Société

L’accueil des réfugiés académiques en France : les illusions perdues ?

sociologue, Politiste, Linguiste

Alors que la France se veut terre d’accueil pour les universitaires et artistes en exil, la réalité reste semée d’embûches : à ce jour, nos collègues et étudiants de Gaza attendus depuis des mois n’ont toujours pas pu rejoindre nos établissements. Le 20 juin, au Campus Condorcet, en partenariat avec AOC, l’heure est venue d’interroger nos promesses d’hospitalité, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés.

Fuir la guerre, la répression ou la censure, tout quitter du jour au lendemain pour sauver sa vie, ne pas voir disparaître des pans du savoir accumulés pendant des années, et espérer reconstruire un avenir ailleurs : cette réalité, des milliers de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants la vivent chaque année. Derrière les chiffres anonymes, ce sont des histoires de savoirs menacés, de vocations interrompues, de vies bouleversées. La France aime à se présenter comme une terre d’asile pour les intellectuels en danger, fidèle à une tradition d’accueil et de défense de la liberté de penser. Mais, au-delà des discours, qu’en est-il de cette promesse et quelle est la réalité de cet accueil lorsque les réfugiés universitaires frappent à nos portes ?

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L’histoire de l’exil universitaire ne commence pas avec les crises contemporaines. Dès les années 1930, les universités européennes ont été traversées par des vagues de départs forcés, sous l’effet des dictatures et des purges politiques. Cette mémoire, trop souvent réduite à quelques figures illustres alors qu’elle a concerné des milliers d’intellectuels et d’étudiants, rappelle que la migration des savoirs a toujours été à la fois une blessure et une source de renouveau pour les sociétés d’accueil. Les exils sud-américains des années 1970-80, uruguayens, chiliens, brésiliens ou argentins, ont, par exemple, profondément marqué le paysage intellectuel français, en apportant des regards critiques sur la démocratie, la violence d’État, ou la reconstruction universitaire en contexte autoritaire. Ces trajectoires, loin d’être linéaires, ont souvent été rendues possibles par la mobilisation de réseaux militants, syndicaux et associatifs, qui ont su faire de l’accueil un enjeu politique et non seulement humanitaire.

Depuis 2017, plusieurs dispositifs ont certes vu le jour – le programme PAUSE (Programme d’Accueil en Urgence des Scientifiques et Artistes en Exil), les Diplômes Universitaires Passerelle, le réseau MEnS (Mig


Liora Israël

sociologue, directrice d'études à l'EHESS

Pascale Laborier

Politiste, Professeure à l'Université Paris Nanterre/ISP/Fellow IC MIGRATIONS / Universités en exil -UXIL

Sophie Wauquier

Linguiste, Professeure de Sciences du Langage à l’Université Paris 8, membre du laboratoire Structures Formelles du Langage, Fellow à l’ICM