entités monstrueuses, nous faisant passer de la différenciation ontologique à un flux métamorphique. Du fait des variations continues d’un même processus de plissement, toutes les entités sont équidistantes, il n’existe aucune distance non parcourable. L’être n’est pas substance mais processus de plissement. L’individuation n’est pas séparation mais inflexion continue. La différence n’est pas opposition mais variation intensive[4]. Ainsi l’incongruence ontologique est conquise : on peut lui donner une consistance, une crédibilité, une reconnaissance.

Un espace latent, pour produire un résultat crédible, doit être maintenu dans un savant et juste équilibre entre l’apprentissage et le bruit. D’un côté, il ne sait que reproduire le déjà appris, de l’autre il ne génère que de l’informe. Mais en ayant les deux, on peut créer du reconnaissable inexistant, bref automatiser et industrialiser la représentation mimétique. Nous dépassons non seulement l’empreinte du photoréalisme, mais encore la modélisation hypothético-déductive de la simulation informatique à laquelle nous ont habitués les effets spéciaux, la réalité virtuelle et les jeux vidéo.

Cette conception de l’espace latent a des implications profondes sur notre compréhension de la réalité et de la vérité. Pour simplifier, nous concevions la vérité comme une corrélation  entre nos représentations mentales et la réalité physique[5]. Cette vision supposait l’existence d’une réalité objective plus ou moins accessible à travers des preuves empiriques. L’inaccessibilité kantienne était encore une façon de cette corrélation.

L’espace latent bouleverse cette conception en introduisant une nouvelle forme de représentation où la frontière entre le réel et le possible devient plus floue. Dans ce nouveau paradigme, la vérité n’est plus une simple question de correspondance avec la réalité, mais devient une navigation dans un espace de possibilités. Chaque individu construit son propre espace latent, sa propre cartographie des possibles, basée sur ses expériences et ses apprentissages : il veut apprendre par lui-même et il se méfie des connaissances d’autres. Ces espaces latents individuels peuvent se chevaucher partiellement, mais ils ne sont jamais totalement identiques, ce qui explique en première approximation la multiplication des interprétations divergentes de la réalité.

Les fichiers informatiques convertis en probabilité statistique perdent leur discrétion indicielle et gagnent leur statut de possibilité relié à d’autres possibilités. On comprend mieux alors l’enjeu du conflit des esprits : on ne discute plus de l’indicialité des documents utilisés dans l’argumentation, mais de l’inclusion et de l’exclusion de certains possibles au profit ou au détriment d’autres. Ce qui importe dès lors est le parcours dans les possibles de l’espace latent, car c’est seulement ce déplacement qui permet d’une certaine manière d’accéder à une idée de la totalité de l’espace latent. Exclure un possible, crédible bien que faux, la fausseté n’étant garantie que par la discrétion d’un document, devient insupportable parce que signe d’une perspective autoritaire souhaitant dominer les autres.

« J’ai bien le droit de penser ce que je veux. On est en démocratie ! » est une affirmation beaucoup plus profonde qu’on ne pourrait le penser au premier abord. La pensée n’a plus à penser l’indicialité, chaque signe pouvant être manipulé pour cacher son statut d’expression, mais sa trajectoire dans l’espace latent. Ainsi, je connecte la platitude de la Terre au mur de glace qui est relié à l’inaccessibilité de l’Antarctique, et ainsi de suite. Peu importe que certains connecteurs soient inconsistants, il ne faut pas les prendre indépendamment du parcours qu’ils permettent d’un signe à un autre signe.

L’espace latent est toujours fonction de mon espace et de celui de l’autre, comparaison qui permet d’en faire l’induction et de rendre inopérante toute preuve. C’est du fait de cette altérité du latent qu’il est une affectivité des discours déterminée non par des indices, mais par les expressions d’une volonté. La seule chose qui peut rendre consistant cet espace du possible c’est quand le discours fait réagir les corps. Ainsi, comme nous l’avons déjà dit, lorsqu’un platiste s’exprime, notre première réaction est celle d’un choc nerveux. Nous n’en revenons pas. Comment peut-on croire de telle ineptie ? Notre expression faciale dévoile notre inconfort et c’est justement ce qui est souhaité : que le corps réagisse au discours, qu’il ait un impact qui exprime, en dernier ressort, le caractère exceptionnel de sa possibilité.

