Éric Vigne : « Le numérique a bouleversé l’édition mais pas de la manière annoncée »
Durant trente ans, et jusqu’à la fin de l’an passé, Eric Vigne fut responsable du secteur des essais chez Gallimard. Désormais conseiller littéraire de cette maison, il continue de diriger la collection Nrf essais qu’il a créée en septembre 1988, assurément l’une des plus belles collections contemporaines, une collection au sens fort qui, au fil du temps, a notamment, et parmi de très nombreux autres, accueilli des ouvrages de Svetlana Alpers, Luc Boltanski, Vincent Descombes, Jared Diamond, Jürgen Habermas, Axel Honneth, Bruno Karsenti, Thomas Laqueur, Nicole Loraux, Marielle Macé, Philip Pettit, Rainer Rochlitz, Saskia Sassen, Jean-Marie Schaeffer ou Jean Starobinski… En 2008, Eric Vigne avait fait paraître, cette fois comme auteur, Le livre et l’éditeur, l’un des très rares ouvrages réflexif d’un praticien de l’édition qui permettait de bien saisir les enjeux auxquels ce secteur se trouvait, et se trouve encore, confronté. Le rendez-vous annuel du Salon du livre, nous offre le prétexte d’actualité d’une mise à jour de cette réflexion précieuse. SB
Vous avez publié, il y a un peu plus de dix ans, un essai sur votre métier d’éditeur, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’édition depuis ?
Je dirai qu’avant tout l’édition a encore réduit sa part d’autonomie dans le domaine plus large des activités culturelles. Les tendances déjà observables il y a plus de dix ans persistent – à commencer, au plan capitalistique, par le phénomène de la concentration en grands groupes. Ainsi, entre autres, assiste-t-on à la Saison 2 de l’épisode Presses de la Cité. A nouveau rachetées sous le nom d’Editis par un industriel qui entend construire un vaste groupe de communication, l’édition, sans aucune originalité, retrouve son rôle ancillaire de pourvoyeuse de contenus. En conséquence, le phénomène de création de petites structures éditoriales plus inventives à la périphérie, voire à la marge des groupes s’est poursuivi. Rien de vraiment neuf. En revanche, plus imprévus peut-être