Médias

Fusion TF1 / M6 : la grande illusion

Économiste, Avocat

Le 17 mai dernier, le projet de rachat de M6 par TF1 a été officialisé. Une fusion entre « la petite chaîne qui monte » et la première chaîne française qui nous est présentée partout comme inéluctable. À en croire la campagne de communication, il en irait de la survie de ces médias. Dans ce nouveau texte en échos au podcast Public Pride, les auteurs montrent que la réalité est loin d’être aussi simple. Elle peut même légitimement susciter l’inquiétude quand des acteurs publics soutiennent la nécessité de créer des acteurs audiovisuels forts, sans créer les garde-fous qui permettraient de protéger les journalistes face à l’ingérence de l’actionnariat.

Parole aux mastodontes pour commencer, et présentation des acteurs en présence : deux groupes à la capitalisation boursière à neuf zéros : 1,8 milliard d’euros pour le groupe TF1 et 2,2 milliards pour le groupe M6. Ce dernier, contrôlé jusqu’alors par le groupe allemand Bertelsmann, a été mis en vente fin 2020, suscitant de nombreuses convoitises.

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Des candidatures aussi variées que celles de Vivendi (Vincent Bolloré [1]), Czech Media Invest (Daniel Kretinsky [2]), Mediawan (Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse [3]), Mediaset (Silvio Berlusconi), NRJ Group (Jean-Paul Baudecroux), ou encore Altice (Patrick Drahi [4]) ont été évoquées, laissant au vendeur l’embarras du choix. Au final, c’est donc TF1 qui a été choisi, Bertelsmann ayant annoncé au mois de mai 2021 son souhait de céder 30 % du capital de M6 à Bouygues pour 641 millions d’euros, Bouygues devenant de ce fait l’actionnaire de contrôle [5].

Spécificité très française, la presse s’est fait l’écho de l’opération en précisant que TF1 aurait été « le choix privilégié par l’Elysée ». La ministre de la Culture elle-même a par ailleurs laissé entendre qu’elle serait favorable à l’opération, en arguant de la nécessité de créer des « acteurs forts » dans l’audiovisuel. En France, le contrôle des concentrations ne relève pourtant plus du pouvoir exécutif (ce dont on peut se réjouir), puisqu’en 2008, le Parlement a transféré cette prérogative du ministère de l’Économie à l’Autorité de la concurrence, qui est une autorité administrative indépendante du pouvoir politique [6]. Ce transfert de compétence visait précisément à mettre un terme aux ingérences politiques sur un sujet aussi technique qu’essentiel pour le bon fonctionnement de l’économie, mais certaines vieilles habitudes demeurent.

Il reviendra ainsi à l’Autorité de la concurrence, après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), de décrypter les arguments avancés par TF1 pour déterminer si cette opération est de nature à affecter la concurrence d’une part, et le pluralisme d’expression d’autre part. Cette fusion pose en effet des difficultés juridiques sérieuses, puisque la création d’une situation de quasi-monopole sur le marché de la télévision privée fait courir un risque économique d’abus de position dominante et un risque plus général de rétrécissement de la liberté de communication des pensées et des opinions.

Une fusion de bon sens ?

La fusion envisagée ferait naître un géant audiovisuel fort d’un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros et d’un résultat opérationnel de 461 millions, regroupant dix chaînes de télévision (dont trois devront être vendues du fait des règles encadrant le pluralisme de l’audiovisuel) et plus d’un tiers de l’audience totale, sans compter 75 % du marché publicitaire de la télévision française…

À en croire les déclarations des acteurs concernés, ce rapprochement ne ferait même pas débat. Pour présenter cette opération comme inéluctable, les forces en présence avancent que la création d’un groupe audiovisuel d’une taille critique permettait de réaliser des économies d’échelle, et de peser dans la concurrence face aux GAFA d’une part, et aux plateformes de streaming de l’autre. Plus encore, ils insinuent qu’il en irait de la survie de leurs chaînes, oubliant au passage de rappeler leur santé financière qui reste prospère [7].