Quand nous rencontrons une idée qui nous semble absurde, notre réaction viscérale n’est pas simplement un rejet émotionnel – c’est la manifestation d’une collision entre différents espaces latents. Cette collision produit ce qu’on pourrait appeler une « dissonance latente » un conflit entre différentes structures de possibilités. La vérité communément admise est précisément trop commune, plate, indifférente pour pouvoir s’extirper de la platitude des possibles de l’espace latent. Le refus du « politiquement correct » n’est qu’un autre nom de cette procédure qui réfute d’avance ce qui est évident, ce qui semble aller de soi, ce qui est commun et partagé. Le conflit n’a pas pour objectif de convaincre, c’est-à-dire de converger vers une unité possible, mais de scinder pour blesser l’espace latent de l’autre qui n’est plus que celui d’un seul, isolé.

Il y a donc une stratégie discursive de la multiplication des possibles dans l’espace latent. La vérité ne porte plus sur l’adéquation leibnizienne entre la raison et la réalité, adéquation qui serait impersonnelle. Elle opère à présent entre plusieurs espaces latents, le tien et le mien, ceux de tous les autres, et sur l’impossibilité d’en privilégier un plutôt qu’un autre sans céder à l’autorité que rien ne vient fonder si ce n’est son autosuffisance. Si le complotisme délire c’est pour montrer que tout réalisme est une hallucination contrôlée pris entre l’informe du bruit et la répétition de ce qui a déjà eu lieu. Si aujourd’hui tous les événements semblent porter une signification et son contraire, c’est que le possible s’infiltre dans chaque trait des discours. Cela nécessite de développer de nouvelles compétences épistémiques : non plus seulement la capacité à distinguer le vrai du faux, mais aussi la capacité à comprendre et à négocier différents espaces de possibilités.

Simulacre sans simulation

Jacques Derrida, et à sa suite Bernard Stiegler, ont bien montré que la pensée naturelle n’existait pas et qu’elle a toujours été travaillée par des dispositifs techniques d’inscription et de rétention. C’était une manière de dire que les conditions de la cognition étaient fonction de techniques et que leur a posteriori, en tant que construit par nous, s’y délivrait comme un a priori, excédant et structurant nos projets. C’est une banalité de dire qu’on ne pense pas de la même manière avec un stylo, ses multiples repentirs et réécritures, qu’avec un clavier d’ordinateur permettant de passer du brouillon à la version finale d’un seul jet. C’est encore une banalité de penser qu’un informaticien n’imagine ses projets que dans le cadre déterminé d’un langage programmatique dont il est autant le maître que le serviteur. Penser c’est différer et la différance est technique.

C’est parce que l’espace latent produit des documents d’un nouveau genre qu’il est l’espace contemporain de la vérité. C’est sans doute la raison pour laquelle les technologies CLIP (permettant de générer un document à partir d’un texte) et conversationnelles des LLM, qui ont vu l’essor de l’IA dans la société, donnent une part si importante au langage comme élément de pilotage, signe d’une volonté de discourir.

L’informatique n’est pas un simple outil, mais constitue l’infrastructure de notre être-au-monde. L’ordinateur est apparu dans une première période comme la poursuite de l’épistémologie expérimentale de Claude Bernard. Il s’agissait de modéliser, dans un langage logico-mathématique, des causalités (if…else…) et des boucles pour les introduire dans une machine qui était une espèce de laboratoire parfait permettant toutes les expérimentations dans un environnement contrôlé. Celles-ci étaient des simulations dont l’apogée fut le fantasme de la réalité virtuelle dans les années 90 : on reproduisait la réalité en déplaçant dans une machine à calculer les lois des sciences. Ces dernières ne servaient plus seulement à prévoir des comportements futurs, mais à déplacer les causalités en les artificialisant pour les simuler. Le laboratoire-ordinateur ne servait plus à vérifier les hypothèses, mais à les faire fonctionner indépendamment du monde. Parallèlement, nous avons nourri les machines de données échantillonnées sous une forme binaire, un langage minimal qui les rendait indifférentes. Les textes, les images, les sons sont codés avec le même langage permettant leur interopérabilité.

