Les frères buzzulmans
Le succès médiatique du rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France » est inversement proportionnel à son intérêt scientifique. Dans la version rendue publique (73 pages), les deux hauts-fonctionnaires chargés de sa rédaction en retracent l’histoire (partie 1), l’implantation progressive en Europe (partie 2), détaillent la situation française (partie 3) avant de faire des recommandations (partie 4).

Les auteurs compilent assez rapidement des travaux universitaires, publient des données issues des services des ministères de l’Intérieur, des Armées et des Affaires étrangères et européennes, avant de recommander, classiquement, une plus forte surveillance de la confrérie et une meilleure reconnaissance de l’islam comme religion française. Ce qui mérite attention n’est pas tant les constats, sur lesquels nous revenons, mais plutôt le potentiel assainissement du débat public et la clarification d’une étrange « pensée de l’État ».
Un rapport qui soulève des questions et qui n’apporte que peu de réponses
Le rapport a été élaboré par une revue de la littérature, par l’audition de 45 spécialistes de l’islam politique et des Frères musulmans, par une dizaine de déplacements sur le terrain en France et quatre en Europe (sans plus de précisions), enfin par des entretiens répétés avec les acteurs de l’islam de France. Les auteurs revendiquent une écriture directe, sans citer les auteur.e.s et ouvrages sur lesquels ils s’appuient et le rapport n’a pas de méthodologie scientifique explicite. Comme ce n’est pas une production académique, nous pouvons le déplorer mais pas tellement le reprocher aux auteurs. Pour autant, le rapport soulève un certain nombre de questions non résolues.
En premier lieu, les auteurs n’échappent pas à la reprise de travaux approximatifs et caricaturaux, à la fois sur une définition hyper-normative de la confrérie pensée comme un ensemble cohérent depuis 1928 et aux visées politiques immuables (le fameux VIP : vision / in