Cette communication habile vise en réalité à anticiper le débat qui aura lieu devant l’Autorité de la concurrence. Toute la bataille qui se joue porte en effet sur la notion de « marché pertinent ». Si la télévision gratuite privée française est considérée comme un marché autonome, alors la fusion engendre une situation de quasi-monopole et le rapprochement ne pourra pas être autorisé.

L’intérêt du groupe TF1 est en conséquence de convaincre qu’il est un concurrent des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et des plateformes de streaming (Netflix, Disney, Amazon Prime), afin d’être perçu comme un acteur de petite taille sur le grand marché mondial de la diffusion de programmes vidéo, plutôt qu’un acteur quasi-monopolistique sur le petit marché français de la télévision.

Concernant les chaînes de télévision, on pourrait penser que la définition de ce « marché pertinent » serait relativement évidente, couvrant simplement l’ensemble des chaînes en jeu. Et de facto aujourd’hui en France, en matière d’audiovisuel, les règles limitant la concentration des médias reposent sur l’audience des chaînes. En particulier, une personne ne peut posséder plus de 49 % du capital d’un service de télévision privé dont l’audience est supérieure à 8 % de l’audience totale des services de télévision.

En droit, le marché pertinent se définit toutefois « comme le lieu théorique où se rencontrent l’offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts [8] ».

En s’appuyant sur cette notion, l’Autorité de la concurrence distingue plusieurs « marchés pertinents » qui s’appliquent à des chaînes comme TF1 ou M6, et examine la situation concurrentielle sur chacun d’entre eux. L’Autorité estime ainsi que les chaînes de télévision gratuites interviennent sur deux marchés principaux : le marché de la publicité (où les chaînes sont en position de vendeur) et le marché de l’acquisition des droits de diffusion de contenus audiovisuels (où les chaînes sont en position d’acheteur [9]). La réussite de la fusion TF1/M6 dépend donc du caractère restrictif ou extensif de la définition qui sera donnée par l’Autorité de la concurrence à ces deux marchés, qu’il convient d’analyser successivement.

Vendre plus cher du temps de cerveau disponible

L’un des arguments mis en avant dans le cadre de cette fusion est celui de la nécessité de créer un acteur plus fort sur le plan publicitaire, capable de vendre aux annonceurs des espaces publicitaires, à savoir ce qu’un ancien dirigeant de TF1 avait qualifié de « temps de cerveau humain disponible [10] ». L’argument peut étonner quand on sait qu’à elles-deux, TF1 et M6 pèsent 75 % du marché publicitaire de la télévision, chiffre qui s’explique en l’occurrence par le recours limité à la publicité sur les chaînes publiques [11].

Reconnaissons pour commencer que le marché de la publicité télévisuelle s’est déjà mieux porté, d’autant que la crise de la Covid-19 l’a fortement ralenti pendant plusieurs mois. Si la télévision résiste beaucoup mieux sur ce marché que d’autres médias – à commencer par la presse – la télévision a perdu 9 % de ses revenus publicitaires en dix ans. Il n’en demeure pas moins que cette part de marché considérable de 75 % est de nature à conférer au groupe fusionné ce que l’on appelle en droit de la concurrence une « position dominante ».

D’après la Cour de justice de l’Union européenne, une position dominante est en effet « une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause ». L’acquisition potentielle d’une telle position fait juridiquement obstacle au rapprochement entre deux sociétés.

Le contre-argument de TF1 consiste à dire qu’un annonceur qui achète un espace publicitaire en 2021 ne choisit plus seulement son emplacement entre quelques chaînes de télévision, mais entre tous les acteurs capables de vendre des espaces publicitaires vidéos, y compris les acteurs digitaux qui vendent de la publicité en ligne (YouTube, Facebook, Twitter, Brut, Konbini, etc.). TF1 serait ainsi un concurrent des GAFA, des médias vidéo en ligne, et plus largement de tous les acteurs de l’Internet qui vendent des espaces publicitaires vidéos.

Ce que TF1 ne dit pas cependant, et qui est pourtant le principal obstacle de son rapprochement avec M6, c’est que la question de la pertinence d’une distinction entre le marché de la publicité télévisuelle et celui de la publicité en ligne a déjà été tranchée par l’Autorité de la concurrence, et ce à plusieurs reprises. Nous nous permettrons donc de rappeler ces décisions ici.

