La Gaza-ïfication de l’Occident
Dans le théâtre médiatique contemporain, Gaza s’est muée en un laboratoire du storytelling géopolitique. Chaque image, chaque témoignage, chaque chiffre devient un élément narratif dans une bataille de récits qui dépasse largement les frontières géographiques du conflit. Il y a les morts de Gaza, et il y a leur disparition programmée dans les récits médiatiques occidentaux. Entre les deux, une machine narrative d’une efficacité redoutable transforme un génocide en un « conflit complexe », les bourreaux en victimes, et les témoins en « antisémites ». Comment une puissance militaire génocidaire et ses alliés peuvent simultanément massacrer un peuple et gagner la bataille des récits.

Dans les think tanks de Washington et les agences de Hasbara, une armée de storytellers travaille jour et nuit à retourner la réalité. Chaque école bombardée devient un « nid de terroristes », chaque hôpital détruit cachait des « tunnels du Hamas », chaque journaliste tué était un « combattant déguisé ». Gaza n’est plus seulement un territoire de 365 kilomètres carrés où s’entassent deux millions d’êtres humains. Gaza est devenue une histoire, ou plutôt un champ de bataille d’histoires… Dans les couloirs feutrés des ministères et des agences de communication, on ne parle plus de « guerre » mais d’« opération », plus de « bombardements » mais de « frappes chirurgicales », plus de « morts civils » mais de « dommages collatéraux ». Le vocabulaire militaire s’est mué en novlangue marketing, façonné par des « spin doctors » qui transforment la réalité en une histoire formatée à l’intention des opinions publiques occidentales.
S’il est une chose qui est occultée par l’exposition récurrente dans les médias des « narratifs » israélien et palestinien (autodéfense et résistance) et la fausse symétrie des forces en présence, c’est bien la nature de cette guerre qui bouleverse dans sa rationalité extrême tout ce qu’on pensait savoir sur la guerre totale, la guerre civile ou la guerre colonia