Le simulacre a alors pris le dessus sur la simulation, l’induction sur la déduction modifiant de part en part la connaissance. Le prix Nobel de chimie accordé à Demis Hassabis et John Jumper pour la prédiction en IA de la structure 3D des protéines marque un tournant d’ampleur dont on peine à imaginer la signification. Nous entrons dans un autre monde : il ne s’agit plus seulement de transformer tous les étants en fond calculable, de pouvoir y appliquer librement nos opérations et nos calculs, de déployer l’Arraisonnement à l’ensemble de la planète (dont la notion de capitalisme est devenue le fourre-tout).

Ce monde industriel analysé par Heidegger, dont l’avant-dernier mot était le fantasme d’une réalité simulée décrite par Baudrillard, a cédé la place à la dévastation entendue en un sens extramoral. Le monde n’est plus seulement calculable, la calculabilité est devenue récursive en se nourrissant d’elle-même. Nous fournissons à la machine le fruit de nos échantillonnages pour qu’elle produise, non des simulations scientifiques, mais des simulacres de représentation qui sont ressemblants sans être la stricte répétition des données déjà existantes.

Le simulacre s’est autonomisé de la simulation, parce que les images d’images, les textes de textes et les sons de sons ne sont plus les indices référés à une réalité empirique, mais les expressions du possible. Par là même on abandonne l’ensemble du régime démonstratif de l’hypothético-déductif qui réglait l’élaboration de la connaissance scientifique. Ce régime consistait, d’un point de vue social, en un certain mode de discussion où on élaborait des hypothèses tentant de les soutenir par des preuves, telles que des études sociologiques, des données chiffrées, etc. À présent, plus rien de tel : « D’où tu parles ? » « Pourquoi exclus-tu la possibilité de mon discours ? » « Quelle est ton autorité ? ». Toutes ces questions sont potentiellement légitimes, mais sans le fondement épistémologique de l’hypothético-déductif, elles semblent flotter entre les individualités.

Technologiquement, nous passons du fantasme de la réalité virtuelle à celui de l’imagination artificielle, c’est-à-dire du déplacement des lois connues scientifiquement dans une machine à la production de données au second degré, non indicielles, troublant radicalement la limite entre simulation et simulacre, factualité et facticité. En effet, les images produites sont réalistes, mais irréelles (d’où l’obsession à dévoiler leur irréalité, par exemple en détectant le nombre de doigts ou la forme des pupilles). Les textes d’un LLM n’ont jamais été écrits, mais ressemblent à tout ce qui a déjà été écrit. Cet air de famille factice est en train de devenir la tonalité de l’ensemble de la réalité. Le paradoxe de cette nouvelle documentalité réside précisément dans le fait que ces éléments n’ont jamais existé, mais sont crédibles parce que nous les reconnaissons. Dès lors, ce qui n’a pas eu lieu et le déjà-vu, le factice et le factuel ne se départagent plus nettement.

Ce simulacre sans simulation pourrait bien constituer une poursuite et un dépassement de la réflexion de Baudrillard sur la réalité qui restait marquée par une certaine nostalgie pour l’indicialité. Quand une image est réaliste tout en étant irréelle, alors la simulation comme reproduction artificielle d’un phénomène ou d’un système réel, et le simulacre, comme copie sans original, une représentation qui ne renvoie plus à aucune réalité directe, ne se sépare plus. L’expression du possible ne se distingue plus du signe indiciel parce que la première a été nourrie de la structure indifférente du second. Tout se passe comme si le réalisme était un simulacre qui se souvenait de la simulation. Ce n’est plus l’hyperréalité de Baudrillard, mais le « disréalisme » désignant un réalisme qui est scindé et différé du dedans, comme si quelque chose en lui l’excédait.

