Quand les despotes rêvent d’immortalité
Je me suis souvent demandé de quoi auraient pu discuter ensemble Caligula et Napoléon, Néron et Staline s’ils avaient pu se croiser. Peut-être auraient-ils pu discuter comme l’ont fait récemment Vladimir Poutine et Xi Jinping, le 3 septembre dernier, lors du défilé militaire organisé par la République populaire de Chine à l’occasion de la célébration du 80e anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale.

Je peux désormais m’imaginer que, lorsqu’ils se rencontrent, ceux qui pensent disposer d’un pouvoir illimité parlent de l’immortalité, de la vie éternelle. Non pas en général, dans l’au-delà, mais bel et bien de l’éternité de leur vie à eux, ici et maintenant. Sans doute les despotes du passé aspiraient-ils déjà à prolonger le plus possible leur vie, c’est-à-dire aussi leur règne. Mais le despote du présent n’en parle plus comme d’un rêve ou d’une utopie : il en parle désormais comme de quelque chose qui pourrait bien se produire et lui arriver, précisément, de son vivant.
Ainsi Poutine explique-t-il au Président chinois, avec un enthousiasme manifeste, que « la vie éternelle pourrait être atteignable grâce aux innovations dans les biotechnologies », ajoutant que « les organes humains peuvent être transplantés à l’infini : plus vous vivez longtemps, plus vous rajeunissez, et vous pouvez même atteindre l’immortalité ». Et Xi Jinping de compléter, mais en se voulant plus « réaliste » ou plus factuel que le dirigeant russe : « certains prédisent qu’au cours du siècle, des humains pourraient vivre jusqu’à 150 ans. » Un siècle et demi n’est certes pas encore l’éternité, mais cela aurait quand même déjà l’avantage, pour Xi Jinping, de lui permettre de vivre le passage de la phase du « socialisme à caractéristiques chinoises » au communisme proprement dit.
On a bien sûr vite fait de penser que de telles considérations de la part des deux dirigeants signifient simplement qu’ils n’envisagent pas de laisser le pouvoir à qui que ce soit et qu’ils espèrent vivr