À l’occasion du rachat – déjà par TF1 – en 2010 des chaînes de télévision TMC et NT1 (devenue TFX), l’Autorité avait en effet constaté « qu’avec près de 50 % de parts de marché, le groupe TF1 gardait une position dominante sur ce marché [de la publicité] qui ne pourrait être que renforcée par l’acquisition, dans la mesure où, si TMC et NT1 ont pour le moment des parts de marché très faibles (moins de 2 % au total), leur potentiel de croissance apparaît important », estimant « que le média télévision restait pour les annonceurs non substituable à d’autres formes de publicité, notamment sur Internet ».

Ironie de l’histoire, cette décision avait à l’époque été contestée par un certain… Nicolas de Tavernost, actuel président du groupe M6, annoncé à la tête du futur ensemble fusionné, qui arguait à l’époque que l’acquisition de TMC et NT1 conférait à TF1 une position dominante [12]. L’Autorité de la concurrence, dont la décision fut validée par le Conseil d’État, autorisa toutefois cette transaction sous plusieurs conditions.

La persistance d’un marché distinct de la publicité audiovisuelle fut confirmée neuf ans plus tard par l’Autorité de la concurrence lors de la décision dite SALTO [13], décision autorisant la création d’une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision (nous y reviendrons). L’Autorité souligne dans cette décision qu’« il y a lieu de distinguer la publicité télévisuelle des autres marchés de la publicité (cinéma, presse, radio, affichage, internet, etc.) ». De manière intéressante, l’Autorité fait reposer son argumentation sur une décision de la Commission européenne (décision Google/DoubleClick), qui « a considéré que la publicité en ligne et la publicité hors ligne constituaient deux marchés distincts. Elle a notamment relevé la spécificité en termes de ciblage de la publicité en ligne et la différence en termes de tarification entre les deux marchés ».

Bien sûr, TF1 comme M6 ne peuvent ignorer ces décisions passées de l’Autorité de la concurrence auxquelles les deux groupes ont participé. La campagne de communication autour de la fusion annoncée, si elle était aussi à destination du grand public, est ainsi surtout menée à des fins politiques, pour pousser l’Autorité à modifier ses opinions. On ne peut que se réjouir de ce point de vue de l’indépendance dont a fait preuve cette institution au cours des dernières années, en particulier en la personne de sa présidente, Isabelle de Silva.

Notons de plus que l’Autorité a également récemment su faire preuve de flexibilité pour justement prendre en compte les difficultés des médias traditionnels sur le marché publicitaire. L’Autorité s’est d’ailleurs prononcée avec bienveillance sur la création par plusieurs organes de presse d’alliances publicitaires, comme Gravity (plateforme de commercialisation de segments d’audience et d’achats d’espaces publicitaires qui a été lancée à l’initiative de Lagardère (Les Échos, SFR Group et Solocal Group) ou Skyline (alliance entre Le Monde et Le Figaro), afin d’être mieux armés face à la concurrence des plateformes (ce qui est loin d’être le cas partout dans le monde ; ainsi aux États-Unis, l’Alliance de la presse demande en vain depuis plusieurs années à être autorisée à négocier conjointement face aux plateformes).

De plus, l’Autorité de la concurrence n’a cessé de s’inquiéter légitimement au cours des dernières années quant au fait que le marché publicitaire en ligne soit dominé par Facebook et Google qui, du fait de leur utilisation des données personnelles, captent la quasi-intégralité de ce marché. Elle vient d’ailleurs de sanctionner Google pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs des sites en ligne et applications mobiles.

Enfin, toujours sur le marché publicitaire, les chaînes ont obtenu de nombreux avantages au cours des derniers mois, dont on peut d’ailleurs interroger les bénéfices du point de vue des consommateurs. Elles ont ainsi été autorisées par un décret du 6 août 2020 à avoir recours à la publicité segmentée, c’est-à-dire à la possibilité d’afficher des publicités individualisées [14].

