Écologie

Le recours aux astres

Philosophe

Mauvaise nouvelle, les CEO de la Silicon Valley ont différé leur voyage sur Mars pour prendre le pouvoir sur Terre. Profitons-en pour affirmer, philosophiquement, notre condition planétaire : aussi situé·e·s que nous soyons (en termes de race, de classe), nous sommes cosmologiquement insituables. Échappant à tout pouvoir terrestre, cette liberté cosmologique est un ultime recours lorsque la démocratie s’efface.

« 2024 est l’année où Elon [Musk] a cessé de croire en Mars — non pas comme projet techno-scientifique ridicule, mais comme projet politique ». Celui qui fait ce constat est Peter Thiel, figure majeure du techno-accélérationnisme états-unien, dans un entretien accordé au New York Times en juin 2025. Voici la mauvaise nouvelle : les CEO de la Silicon Valley ont décidé d’« atterrir » sur Terre. Où ? Dans la Maison Blanche, dans la géopolitique et les arcanes du pouvoir terrestre. Adieu l’astrocapitalisme et ses projets d’exploitation d’astéroïdes ?

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C’est plutôt que Musk, Thiel, et leurs complices n’ont jamais rien compris aux astres et au cosmos, pour eux simple terrain d’exploitation et de projection narcissique. Or reconnaître vraiment le cosmos et révéler la dimension cosmologique de la Terre pourrait aujourd’hui nous aider psychiquement à desserrer l’étau qui compresse notre subjectivité. Chaque jour en effet s’ajoute un désastre ou sa menace : canicules, assèchement de la démocratie, extension du domaine de la guerre, la peur s’installe et nous nous sentons pris au piège dans une Terre de plus en plus inhabitable, sachant qu’aucun vaisseau spatial ne pourra, tel un messie technologique, nous sauver. Mais en quoi une perspective cosmologique pourrait changer quoi que ce soit à ce sentiment grandissant de claustrophobie ?

Ce que je propose, philosophiquement, est une refondation radicale de notre être-au-monde, afin de nous penser comme des êtres planétaires, à la fois terrestres et plus-que-terrestres, à la fois situés dans un milieu spécifique (social, racial, de classe, de genre, écologique) et absolument insituables. Au cœur de notre situation terrestre, notre condition planétaire révèle un dehors cosmologique excédant toute géolocalisation, toute prise par un quelconque pouvoir, qu’il soit technologique, religieux, ou militaire.

Voilà qui pourrait changer notre rapport aux corps stellaires, au cosmos, et à nous-mêmes. Une fois soustraits à toute conv


Frédéric Neyrat

Philosophe, Professeur dans le Département d’Anglais de l’Université du Wisconsin à Madison