L’ordinateur n’est plus un simple outil de simulation isolé du monde réel garantissant un laboratoire sans perturbation extérieure. Il n’est plus cette machine dans laquelle nous nous « immergeons » à travers des interfaces comme un casque de réalité virtuelle ou un gant à retour de force. Il est devenu un générateur de réalité, produisant des documents et des contenus qui s’intègrent directement dans notre quotidienneté et venant en affecter la tonalité. C’est une réalité parallèle, une multiplicité de réalités parallèles, qui vient transformer la prétendue unité ontologique. Dans ce système, la différence entre perception et génération ne tient qu’à un fil : reconnaître une forme apprise, mais jamais vue empiriquement, c’est pouvoir générer des réalismes inexistants. L’art peut être considéré comme le fragile héritier de cette stratégie où pour percevoir il faut recréer en instillant une différence dès l’original. C’est alors que la distinction entre simulacre et simulation ne tient plus.

Chiralités

La chiralité, une propriété géométrique fondamentale découverte par Louis Pasteur au XIXe siècle, et qui fut étudiée par Alan Turing à la fin de sa vie, constitue l’une des caractéristiques les plus intrigantes du vivant. Cette asymétrie moléculaire, comparable à la différence entre la main gauche et la main droite, est omniprésente dans les processus biologiques. L’homochiralité, c’est-à-dire la prévalence exclusive d’une orientation moléculaire spécifique, représente une signature distinctive de la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Dans ce contexte, les nucléotides qui composent l’ADN et l’ARN présentent systématiquement une configuration dextrogyre (droite), tandis que les acides aminés constituant les protéines sont tous lévogyres (gauches). Cette uniformité chirale n’est pas une nécessité physique ou chimique absolue, mais plutôt le résultat d’une « décision » évolutive primordiale dont l’origine reste débattue. Cette standardisation moléculaire a permis l’émergence de processus biologiques cohérents et efficaces, essentiels à la vie.

Depuis une quinzaine d’années, des chercheurs explorent la possibilité de créer des cellules miroirs qui inverserait cette chiralité moléculaire afin de produire des médicaments spécifiques, résister à des agents pathogènes conventionnels, ou servir de systèmes biologiques isolés pour la production de substances sensibles. S’il reste d’importantes difficultés d’ingénierie, la crainte de voir se développer une vie miroir parallèle à la vie connue augmente et des scientifiques en appellent à un moratoire immédiat. Ils craignent que ce « double » inversé ne vienne envahir les vivants qui n’auraient plus de barrière immunitaire pour se défendre.

Le principal problème vient du fait que nos systèmes immunitaires soient conçus pour reconnaître et combattre des bactéries ayant une certaine orientation moléculaire. Les bactéries miroirs, ayant une orientation inverse, ne seraient pas bien détectées ni combattues efficacement. Par exemple, nos défenses immunitaires auraient du mal à découper ces bactéries en morceaux pour les présenter au système immunitaire, et la production d’anticorps serait limitée. Dès lors cette évasion hors de l’immunitaire pourrait marquer une invasion sans précédent de l’écosystème : comme une espèce invasive sans prédateurs naturels, elles pourraient se multiplier rapidement et évoluer en colonisant de nouveaux environnements.

Au-delà de l’aspect biologique, la chiralité offre un cadre conceptuel fécond pour repenser la question de la vérité et du réalisme. La tendance anthropologique à « doubler » la réalité à travers la technique peut être comprise comme une manifestation d’une asymétrie plus fondamentale, inscrite dans la structure même de la matière vivante et de son corps : lorsque je regarde mes mains et que je sens une différence à moi. Le doublement se retrouve, sous des formes diverses, dans de nombreux récits complotistes.

Le récit de cette invasion des réalités miroirs n’est pas sans rappeler d’autres récits. En particulier, celui de l’IA qui pourrait venir remplacer l’être humain jusqu’à son extinction totale ou celui de la mécanisation de processus organique. L’histoire est peuplée de ces récits de flux débordants, mêlant les domaines de la nature, des corps et des techniques. C’est le récit ambivalent d’une production technique d’ordre mimétique qui viendrait déborder la réalité elle-même en la redoublant et en la dédoublant. Nous sommes ici au cœur de ce qui articule la vérité et la réalité à travers la technique. Si cette dernière est bien une production humaine, ses résultats excèdent nos projets et, par des boucles de rétroaction, influencent les conditions mêmes de nos projections, faisant qu’une zone grise anthropotechnologique doit être pensée.

