Société

Oui, les universités ont un problème de moyens !

Historien

Les déclarations d’Emmanuel Macron estimant que les universités françaises n’ont « pas de problèmes de moyens » et doivent faire mieux avec leur budget ne sauraient être prises à la légère : on ne peut écarter le fait qu’une réforme soit dans l’air et qu’elle soit menée, comme souvent, de manière cavalière et sur la base d’un diagnostic faussé.

Inexorable, l’extension du domaine réservé du président de la République s’étend maintenant à l’enseignement supérieur qui peut s’attendre à des déconvenues.

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En effet, Emmanuel Macron considère désormais que les universités françaises n’ont « pas de problèmes de moyens » et qu’elles doivent faire beaucoup mieux avec leur budget, quitte à revenir sur le maintien de formations qui « depuis des années ne diplôment quasiment pas » et à faire « davantage contribuer ceux qui ont le plus de moyens »[1].

La Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a repris fidèlement ce discours lors de sa conférence de presse de rentrée : elle invite les établissements à « contribuer à un moment difficile » du budget de l’État ainsi qu’à « prendre le taureau par les cornes et à réfléchir au modèle économique des universités »[2]. Fin août, elle avait déjà annoncé aux présidents des universités que ces dernières seraient amenées à supporter elles-mêmes une grande partie des décisions salariales prises par le gouvernement.

Il ne faut pas s’y tromper : toutes ces déclarations vont au-delà du traditionnel bras de fer budgétaire estival et les prises de position présidentielles ne doivent pas être prises à la légère. Emmanuel Macron s’était déjà exprimé, dans un entretien au Point, sur le fait que tout le monde n’avait pas « vocation à aller à l’université »[3]. On ne peut écarter le fait qu’une réforme soit dans l’air et qu’elle soit menée, comme souvent, de manière cavalière et sur la base d’un diagnostic faussé.

Les faits sont têtus et les moyens trop rares

La pensée présidentielle est-elle à ce point complexe qu’elle finit par se détacher du réel ? La dégradation des moyens des universités depuis le début des années 2010 est un fait établi par la statistique publique, rappelé par une récente note du Conseil d’analyse économique[4] : entre 2011 et 2021, la dépense moyenne par étudiant des universités a baissé d’environ 15 %[5]. En outre, cette évolution ne doit pas f


[1] Voir Le Monde, 8 septembre 2023.
[2] Alice Bouviala, «  “Il faut prendre le taureau par les cornes et réfléchir au modèle économique des universités” (Sylvie Retailleau) », AEF, dépêche n° 698856, 8 septembre 2023, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[3] Voir Le Point, 24 août 2023.
[4] Gabrielle Fack et Élise Huillery, « Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace », Notes du Conseil d’analyse économique, n° 68, 2021, p. 2.
[5] État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, 2022, tableau 01.01.
[6] Pour le détail de cette estimation, voir ma note de blog : « Les heures d’enseignement dans le supérieur », 14 septembre 2023, consulté le 14 septembre 2023.
[7] OCDE, 2022 ; OCDE, Indicateurs de financement de l’éducation : C1.3 : Croissance annuelle moyenne des dépenses totales consacrées aux établissements d’enseignement par étudiant équivalent temps plein (2012 à année sélectionnée).
[8] Idem.
[9] Cour des Comptes, L’autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre, septembre 2015, p. 83.
[10] Sur ce point, voir l’étude du SNESUP, Inégalités de dotation : quels sont les taux d’encadrement et les budgets par étudiant des universités et établissements d’enseignement supérieur publics, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[11] Voir le rapport du sénateur Philippe Adnot, Le financement à la performance : Une condition de l’attractivité des universités françaises, rapport d’information n° 130, 2019, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[12] Cédric Hugrée et Tristan Poullaouec, L’université qui vient. Un nouveau régime de sélection scolaire, Raisons d’agir, 2022.

Gabriel Galvez-Behar

Historien, Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lille (UMR IRHIS) et doyen de la Faculté des Humanités

Notes

[1] Voir Le Monde, 8 septembre 2023.
[2] Alice Bouviala, «  “Il faut prendre le taureau par les cornes et réfléchir au modèle économique des universités” (Sylvie Retailleau) », AEF, dépêche n° 698856, 8 septembre 2023, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[3] Voir Le Point, 24 août 2023.
[4] Gabrielle Fack et Élise Huillery, « Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace », Notes du Conseil d’analyse économique, n° 68, 2021, p. 2.
[5] État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, 2022, tableau 01.01.
[6] Pour le détail de cette estimation, voir ma note de blog : « Les heures d’enseignement dans le supérieur », 14 septembre 2023, consulté le 14 septembre 2023.
[7] OCDE, 2022 ; OCDE, Indicateurs de financement de l’éducation : C1.3 : Croissance annuelle moyenne des dépenses totales consacrées aux établissements d’enseignement par étudiant équivalent temps plein (2012 à année sélectionnée).
[8] Idem.
[9] Cour des Comptes, L’autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre, septembre 2015, p. 83.
[10] Sur ce point, voir l’étude du SNESUP, Inégalités de dotation : quels sont les taux d’encadrement et les budgets par étudiant des universités et établissements d’enseignement supérieur publics, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[11] Voir le rapport du sénateur Philippe Adnot, Le financement à la performance : Une condition de l’attractivité des universités françaises, rapport d’information n° 130, 2019, en ligne, consulté le 12 septembre 2023.
[12] Cédric Hugrée et Tristan Poullaouec, L’université qui vient. Un nouveau régime de sélection scolaire, Raisons d’agir, 2022.