Pour conclure, un rapprochement de TF1 et M6 est susceptible de créer une situation de position dominante sur le marché de la vente d’espaces publicitaires à la télévision, risque qui est d’ailleurs dénoncé par ses premières victimes potentielles que sont les annonceurs, qui peuvent souhaiter « éviter la création d’un nouveau monopole pour prévenir les risques de fixation arbitraire des prix ». Cette fusion, si elle était validée, devrait toutefois également faire d’autres perdants, à commencer par les producteurs de contenus qui subiront la position dominante de TF1/M6 sur un autre marché : celui de l’acquisition des droits de diffusion des contenus audiovisuels.

Acheter des contenus moins chers

La fusion TF1/M6 donnerait naissance à un acteur ayant une force de frappe considérable pour acquérir des contenus audiovisuels : films, séries, documentaires, reportages, dessins animés, talk shows, télé-réalité, jeux télévisés, événements sportifs, etc.

Cette situation inquiète les producteurs, qui sont d’ailleurs loin de se mêler à l’optimisme général autour de cette fusion, craignant que le rapprochement ne tire vers le bas le prix d’acquisition de certains programmes (ainsi que le pluralisme des programmes qu’ils peuvent offrir aux téléspectateurs).

Le Syndicat des producteurs créateurs de programmes audiovisuels a d’ailleurs souligné que « cette fusion soulève de nombreuses questions pour le secteur audiovisuel, à l’équilibre si fragile. TF1 et M6, ce sont des millions d’investissements annuels dans les programmes audiovisuels créés par les producteurs indépendants. Avec le développement d’un « pôle de production » comme une des cinq priorités du projet industriel présenté, c’est toute la filière audiovisuelle qui va être impactée avec un risque important pour la diversité de la création et pour les 100 000 salariés employés dans la production audiovisuelle [15]. » Une victime collatérale seraient par ailleurs les citoyens, qui risqueraient de souffrir d’une production affaiblie.

Cette préoccupation n’est pas récente, puisque l’Autorité de la concurrence s’en inquiétait déjà en 2010 : « l’Autorité a constaté que le groupe TF1 dispose d’ores et déjà de positions fortes en tant qu’acheteur : la chaîne acquiert environ 40 % des films tant états-uniens que français diffusés à la télévision, près de 40 % des fictions françaises réalisées pour la télévision et 45 % des séries états-uniennes récentes. »

Pour contrer cette argumentation, TF1 avance que le marché de l’acquisition des contenus audiovisuels a changé depuis dix ans, du fait de l’apparition des plateformes de streaming (ou visionnage de contenus vidéo à la demande – subscription video on Demand, SVOD), qui tire vers le haut le prix d’acquisition de certains programmes de fiction et également des manifestations sportives (un exemple est notamment donné par l’acquisition par Amazon Prime d’une partie des droits de diffusion de Roland Garros ou encore du championnat français de football).

Depuis plusieurs années, l’explosion du streaming – encore accentuée au cours des derniers mois par la crise sanitaire et les confinements successifs – a en effet profondément bousculé les habitudes de consommation télévisuelle, avec une délinéarisation croissante des modes de consommation, mais également un recul du temps passé par les téléspectateurs devant les chaînes traditionnelles – ce recul a toutefois ralenti en 2020 du fait des confinements.

Le marché du streaming est très largement dominé par des acteurs internationaux, à commencer par Netflix, plateforme de streaming illimité par abonnement arrivée en France en 2014 et qui représenterait aujourd’hui, selon les chiffres du Centre national du cinéma (CNC), 45 % des parts de marché, suivi d’Amazon Prime (21 %) et de Disney+ (16 %). Cela n’a pas manqué de créer des inquiétudes quant à l’« exception culturelle » française, mais également quant à la survie de la « télévision à la papa », TF1 et M6 en tête.

Afin d’analyser la situation concurrentielle entre ces plateformes et la télévision, l’Autorité de la concurrence procède traditionnellement en segmentant le marché en fonction des types de contenus audiovisuels. Si on s’intéresse par exemple à l’acquisition des droits sportifs, la concurrence entre les chaînes de télévision gratuites et payantes et les plateformes de streaming est indéniable, les téléspectateurs se plaignant d’ailleurs que des événements populaires ne soient plus accessibles sur la télévision gratuite.

