Politique

Propos sur le non-discours du président de la République

Juriste

Le président de la République n’a pas diffusé son allocution de clôture du grand débat national. Son contenu, révélé par les médias, montre qu’il était probablement préférable de ne pas s’exprimer plutôt que de parler pour ne rien dire.

L’incendie de la cathédrale Notre-Dame le 15 avril 2019 au soir aura empêché le président de la République de présenter à la Nation ses conclusions personnelles de ce qu’il a appelé le « grand débat national », lequel s’est résumé en pratique en une dizaine de marathons entre le président de la République et divers publics choisis et l’expression de quelque 255 000 contributeurs – chiffre à mettre en rapport avec le nombre des 47 millions d’électeurs – sur la plate-forme internet dédiée.

Dans l’immédiat, malgré l’attente savamment entretenue par le pouvoir sur la « puissance » (Edouard Philippe, le 9 avril 2019 à la tribune de l’Assemblée nationale) des propositions qui allaient être annoncées par le président de la République, on ne saura donc pas comment ce dernier entendait faire en sorte que nous ne reprenions pas « le cours de nos vies », ainsi qu’il s’y était engagé lors de son allocution du 10 décembre 2018.

Celle du 15 avril 2019 ayant été pré-enregistrée, des éléments prêtés à son texte ont circulé dans divers médias qui ont relayé ce que l’on peut appeler un « non-discours », par analogie avec les non-anniversaires célébrés par Lewis Caroll dans Alice au pays des merveilles ou encore avec les « non-papiers » (ou « textes martyrs ») rédigés par les universitaires pour que des observations leur soient portées préalablement à la publication de l’article définitif.

Au fil du quinquennat, on peut non sans quelques raisons être devenu circonspect à l’égard d’un décideur public qui, avant même que le moindre diagnostic soit établi quant à l’étendue des désastres, a assuré au peuple français être en mesure de faire reconstruire la cathédrale de Notre-Dame dans un délai de cinq années, le jour même où la cour administrative d’appel de Paris a annulé sa décision, prise comme ministre de l’économie en 2015, de céder 49,9% des parts de l’aéroport de Toulouse à une société chinoise établie dans des paradis fiscaux.

Mais quand même : le non-discours diffusé par les mé


[1] Passages obligés, qui pourraient être prononcés par n’importe quel président de la République à n’importe quelle époque, sur : la France comme « Nation à part » ; sur la nécessité pour « chacun d’entre nous » de prendre sa part au changement à venir (« il appartient à chacun dans notre rôle de transformer la passion de dire de ces derniers moins en énergie de faire pour notre pays ») ; sur « les mères isolées, si importantes pour nos enfants et pour notre société, (qui) seront mieux protégées et l’État leur garantira les pensions alimentaires dues » ; sur l’impératif de « produire, être forts, conduire un projet agricole, industriel, écologique pour le 21ème siècle » ; sur le fait que « nous allons fixer pour le pays un cap à 2025 et simplifier nos procédures. Les artisans, paysans, entrepreneurs, les salariés, les starts-up y ont leur place. Et c’est maintenant » – maintenant, c’est 2025 ?…

[2] Dans son avis n° 396509 du 18 décembre 2018 sur le projet de loi, le Conseil d’État avait assuré, au sujet de cette exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, que « il ressort des estimations fournies par le Gouvernement que la charge ainsi supportée par l’État au titre de 2018 est minime et ne saurait exiger qu’un projet de loi de finances rectificative soit soumis au Parlement » (para. 13).

[3] Sur la nécessaire réforme de l’ENA, P. Cassia, La République du futur, Libre et solidaire, 2019, p. 348 : « supprimer les trois grands corps de l’État, à tout le moins leur intégration dès la sortie de l’ENA, est le point archimédien de la transformation de notre société ».

[4] « Le manifeste anti-Macron des stratèges de l’Elysée », AOC, 3 avril 2019.

Paul Cassia

Juriste, Professeur de droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

Notes

[1] Passages obligés, qui pourraient être prononcés par n’importe quel président de la République à n’importe quelle époque, sur : la France comme « Nation à part » ; sur la nécessité pour « chacun d’entre nous » de prendre sa part au changement à venir (« il appartient à chacun dans notre rôle de transformer la passion de dire de ces derniers moins en énergie de faire pour notre pays ») ; sur « les mères isolées, si importantes pour nos enfants et pour notre société, (qui) seront mieux protégées et l’État leur garantira les pensions alimentaires dues » ; sur l’impératif de « produire, être forts, conduire un projet agricole, industriel, écologique pour le 21ème siècle » ; sur le fait que « nous allons fixer pour le pays un cap à 2025 et simplifier nos procédures. Les artisans, paysans, entrepreneurs, les salariés, les starts-up y ont leur place. Et c’est maintenant » – maintenant, c’est 2025 ?…

[2] Dans son avis n° 396509 du 18 décembre 2018 sur le projet de loi, le Conseil d’État avait assuré, au sujet de cette exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, que « il ressort des estimations fournies par le Gouvernement que la charge ainsi supportée par l’État au titre de 2018 est minime et ne saurait exiger qu’un projet de loi de finances rectificative soit soumis au Parlement » (para. 13).

[3] Sur la nécessaire réforme de l’ENA, P. Cassia, La République du futur, Libre et solidaire, 2019, p. 348 : « supprimer les trois grands corps de l’État, à tout le moins leur intégration dès la sortie de l’ENA, est le point archimédien de la transformation de notre société ».

[4] « Le manifeste anti-Macron des stratèges de l’Elysée », AOC, 3 avril 2019.