Écologie

Le chaos climatique comme carburant du nouvel ordre des prédateurs

Socio-anthropologue

Dans les Caraïbes, où un ouragan d’une intensité inédite poursuit son déferlement, les populations ont déjà, par le passé, été privées d’un accès aux données concernant l’ampleur de phénomènes météorologiques que détenaient, en revanche, certaines sociétés d’assurance : un cas symptomatique de la capitalisation, par les milieux financiers, autour du chaos climatique. Pour la folie technocratique, l’incertitude se fait aubaine.

Dans un monde où le chaos climatique devient la toile de fond de notre quotidien, une nouvelle élite, que Giuliano Da Empoli nomme les « Borgia » modernes, émerge et redessine les contours de notre réalité. Ces nouveaux conquistadors, armés de technologies de pointe, de finance débridée et d’idéologies ultra-libérales, jouent avec les incertitudes comme des jongleurs de cirque. Ils profitent de l’instabilité chronique induite par les canicules, l’érosion de la biodiversité, les tempêtes imprévisibles, pour imposer leur vision d’un futur affranchi des contraintes traditionnelles.

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Elon Musk, avec ses ambitions martiennes, n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mohammed ben Salman, avec son projet Neom, imagine une ville futuriste dans le désert saoudien, où les lois de la tech supplantent les lois traditionnelles. Nayib Bukele, au Salvador, transforme son pays en laboratoire de la cryptomonnaie, tandis que les géants de la Silicon Valley infiltrent les rouages de la politique américaine. Ces exemples, loin d’être isolés, dessinent les contours d’un nouvel ordre mondial où les frontières entre le réel et le virtuel s’estompent.

Bruno Latour, dans Où atterrir ? nous invite à repenser notre rapport à la Terre, à reconnaître que cette fuite en avant technologique ne fait qu’accentuer notre déconnexion du monde réel. Pendant que les canicules se multiplient, que les tempêtes deviennent monnaie courante et que l’érosion des côtes menace des populations entières, ces élites façonnent un futur où l’instabilité n’est plus une menace, mais une ressource. En transformant chaque crise en opportunité, ils consolident leur pouvoir, laissant les structures démocratiques traditionnelles fondre comme glace au soleil.

En fin de compte, cette alliance entre finance, technologie et politique redéfinit les règles du jeu. Le chaos climatique, bien qu’involontaire, devient l’allié inattendu d’une élite qui sait transformer l’incertitude en atout, façonnant un avenir où le pouvoir app


Bernard Kalaora

Socio-anthropologue, Chercheur à l'IIAC (CNRS, EHESS), ancien président de l’association LITTOCEAN