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En Tunisie, le feu de la révolution couve toujours

Journaliste

Dans la course de vitesse engagée à l’échelle mondiale entre les démocraties en péril et les autocraties en plein essor, l’exemple de la Tunisie compte bien davantage que son poids démographique ne le laisse augurer. Depuis l’élection de Kaïs Saïed en 2019, le pays qui initia le printemps arabe s’enferme dans une triple faillite politique, économique et sociale. Pourtant, à la veille du 12e anniversaire de la révolution, plusieurs acteurs-clés alimentent de nouveau le feu de l’espoir démocratique.

Un imposant escalier de pierre qui s’écroule, une rampe de fer forgé, des mosaïques bleu azur qui s’effritent et des plafonds sculptés, au charme d’un autre âge. Ces derniers mois, les réseaux sociaux tunisiens fourmillent d’images de ces palais abandonnés de la veille ville de Tunis.

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Les clichés sont d’une beauté rare. Mais entre ces palais centenaires qui s’abîment et la jeune démocratie tunisienne, dégradée par les forces politiques mêmes qui étaient en devoir de la sauvegarder, le parallèle vient vite à l’esprit. À cela près que, si les palais tiennent encore debout, les fondations démocratiques de la Tunisie, elles, s’effondrent à une vitesse que les observateurs les plus pessimistes n’avaient pas prédit.

C’est là toute l’œuvre de l’actuel président tunisien. Trois ans après son élection triomphante à la tête de l’État, Kaïs Saïed a réduit en miettes tous les acquis institutionnels de la révolution tunisienne (décembre 2010- Janvier 2011). Une fois le parlement suspendu, dissout et marginalisé, la constitution approximative (voir l’article d’AOC) voulue par Kaïs Saïed est venue remplacer le texte de janvier 2014. Un texte qui, outre ses qualités, symbolisait alors le rare consensus dont la classe politique avait été capable pour maintenir en vie la transition démocratique tunisienne. Les années qui suivirent, ce consensus devint au contraire synonyme de compromission, de stagnation et de résignation.

Élu en 2019 sur la foi du discrédit des partis politiques, Saïed croit désormais pouvoir tout se permettre. Outre le texte constitutionnel, le président tunisien a également écarté les instances indépendantes, dont celle en charge de contrôler la constitutionnalité des textes législatifs. Afin de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, Saied fait place nette, et élimine toute possibilité de recours ou de contrôle de ses actes et des lois.

Au-delà de ce travail de sape des fondements démocratiques de la Tunisie, son bilan est politique, économique et


Pierre Puchot

Journaliste, spécialiste du Moyen-Orient