Pour l’antiluddisme – du bon accueil de l’IA parmi les humains
Et si le moment était venu d’arrêter de parler avec une condescendance toute anthropocentrique d’intelligence artificielle, comme s’il s’agissait d’une intelligence factice de seconde zone, indigne de l’intelligence naturelle des humains ? Ne devrait-on pas plutôt prendre pour acquis que les machines, elles aussi, sont désormais intelligentes, et par conséquent s’en tenir à l’expression plus modeste et plus réaliste d’intelligence des machines ?

Répondre par l’affirmative à ces questions repose sur une raison très simple : l’intelligence, qu’il faut se garder de confondre avec la conscience, est une aptitude assez banale, qui s’est trouvée partagée par de nombreuses entités autres qu’humaines, bien avant qu’on ne parvienne à en doter les machines. C’est ce que suggère la définition du spécialiste de neurosciences Anil Seth, qui a l’avantage d’être elle-même fondée sur une impressionnante synthèse de définitions préalables : « Pour moi, l’intelligence signifie, au sens large (et sans connotation morale), faire la bonne chose au bon moment. Une définition plus spécifique, tirée d’une étude de nombreuses définitions différentes, est la “capacité à atteindre des objectifs dans un large éventail d’environnements” (p. 23)[1]. L’intelligence conçue ainsi, comme dans la plupart des autres sens, est liée aux capacités fonctionnelles d’un système…[2] »
Nombre des critiques de l’IA persistent pourtant à affirmer d’une part la différence, et d’autre part la supériorité de l’intelligence humaine vis-à-vis de celle des machines au nom de ce caractère prétendument artificiel/artificieux. Ils listent par contraste toute une série de compétences dont les machines seraient privées : émotions, imagination, créativité, etc. La critique de l’IA ne fait que recycler ici une très longue tradition d’anthropocentrisme radical, qui consiste à recourir à un « prêt à déprécier » les formes de cognition qui ne sont pas humaines, au nom de l’idée incroyablement prétentieuse que l’intel