Si l’on s’intéresse à l’acquisition d’œuvres de fiction, la mise en concurrence est plus discutable, les différents médiums n’achetant pas forcément le même type de programmes. Ainsi, TF1 et Netflix pourront se battre pour acheter les droits d’une série états-unienne récente, mais cela ne sera certainement pas le cas pour acheter les droits de diffusion d’un programme comme Julie Lescaut ou d’un téléfilm destiné au seul marché français.

Enfin et concernant tous les autres programmes (reportages, dessins animés, talk shows, télé-réalité, jeux télévisés, etc.), la concurrence entre les chaînes françaises et les plateformes de streaming semble inexistante, de telle sorte que la fusion TF1/M6 créerait une position dominante assez évidente sur ce marché, ce qui est un sérieux obstacle au rapprochement.

Acquérir une taille critique

Nous avons vu qu’en l’état actuel de la jurisprudence de l’Autorité de la concurrence, la fusion entre TF1 et M6 est de nature à créer une position dominante sur au moins deux marchés, à savoir la publicité et l’acquisition de programmes audiovisuels. Une taille « critique », certes, mais pour les annonceurs et les producteurs, pas au sens où les deux mastodontes voudraient nous le faire entendre.

Pour essayer de sortir du cadre juridique, les prétendants à la fusion ont choisi de politiser le débat, en invoquant un argument « patriotique », à savoir que l’intérêt de la France commanderait que ses chaînes de télévision acquièrent une taille suffisante pour concurrencer les plateformes de streaming états-uniennes.

Il nous est ainsi proposé de comparer la capitalisation boursière de TF1 et de M6 (environ 2 milliards d’euros chacun) à celle de Netflix (220 milliards de dollars), de Disney (310 milliards de dollars) ou encore d’Amazon (1 661 milliards), pour en déduire que face à ces géants états-uniens, aucune des chaînes françaises prise individuellement ne pourrait faire le poids, et qu’il serait urgent qu’elles unissent leurs forces.

On oublie toutefois au passage de souligner que les marchés ne sont pas les mêmes (c’est un peu comme si l’on s’étonnait que le PIB total de la France soit bien inférieur à son équivalent outre-atlantique, sans prendre en compte le nombre d’habitants). Peu importe, l’argument est tout trouvé, et tant pis si en additionnant les capitalisations de TF1 et M6 (4 milliards d’euros) on n’arrive même pas à 2 % de celle de Netflix ; il est plus facile de faire l’économie des statistiques.

Cette argumentation est d’autant plus étonnante que TF1 et M6 ont déjà uni leurs forces (également avec France Télévisions) pour créer une plateforme de streaming. C’est le projet Salto qui a d’ailleurs été autorisé par l’Autorité de la concurrence, et qui permet de proposer aux téléspectateurs les catalogues de TF1, France Télévisions et M6 réunis.

Alors certes, TF1 et M6 prétendent que Salto ne fonctionne pas – et de fait les chiffres sont plus que décevants. Mais comment s’étonner que les citoyens ne se bousculent pas pour payer un abonnement à une plateforme qui diffuse en ligne des programmes déjà disponibles gratuitement en replay sur les différentes chaînes ? La force des plateformes telles que Netflix ou Disney+, c’est justement de produire des contenus qu’elles diffusent en exclusivité. Mais rien n’empêche aujourd’hui Salto – indépendamment de toute fusion entre TF1 et M6 – d’en faire autant [16].

Soyons précis : il ne s’agit ici nullement pour nous de dire qu’il ne serait pas utile de favoriser l’émergence d’un champion français ou européen du streaming ; il semble au contraire urgent de réfléchir à la mise en place concrète d’une telle alternative. Mais cela n’implique pas nécessairement de créer un acteur hégémonique sur le marché de la télévision. D’ailleurs, même unies, TF1 et M6 n’auront pas les épaules pour venir inquiéter Netflix et autres Amazon Prime. C’est à plus grande échelle, et précisément sur le marché de la SVOD, qu’il est urgent de réfléchir à des stratégies d’alliance et d’investissement.

