Numérique

Bernhard Rieder : « Les grands médias font de l’IA un instrument un peu magique »

Sociologue

L’IA va-t-elle remplacer le travail humain ? L’explosion du générateur de texte ChatGPT, quelques mois après le succès de DALL-E pour les images, suscite des débats inquiets qui oublient une part importante de la question technologique : sa matérialité, qui détermine ses limites et ses conditions de contrôle par la loi. Le spécialiste en Mediastudies Bernhard Rieder en a fait le cœur de ses recherches. Un pied dans le code et l’autre dans les sciences humaines, il appréhende les usages de technologies d’où la main de l’homme est loin d’avoir disparue.

L’intelligence artificielle semble avoir progressé à pas de géants ces derniers mois : d’abord les programmes de génération d’images comme DALL-E se sont popularisés, puis ChatGPT a illustré un modèle capable d’entrer en conversation avec une intelligence humaine, de produire du texte sur commande avec des performances jamais vues auparavant. Pour mieux comprendre les jeux de pouvoir dont ces innovations procèdent, pour ne pas se laisser prendre au discours mystificateur de l’intelligence artificielle, il faut en revenir à la matérialité des systèmes mêmes, à la description fine de ce qu’ils sont en tant que tels, plutôt que d’alimenter des paniques morales.

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C’est un travail que mène depuis de nombreuses années le spécialiste en Mediastudies Bernhard Rieder, professeur associé à l’Université d’Amsterdam et collaborateur au sein du Digital Methods Initiative, où il participe à développer de nombreux projets de logiciels dédiés à la visualisation et à la compréhension des infrastructures numériques. Ses recherches portent sur le rôle que jouent les algorithmes dans la production de connaissances et de culture. En 2018, il rejoint l’Observatoire de la Commission européenne sur l’économie des plateformes. Sa propre enquête sur les fondations historiques des techniques de traitement de l’information, Engines of Order, a été publiée en 2020 à l’Amsterdam University Press. BT

Comment qualifieriez-vous l’apport de la sociologie des sciences et des techniques, et notamment des concepts liés à la matérialité comme celui « d’assemblage » par exemple, pour comprendre les objets socio-techniques si particuliers que sont nos objets numériques ?
Je ne me spécialise pas vraiment en sociologie des sciences et des techniques, mais plutôt en Mediastudies, un terme qui n’existe pas tout à fait en France, mais que peuvent recouvrir par exemple les sciences de l’information et la communication. Cela dit, il existe beaucoup de ponts, d’échanges et de dialogues entre sociologie d


Benjamin Tainturier

Sociologue, Doctorant au médialab de SciencesPo

Mots-clés

IA