Politique

Lettre à Thomas Römer, administrateur du Collège de France

Enseignante-chercheuse, écrivaine et critique littéraire

Ce jeudi 13 novembre aurait dû s’ouvrir au Collège de France un colloque consacré à « La Palestine et l’Europe ». Las, l’administrateur de ladite institution en a décidé autrement, cédant à la (petite) campagne médiatique déclenchée en coproduction par un hebdomadaire et une association supposée lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Cédant surtout à l’inacceptable pression du ministre de la recherche. Ici aussi, la trumpisation de l’espace public est en marche.

La justification qui a été apportée en date du 9 novembre – un dimanche ! – à l’annulation du colloque Palestine au Collège de France par son administrateur Thomas Römer est mince. Mince et aussi paradoxale. Censurer un colloque pour possibles risques à l’ordre public en invoquant les libertés académiques : voilà un geste fort et encore inédit jusqu’à ce jour au XXIe siècle et en France.

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Je cite vos propos pour justifier cette annulation, Monsieur Thomas Römer, parce qu’indépendamment du contexte qui les dévoie, j’y souscris pleinement.

« La reconnaissance de la liberté académique constitue l’essence même de notre institution, qui la revendique fièrement depuis presque cinq cents ans »

Je l’ai lue et relue, votre justification d’annulation, pour tenter de la comprendre. Et pas seulement parce que je suis une admiratrice de Thomas Römer dont je lis les travaux de recherche et de vulgarisation en simple lectrice depuis longtemps. Je l’ai lue et relue pour tenter de percer le mystère d’une décision d’autant plus incompréhensible que, prise au nom de la liberté académique, elle paraît rimer avec l’arbitraire le plus total. Je suis restée perplexe, avant de me faire, moi aussi, une opinion – comme tout le monde.

Autant l’écrire ici tout de suite : en dépit de mon admiration pour votre travail, cette opinion vous est défavorable, Monsieur Römer.

Ici, je dois préciser qui je suis avant de vous adresser (brièvement) cette opinion. Je suis moi aussi une enseignante-chercheuse, je suis spécialiste de l’éloquence romantique au XIXe siècle à l’université de Lille, mais je ne suis spécialiste en rien du Proche ou du Moyen-Orient, je ne suis pas historienne même, et je ne parle ni l’arabe ni l’hébreu. Je ne suis d’aucune confession ou d’aucune Église. Je suis aussi écrivaine. Autant dire que mes compétences en matière de conflits armés, d’histoire du Moyen-Orient, des relations diplomatiques entre la France et cette région, sont minces. Il va de soi que je ne suis pas n


[1] « Les murs auraient été recouverts de graffiti et une partie des locaux aurait été incendiée, notamment la médiathèque. Interrogée sur le sujet, une source diplomatique française évoque des « dégradations », sans s’avancer sur l’identité de leurs auteurs. Le tribut payé par l’institut à l’offensive israélienne est surtout humain. », Le Monde, 28 juillet 2024.

Dominique Dupart

Enseignante-chercheuse, écrivaine et critique littéraire, Maîtresse de conférences en Littérature française à l'Université de Lille

Notes

[1] « Les murs auraient été recouverts de graffiti et une partie des locaux aurait été incendiée, notamment la médiathèque. Interrogée sur le sujet, une source diplomatique française évoque des « dégradations », sans s’avancer sur l’identité de leurs auteurs. Le tribut payé par l’institut à l’offensive israélienne est surtout humain. », Le Monde, 28 juillet 2024.