« L’école, c’est un peu comme une prison »
Généralement, ça n’arrive pas tout de suite ; plutôt à la fin de l’entretien, parfois en marge de celui-ci, par exemple quand un chef d’établissement me raccompagne vers la sortie. Les mots sont souvent hésitants, comme si mes interlocuteurs – les adultes surtout – étaient conscients de l’excès, de l’inconvenance de la comparaison.

Ils me parlent des grilles, des barrières, des différents dispositifs de contrôle, des règlements, d’une cour enclavée entre des murs aveugles et soudain les mots jaillissent : « carcéral », « prison », « enfermement »… Les élèves ont moins de retenue. Ainsi Ayman, 9 ans, qui traîne un peu les pieds au retour d’une sortie scolaire : « je profite encore un peu de ma liberté, l’école c’est un peu comme une prison ».
Si l’actualité de ces comparaisons peut surprendre, celles-ci ne sont pas nouvelles. Nombre de récits, notamment dans la seconde moitié du XIXe siècle, témoignent d’un quotidien scolaire, en particulier pour les internes, proche de celui de la détention. Plus récemment, dans les années qui suivent Mai 68, divers intellectuels prennent la plume pour dénoncer l’enfermement et la violence dans nos établissements scolaires. Par exemple, Fernand Oury et Jacques Pain qui en critiquent le « régime carcéral » ou la revue dirigée par Jean-Paul Sartre, Les Temps Modernes, qui consacre un numéro à l’école dans lequel Isaac Joseph, parmi d’autres, dénonce un système répressif global dans son article « Les trois enfermements ».
Bien sûr, nos établissements scolaires ne sont pas des prisons. Ceux et celles avec qui je m’entretiens relativement à mes travaux sur les espaces d’apprentissage le savent et cela explique leur retenue. Pour autant, la mobilisation du champ sémantique carcéral est suffisamment fréquente pour que l’on y prête quelque attention. Qu’est-ce que ces mots nous disent du fonctionnement de nos écoles ? des espaces et des pratiques éducatives ? du « bien-vivre » des élèves et des adultes dans les établissements scol