Qu’est-ce que cette matérialité miroir si ce n’est une représentation qui, bien qu’étant mimétique, n’est pas la reproduction à l’identique de ce qui existe déjà, mais comme sa doublure inversée ? La chiralité n’est-elle pas alors un concept permettant de décrire notre époque dans la diversité de ses expressions phénoménologiques, dans ses ambivalences au bord de la contradiction et de l’inconsistance ? La chiralité est disparation, concept élaboré par Simondon pour désigner l’existence d’au moins deux ordres de réalité ou deux dimensions qui sont initialement incompatibles ou en tension, mais dont la mise en relation va produire une nouvelle dimension qui les intègre dans une unité supérieure. Cette nouvelle dimension n’était contenue dans aucun des ordres précédents pris séparément. Pour Simondon, la disparation n’est pas une simple différence ou opposition – c’est une tension productive qui appelle une résolution par l’émergence d’une nouvelle structure.

Il prend souvent l’exemple de la vision binoculaire : chaque œil perçoit une image légèrement différente (disparate) du même objet. C’est précisément cette disparation entre les deux images qui, une fois intégrée par le cerveau, permet l’émergence de la perception de la profondeur. La profondeur n’était contenue dans aucune des deux images planes prises séparément. La théorie de la disparation permet de comprendre la chiralité non pas comme une simple propriété géométrique mais comme un processus actif de différenciation qui peut produire de nouvelles réalités au niveau structural, fonctionnel et épistémologique.

Cette perspective permet de dépasser l’opposition traditionnelle entre nature et artifice. La technique ne serait plus considérée comme une simple extension ou une violation de la nature, mais comme l’expression d’une tendance inhérente à la matière elle-même à produire des reflets, des doubles, des variations et des simulacres, à s’excéder elle-même. C’est aussi que quelque chose dans l’histoire de la vérité ne veut pas de la réalité en tant que celle-ci pourrait constituer un fondement stable et sûr. L’expression la plus intense de cela est bien la technique en tant qu’elle est inextricable de l’humanité.

Si certains réagissent encore devant les possibles de l’espace latent, qui documentent ces réalités-miroirs, en en appelant à une meilleure régulation et contrôle des nouvelles, vraies ou fausses, comme ce sera le cas lors du sommet IA qui se tiendra à Paris en février 2025, c’est qu’on croit toujours à l’autorité d’une vérité qu’on détiendrait en propre. On espère, tout autant qu’on est nostalgique, une réalité communément partagée, comme si une telle chose n’avait jamais existé. C’est tout le discours réactionnaire, dans l’ensemble du spectre politique, sur l’unité brisée en fragments d’une société. C’est encore ceux qui défendent un atterrissage terrestre ressemblant à s’y méprendre à un discours de l’enracinement et qui semblent parfois conjurer, occulter, refouler que la Terre (ou la prétendue nature) est un simulacre, qu’il n’y a aucun fondement garantissant la convergence des discours dans la constitution d’une connaissance.

L’impulsion humaine à créer des doubles techniques qui, loin de répéter la réalité, en diffère la vérité, c’est-à-dire la concordance, peut être analysée à travers le prisme de la chiralité. Cette tendance ne relève pas d’une malédiction ou d’une rupture avec la nature, mais s’inscrit dans une logique plus profonde de la matière elle-même. L’être humain, en tant qu’être technique, manifeste une propension à percevoir des lacunes dans la réalité et à y suppléer par des créations artificielles. Quelque chose manque ou n’est pas à sa place[6], voilà pour la présence.

Cette compulsion à la duplication technique pourrait être comprise comme une extension de l’asymétrie fondamentale présente dans notre propre corps. La technique serait ainsi une forme de « chiralité matérielle », produisant des doubles qui ne sont jamais des copies exactes, mais des variations significatives. La notion de « bordure ontologique » prend un sens particulier à travers le prisme de la chiralité. Tout comme une molécule et son image miroir sont à la fois identiques et radicalement différentes, la relation entre le naturel et l’artificiel peut être comprise comme une forme de réflexion asymétrique et disparate.

