Numérique

Fausses nouvelles en temps d’épidémie : une alliance entre les plateformes et l’État

Sociologue

Alors que les regards étaient tournés vers l’application StopCovid, un discret accord a été passé entre le gouvernement et les GAFA pour le contrôle de l’information en temps de pandémie. Que les pouvoirs publics se soient enfin emparés de la question de la modération des contenus est plutôt une bonne nouvelle. Mais doit-on pour autant laisser seuls décider le gouvernement et les GAFA ? Leur alliance pourrait constituer une sérieuse menace à l’expression publique.

Alors que le gouvernement et les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) semblent en désaccord sur les caractéristiques indissociablement techniques et politiques de l’application de suivi qui pourrait être mise en place pour le déconfinement, une nouveauté apparemment discrète mais potentiellement lourde de conséquence est apparue depuis le début de la crise. Lorsque nous faisons une recherche sur Google ou Qwant, un équivalent européen, sur le Covid-19, les premiers sites proposés sont ceux du gouvernement. Lorsque nous utilisons Facebook ou Twitter, des bandeaux d’accueil sur le coronavirus apparaissent qui renvoient eux aussi à des sites gouvernementaux.

Ces plateformes ont l’habitude de se présenter comme des hébergeurs de données, c’est-à-dire qu’elles se contentent de diffuser des informations envoyées par des utilisateurs, ou de fouiller le Web pour nous proposer les meilleures réponses à notre recherche. Pourtant, elles « poussent » maintenant, de leur propre chef et systématiquement, des ressources qui sont fournies par les autorités publiques. Un accord a été passé entre ces entreprises et le gouvernement pour le contrôle de l’information. Quels sont les enjeux de ce changement et comment a-t-il été opéré ?

La crise du Covid-19 est particulièrement propice à la circulation des fausses nouvelles (ou « fake news »). Même si celles-ci sont mal définies, elles peuvent, par exemple, proposer des traitements contre le virus farfelus ou, pire, nocifs ; prétendre dévoiler des volontés maléfiques derrière l’apparition de la pandémie ; remettre en cause les réglementations sanitaires visant à s’en protéger, etc. Bref, ces nouvelles circulent à grande vitesse sur les plateformes et les réseaux sociaux, et peuvent avoir des conséquences catastrophiques si elles influencent le comportement des utilisateurs, aussi bien au niveau individuel que collectif.

L’appel de Christchurch, lancé en mai 2019 depuis Paris après l’attentat commis en Nouvelle-Zélande, avait permis au


Emmanuel Didier

Sociologue, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre Maurice Halbwachs, un laboratoire de l’ENS et de l’EHESS.