Intelligence artificielle

Quelle sera la culture des robots ?

Sociologue

Le développement spectaculaire de l’Intelligence artificielle fait désormais paraître l’humain comme une machine probabiliste bien imparfaite. Mais n’est-ce pas cette nécessaire imperfection qui toujours préservera une place pour l’homme, à côté des machines ?

Les robots algorithmiques de l’intelligence artificielle sont des machines à apprendre. Appliqué au monde du travail, le vocabulaire de l’apprentissage désigne tout à la fois le cœur de nos économies de la connaissance, qui doivent nécessairement investir massivement dans l’éducation et dans la transformation des technologies éducatives, et l’origine de la principale séparation contemporaine entre les emplois dotés des caractéristiques désirables, au-delà de leur valeur simplement rémunératrice, et les emplois simplement utilitaires, ceux dans lesquels le travail est une désutilité et une charge, compensée par un salaire qui permet de se procurer des biens et du loisir. Cette disjonction sépare les emplois routiniers, à faible variabilité d’exercice, et qui apprennent peu à qui les exerce, et les emplois peu ou pas routiniers, qui sont à forte variabilité d’exercice, à forte teneur formatrice et à plus forte valeur expressive.

Les expérimentations se multiplient pour comparer l’intelligence qui opère dans l’apprentissage des humains et l’intelligence que mettent en œuvre les machines, notamment en les opposant par la compétition. Si les capacités cognitives d’anticipation et d’apprentissage humains sont entièrement réductibles à l’apprentissage profond que pratiqueront ces algorithmes et machines sans cesse plus puissants mis au point par l’intelligence humaine, le sort du travail humain sera scellé : la machine sera plus efficace que nous dans une gamme de plus en plus large de tâches. Dans sa version radicale, que j’examinerai dans un instant, l’argument va jusqu’à ne plus rien réserver à l’humain qui ne puisse être réalisé par une machine. Il existe une version plus modérée de l’argument, qui préserve un territoire particulier à l’humain, celui du jugement dans l’exercice de l’action productive, et dans la prise des décisions créées par les situations auxquels chacun fait sans cesse face pour agir et travailler.

Un scénario heureux : la complémentarité

Que dit


Pierre-Michel Menger

Sociologue, Professeur au Collège de France