Quelle stratégie nationale pour l’IA ?
Depuis le Sommet des 10 et 11 février, les débats sur l’IA se cristallisent principalement autour des investissements, de l’implantation de data centers et de la souveraineté technologique européenne. Mais au-delà des annonces et des ambitions industrielles, le véritable enjeu reste ailleurs. Car ce « passage à l’action » – selon la formule consacrée – n’a de sens que si l’intelligence artificielle générative s’ancre dans les usages réels. Entreprises, services publics, citoyens : sans appropriation massive et durable par l’ensemble des acteurs, toute stratégie risque de rester un projet hors sol.

Pour y parvenir et convaincre le grand public, le gouvernement adopte un langage performatif porté par une intention louable : mettre l’IA au service de la démocratie, de « l’Humain », et des territoires afin qu’elle n’amplifie pas les fractures existantes. Lors du Sommet, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du numérique, insistait sur la nécessité de « créer la confiance pour embarquer les citoyens dans cette technologie ». Anne Bouverot, Envoyée Spéciale du Président, citait même Marie Curie : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. »
Toutefois, entre ces intentions et des discours qui minimisent parfois les craintes exprimées, la cohérence des actions interroge, tant sur la stratégie adoptée que sur la compréhension du contexte auquel elle doit répondre.
Entre peurs légitimes et fictions intrinsèques
La peur est inhérente à toute innovation, qui bouleverse les repères et alimente des représentations ambivalentes, entre fascination et crainte. Ainsi, les appels récurrents à « faire comprendre au grand public qu’il ne faut pas avoir peur, pour qu’il utilise les solutions d’IA », masquent une incompréhension des phénomènes d’appropriation et de socialisation des objets technologiques, en plus d’être le reflet d’une certaine condescendance. En outre, la peur de l’IA n’est pas qu’irrationnelle : prédation des données, désinforma