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Sarah T. Roberts : « Les réseaux sociaux entretiennent une liberté d’expression illusoire »

Journaliste

Pendant longtemps, les réseaux sociaux se sont présentés comme des espaces de libre expression totale, sans aucune intervention humaine. Mais récemment, la prolifération des fake news a mis en avant une fonction jusque-là ignorée, celle de modérateur. La chercheuse Sarah T. Roberts s’intéresse à ces travailleurs de l’ombre, qui façonnent en réalité depuis longtemps notre espace public.

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Saraht T. Roberts est chercheuse et enseignante en sciences de l’information à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et s’intéresse depuis longtemps à l’internet social. Elle a ainsi signé une enquête de référence sur les modérateurs du web, traduite et publiée en octobre dernier : Derrière les écrans : Les nettoyeurs du Web à l’ombre des réseaux sociaux (La Découverte), fruit d’une enquête de dix ans. Un travail important car comme, l’affirme Sarah T. Roberts, toute discussion sérieuse sur la nature de l’internet contemporain nécessite d’aborder les processus par lesquels certains contenus créés par les utilisateurs sont autorisés à rester visibles quand d’autres sont supprimés. Il s’agit donc de se demander qui prend cette décision, et selon quels critères. D’autant que, comme l’ont encore une fois montré les dernières élections américaines, il en va de la définition de l’espace public, et donc de l’avenir de la démocratie. RB

Les réseaux sociaux avaient joué un rôle très important dans l’élection de Trump en 2016, puis évidemment dans sa pratique du pouvoir. En 2020, leur rôle est beaucoup moins évoqué, sauf de la part de Donald Trump lui-même, qui a accusé les « Big Tech » d’être de parti pris lorsque plusieurs de ses messages ont été signalés comme faux ou pouvant induire en erreur. Est-ce le résultat d’une prise de conscience, de la part des réseaux sociaux, d’une nécessaire modération de la parole et notamment des fake news ?
C’est difficile à dire. Pour commencer, et mettre en perspective l’accusation de censure de Donald Trump à l’encontre des prétendus Big Tech le soir de l’élection, je citerais une étude publiée il y a deux ans par la chercheuse Sarah Myers West intitulée « Censored, Suspended, Shadowbanned : Researching User Experiences of Content Moderation on Social Media Platforms » (New Media & Society). Cet article s’appuie sur plusieurs centaines d’entretiens avec des personnes qui ont vu leurs publications supprimées parce qu’


Raphaël Bourgois

Journaliste