Politique

Fallait-il faire disparaître les grands corps de l’État ?

Sociologue, Sociologue

La disparition des grands corps est actée : la réforme de la haute fonction publique est entrée en vigueur en ce début d’année 2023. Mais cette réforme se fonde sur une perception faussée des hauts fonctionnaires et de leur rôle. Une étude des carrières à l’Inspection générale des affaires sociales avant la réforme permet d’affirmer qu’il existe une grande diversité des parcours d’inspecteurs et d’inspectrices, que leur identité professionnelle repose sur l’expertise, mais aussi sur l’indépendance de leur travaux.

Le 1er janvier 2023 sont entrés en vigueur les décrets de la réforme de la haute fonction publique. Dimension Ô combien symbolique de cette réforme, quelles significations politiques manifeste la disparition des grands corps, et en particulier que nous dit-elle de la représentation qu’a le gouvernement actuel du (dys)fonctionnement de l’État et de ce que doit être une fonction publique « performante » ?

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Après la suppression de l’École nationale d’administration (ENA) par une ordonnance de juin 2021, qui se substitue à celle du Général de Gaulle, datant de 1945, et « point de départ d’un vaste chantier » dont l’objectif n’est autre que de « transformer un État qui nous a permis de traverser la crise mais qui a des faiblesses pour préparer l’avenir » (Amélie de Montchalin à l’AFP, mai 2021), la réforme de la haute fonction publique implique, entre autres, la disparition des grands corps (Inspections générales (des finances, des affaires sociales, de l’administration, etc.), corps préfectoraux, corps des diplomates, etc.) ou de certains d’entre eux (les membres de la Cour des comptes et du Conseil d’État ne sont en effet pas concernés en raison de leur statut de magistrat), remplacés par un corps unique des administrateurs de l’État, corps d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État rattaché au Premier ministre.

Il s’agit ainsi de « faire disparaître la logique de corps pour une logique de métier, sauf pour la Cour des comptes et le Conseil d’État, corps juridictionnels », selon le ministère (Le Dauphiné Libéré, 1er juin 2021). Il est convenu de mettre fin à des carrières à vie dans le même corps, de favoriser la mobilité de la haute fonction publique d’une administration à une autre. À ces fins, une Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (la DIESES) a été créée, dont la mission sera précisément d’évaluer les hauts fonctionnaires, de les aider à faire des bilans professionnels et de les accompagner dans leur carrière p


Henri Bergeron

Sociologue, Directeur de recherches au Centre de sociologie des organisations Sciences Po-CNRS

Jeanne Lazarus

Sociologue, Directrice de recherches au Centre de sociologie des organisations Sciences Po-CNRS