Société

Tests de français pour immigré.e.s : une machine à exclure

Linguiste

L’article 20 de la loi immigration modifie les conditions linguistiques liées au droit au séjour et à la nationalité. S’annonce, en outre, l’élévation des niveaux déjà exigés. Ainsi approfondit-on le contrôle migratoire et fait-on croire que la « maîtrise de la langue » est l’alpha et l’oméga de l’intégration. C’est faire fi de la réalité de l’apprentissage et précariser les requérant·es. Un appel, « Le français pour toutes et tous », invite à se mobiliser le 8 septembre contre cette dérive discriminatoire.

Tout au long de l’année 2023, le projet de loi intitulé « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration », plus communément nommé « loi immigration », aura donné des sueurs froides à l’exécutif. Au printemps, alors que la mobilisation contre la réforme des retraites bat son plein, Emmanuel Macron temporise : le contexte social et politique n’est pas favorable à une attaque brutale contre les flux migratoires. Le projet revient sur le devant de la scène à l’automne, porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ; mais la motion de rejet préalable, adoptée le 11 décembre à l’Assemblée, lui inflige un sérieux camouflet. Le sort du texte est finalement scellé en commission mixte paritaire le 19 décembre. La version durcie qui en résulte sera censurée par le Conseil constitutionnel, qui rejette un tiers des articles. La promulgation de la loi intervient le 26 janvier 2024, tandis que de premiers décrets d’application sont publiés en juillet 2024.

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Une loi qui renforce les exigences linguistiques pesant sur les étrangers

Si cette loi particulièrement controversée a fait couler beaucoup d’encre, certains articles ont été moins commentés que d’autres. C’est notamment le cas de l’article 20, qui modifie les conditions linguistiques liées au droit au séjour et à la nationalité. Pour la première fois, la loi conditionne ainsi la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à l’atteinte d’un niveau de français – fixé ultérieurement par décret. Dans la foulée, la rumeur bruisse d’une élévation globale des niveaux déjà exigés pour l’obtention d’une carte de résident et de la nationalité ; mais aucun décret d’application n’est promulgué. Certaines préfectures anticipent et conseillent aux requérant·es de viser un niveau supérieur à ce qui est alors exigé, générant incertitude et anxiété pour toutes les personnes concernées. Il faudra attendre le printemps 2025 pour que l’information commence à être confirmée officiellement, d’abord à l’oral[1] :

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[1] Voir par exemple la diapositive apparaissant à 41’22 du webinaire « Présentation de la politique d’intégration 2025 », par Christelle Bignon, cheffe de bureau « apprentissage de la langue et citoyenneté » au Ministère de l’Intérieur (14 mars 2025).

[2] Intégration, Résidence et Nationalité. Le TCF IRN et le TEF IRN sont les seuls tests conçus spécifiquement pour accéder aux titres de séjour et à la nationalité. Leurs sessions ayant lieu moins fréquemment que celles du DELF, et leur durée de validité étant limitée à deux ans, une partie des candidat·es préfère cependant passer le DELF.

[3] On fait l’hypothèse que pour les centres d’examens, et plus encore pour les organismes certificateurs qui créent les tests et supervisent les sessions, l’augmentation considérable du volume de candidat·es liée à ces obligations récentes représente une manne financière importante.

[4] Une personne allophone est une personne qui n’a pas appris le français en tant que langue première (ou « langue maternelle », même si cette appellation n’est pas juste scientifiquement).

Maude Vadot

Linguiste, Enseignante-chercheuse à l’université Savoie Mont Blanc

Notes

[1] Voir par exemple la diapositive apparaissant à 41’22 du webinaire « Présentation de la politique d’intégration 2025 », par Christelle Bignon, cheffe de bureau « apprentissage de la langue et citoyenneté » au Ministère de l’Intérieur (14 mars 2025).

[2] Intégration, Résidence et Nationalité. Le TCF IRN et le TEF IRN sont les seuls tests conçus spécifiquement pour accéder aux titres de séjour et à la nationalité. Leurs sessions ayant lieu moins fréquemment que celles du DELF, et leur durée de validité étant limitée à deux ans, une partie des candidat·es préfère cependant passer le DELF.

[3] On fait l’hypothèse que pour les centres d’examens, et plus encore pour les organismes certificateurs qui créent les tests et supervisent les sessions, l’augmentation considérable du volume de candidat·es liée à ces obligations récentes représente une manne financière importante.

[4] Une personne allophone est une personne qui n’a pas appris le français en tant que langue première (ou « langue maternelle », même si cette appellation n’est pas juste scientifiquement).