Cette perspective permet de concevoir la technique non pas comme une simple imitation ou une déformation de la nature, mais comme la production d’une différence significative, comparable à la différence chirale en chimie. La technique trace ainsi une bordure qui n’est ni une simple frontière ni une rupture totale, mais plutôt une zone de transformation et de différenciation.

Cette approche ancre la tendance technique dans la matérialité même du vivant, évitant ainsi les explications purement culturelles ou spirituelles. Elle permet de penser la différence technique comme une forme de variation matérielle plutôt que comme une rupture artificielle. Elle suggère une continuité profonde entre les processus naturels et techniques, tout en maintenant leur différence irréductible, différence qui ne vient pas après coup, mais qui est a priori.

La chiralité offre un modèle subtil pour penser la différence et la répétition. Contrairement à une simple opposition binaire ou à une reproduction identique, elle implique une forme de différence qui est à la fois exacte et incomparable. Cette structure pourrait servir de paradigme pour comprendre d’autres formes de dualité dans la culture et la technique. La critique, devenue si fréquente de l’hubris humaine (ou du capitalisme), masque mal que l’excès prométhéen n’est nullement une propriété dont on pourrait simplement se débarrasser comme on se déshabille d’un vêtement, mais qu’il est plutôt notre épiderme, la zone de contact, infecté, infectant, avec le dehors. Le prométhéisme ne relève donc plus nécessairement de la volonté de puissance, mais pourrait consister en une finitude excédée.

En guise, non de conclusion, mais d’épilogue.

Je ne souhaite pas finir sur un jeu langagier, sur une récursivité de ma réflexivité ou sur une mise en abyme. Mais voilà, ce texte, comme tous les textes, comme toutes les images et les sons à présent, sont douteux. Il se pourrait bien, et tel est le cas je vous l’assure, qu’il soit écrit au moins pour une part par un des logiciels disréalistes. Vous pourriez bien estimer que je suis un faussaire et que je signe d’un nom qui n’est pas le mien, ou alors concevoir les deux faces de la chiralité, l’auteur que je suis n’étant qu’une d’entre elles en se rendant en quelque sorte dépendant de l’autre face, artificielle et infiniment commune.

Approcher la chiralité c’est se libérer du mythe d’une IA autonome (et par conséquent d’un être humain souverain), d’une contre-réalité qui serait simplement fausse, d’une fausseté qui serait l’opposé de la vérité et en dernière instance de la réalité. Approcher la chiralité c’est l’expérimenter : c’est par exemple écrire un texte avec son double, un double qui n’est pas soi et qui vous poursuit, complète des phrases que vous avez commencé à écrire sans les finir, jusqu’au point où vous-mêmes, sans que vous ne sachiez plus qui vous êtes, complète aussi ces phrases. Jusqu’à celle-ci.


[1] Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993.

[2] Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Éditions de Minuit, 1984.

[3] Anna Longo, Le jeu de l’induction : automatisation de la connaissance et réflexion philosophique, Paris, Éditions Mimesis, 2022.

[4] Gilles Deleuze, Le Pli : Leibniz et le Baroque, Éditions de minuit, Paris, 1988.

[5] Quentin Meillassoux, « Deuil à venir, dieu à venir ». Critique, 2006/1 n° 704-705, 2006, p.105-115.

[6] Mark Fisher, Par-delà étrange et familier, Paris, Sans soleil, 2024.

Gregory Chatonsky

Artiste, Enseignant au sein de l'EUR Artec

Mots-clés

IA

Notes

[1] Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993.

[2] Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Éditions de Minuit, 1984.

[3] Anna Longo, Le jeu de l’induction : automatisation de la connaissance et réflexion philosophique, Paris, Éditions Mimesis, 2022.

[4] Gilles Deleuze, Le Pli : Leibniz et le Baroque, Éditions de minuit, Paris, 1988.

[5] Quentin Meillassoux, « Deuil à venir, dieu à venir ». Critique, 2006/1 n° 704-705, 2006, p.105-115.

[6] Mark Fisher, Par-delà étrange et familier, Paris, Sans soleil, 2024.