Éducation

Grouper les élèves selon leur niveau : un pari risqué

Chercheuse en Sciences de l'éducation

Alors que le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, envisage la mise en place de groupes de niveaux au collège pour les cours de français et de mathématiques, les travaux qui ont été menés sur le sujet montrent qu’il est préférable de constituer des groupes de niveau ou de besoin temporaires et flexibles que de séparer en classes distinctes les élèves réputés forts, moyens ou faibles.

Le regroupement des élèves par niveau obéit à une logique de séparation pour gérer l’hétérogénéité bien réelle des élèves. Il s’agit de séparer les élèves de leur cohorte ou d’éclater cette cohorte en classes ou groupes distincts pour leur proposer un enseignement en principe mieux adapté à leurs caractéristiques, leurs besoins ou leur rythme d’apprentissage.

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La réduction de l’hétérogénéité des groupes d’apprentissage qui résulte de ce tri apparait souvent, aux yeux des acteurs de terrain, comme une condition nécessaire à la mise en place d’une pédagogie adaptée aux besoins de chacun.

Or, selon Oakes, Gamoran et Page, la justification du regroupement par aptitude – la diminution de l’hétérogénéité des groupes – est loin d’être atteinte dans les faits : « des études mettent en évidence un recouvrement considérable entre les savoir-faire et les habiletés des élèves des différents groupes. Ainsi, la mesure dans laquelle le regroupement par niveau réduit l’hétérogénéité est peut-être bien moindre que ce que l’on prétend habituellement »[1]. En dépit de l’existence de classes de niveau, l’hétérogénéité des classes reste importante, trop importante sans doute aux yeux de nombreux enseignants pour que ceux-ci mettent en place les formes de différenciation pédagogiques réputées efficaces.

Comme pour le redoublement, nombre d’acteurs du monde éducatif – enseignants et parents, décideurs politiques – sont convaincus des vertus du regroupement des élèves par aptitude : non seulement celui-ci serait garant d’efficacité, mais aussi nécessaire – enseigner à des élèves aux aptitudes trop diverses serait impossible. Ces croyances, moins étudiées que celles relatives au redoublement, trouvent une expression emblématique dans la crainte du « nivellement par le bas » : pour beaucoup, il est évident que quand on éduque tous les élèves ensemble, sans filières, sans classes de niveau, les plus faibles tirent les meilleurs vers le bas. Les recherches montrent que cette crainte e


[1] « Studies document considerable overlap of students’ skills and abilities among groups. Thus, the degree to which tracking reduces heterogeneity maybe far less than we typically assume » : Jennie Oakes, Adam Gamoran, Reba N. Page, « Curriculum differentiation : Opportunities, outcomes, and meanings », in P. W. Jackson (Ed.), Handbook of research on curriculum: A project of the American Educational Research Association (pp. 570-608), Macmillan, p. 594.

[2] Robert E. Slavin, « Ability grouping and student achievement in elementary schools: A best-evidence synthesis. », Review of Educational Research, 57 (3), 293-336, 1987.

[3] Robert E. Slavin, « Achievement effects of ability grouping in secondary schools: a best evidence synthesis. », Review of Educational Research, 60, 3, 471-499, 1990.

[4] Robert E. Slavin, « Ability grouping and student achievement in elementary schools: A best-evidence synthesis. », Review of Educational Research, 57 (3), 293-336, 1987.

[5] John Hattie, Visible learning. A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement, Routledge, 2009.

[6] Robert E. Slavin, « Grouping for instruction in the elementary school », Educational Psychologist, 22, 109-127, 1987.

[7] Adam Gamoran, « Standards inequality and ability grouping in school », Center for educational sociology Briefing, 25, 1-4, 2002 ; Alan C. Kerckhoff, « Effects of ability grouping in British secondary schools », American Sociological Review, 51, 842-858, 1986.

[8] « The same teachers taught both high and low level classes; teachers held high expectations for low achieving students, manifested in a refusal to relinquish or dilute the academic curriculum; and teachers made extra efforts to foster oral discourse with low-achieving students » : Adam Gamoran, Ibid., p. 3.

[9] Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives : la France fait-elle les bons choix ?, Presses Universitaires de France, 2007.

[10] Georges Felouzis, Samuel Charmillot, Barbara Fouquet-Chauprade, « Les

Dominique Lafontaine

Chercheuse en Sciences de l'éducation, Professeure émérite à l'université de Liège

Notes

[1] « Studies document considerable overlap of students’ skills and abilities among groups. Thus, the degree to which tracking reduces heterogeneity maybe far less than we typically assume » : Jennie Oakes, Adam Gamoran, Reba N. Page, « Curriculum differentiation : Opportunities, outcomes, and meanings », in P. W. Jackson (Ed.), Handbook of research on curriculum: A project of the American Educational Research Association (pp. 570-608), Macmillan, p. 594.

[2] Robert E. Slavin, « Ability grouping and student achievement in elementary schools: A best-evidence synthesis. », Review of Educational Research, 57 (3), 293-336, 1987.

[3] Robert E. Slavin, « Achievement effects of ability grouping in secondary schools: a best evidence synthesis. », Review of Educational Research, 60, 3, 471-499, 1990.

[4] Robert E. Slavin, « Ability grouping and student achievement in elementary schools: A best-evidence synthesis. », Review of Educational Research, 57 (3), 293-336, 1987.

[5] John Hattie, Visible learning. A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement, Routledge, 2009.

[6] Robert E. Slavin, « Grouping for instruction in the elementary school », Educational Psychologist, 22, 109-127, 1987.

[7] Adam Gamoran, « Standards inequality and ability grouping in school », Center for educational sociology Briefing, 25, 1-4, 2002 ; Alan C. Kerckhoff, « Effects of ability grouping in British secondary schools », American Sociological Review, 51, 842-858, 1986.

[8] « The same teachers taught both high and low level classes; teachers held high expectations for low achieving students, manifested in a refusal to relinquish or dilute the academic curriculum; and teachers made extra efforts to foster oral discourse with low-achieving students » : Adam Gamoran, Ibid., p. 3.

[9] Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives : la France fait-elle les bons choix ?, Presses Universitaires de France, 2007.

[10] Georges Felouzis, Samuel Charmillot, Barbara Fouquet-Chauprade, « Les