Enfin, cela ne veut pas dire non plus ici que ces plateformes de streaming ne devraient pas être régulées ; il est urgent qu’elles le soient, et on ne peut que regretter que les tentatives de régulation en ce sens soient restées très timides ces dernières années. Ainsi, si on ne peut que se féliciter que le décret Services de médias audiovisuels à la demande, dit « Smad », ait rendu obligatoire pour les plateformes de financer des œuvres françaises, il a dans le même temps raccourci le délai de diffusion des films par ces mêmes plateformes prévu dans la version initiale du texte (au final, une plateforme investissant 20 % de son chiffre d’affaires en France dans la production d’œuvres françaises et européennes pourra diffuser des films à partir du douzième mois). Mais ce n’est pas parce que ces plateformes sont insuffisamment régulées qu’il faut déréguler davantage le marché de la télévision privée. Cela reviendrait à apporter une solution mauvaise de tous points de vue à un problème réel.

Des inquiétudes pour le pluralisme d’expression, et pour les équipes

Au-delà des questions économiques, que nous venons d’exposer, le rapprochement entre les groupes TF1 et M6 suscite des inquiétudes sur la possibilité de maintenir un pluralisme d’expression sur la télévision et la radio française. Le groupe fusionné disposera en effet de dix chaînes de télévision (dont trois devront être cédées), ainsi que de trois stations de radio (RTL, RTL2 et Fun Radio), ce qui lui donnera un poids considérable dans l’expression des pensées et des opinions en France.

En 1986, le Conseil Constitutionnel a pourtant établi qu’en matière de communication audiovisuelle (télévision et radio) « le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; [et] que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ». Le Conseil estimait ainsi comme essentiel que les citoyens bénéficient de « programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents ».

En l’occurrence, la fusion entre les groupes TF1 et M6 donnera naissance à un géant de la télévision à côté duquel les téléspectateurs n’auront plus le choix qu’entre les chaînes publiques et celles contrôlées par le groupe Bolloré (Canal+, C8, et CNews). Il n’y aura donc en France quasiment plus que deux groupes privés dans la télévision, dont un (Bolloré) est connu pour ses positions politiques pour le moins conservatrices (et qui s’étendent petit à petit aujourd’hui à Europe 1, sans que le régulateur ne s’en préoccupe, malgré la grève lancée par la rédaction pour préserver son indépendance).

La fusion TF1/M6 devrait par ailleurs aboutir à un rapprochement entre les principales rédactions des deux groupes, à savoir celles de TF1/LCI d’une part et celles de M6/RTL de l’autre. Au-delà de la question du pluralisme, on peut s’inquiéter pour l’avenir des rédactions. Celle de M6, qui compte aujourd’hui environ 80 journalistes à la rédaction nationale, fera-t-elle le poids face aux 400 journalistes de TF1, ou doit-on s’attendre à ce que les uns soient sacrifiés sur l’autel des autres ? Plus largement, on évoque des rendements d’échelle et des synergies [17] ; combien de postes sur les 1000 salariés que compte actuellement M6 et les 1500 de TF1 seront-ils au final supprimés ? Comme il est étonnant que cette dimension du débat soit passée à la trappe de la campagne de communication menée tambour battant par les deux chaînes !

De la même manière, les programmes d’informations et les débats politiques portés par des émissions telles que Quotidien (TMC), Le Grand Débat (RTL), Le Débat (LCI), etc. dépendront toutes des mêmes donneurs d’ordre. À nouveau au détriment du pluralisme et de la liberté d’informer.

Bien entendu, cela ne veut pas dire que l’actionnaire du groupe fusionné (Bouygues) cherchera nécessairement à s’ingérer dans la fabrication des contenus éditoriaux et/ou à censurer les contenus qui lui déplairont. Il n’en demeure pas moins que cela crée la possibilité qu’il le fasse à grande échelle et sur un nombre de chaînes important, ce qui rendra encore plus difficile pour les journalistes de lutter contre de telles interférences [18].

À l’heure où la prise de contrôle par Vincent Bolloré de Canal+, de C8, de CNews et plus récemment d’Europe 1 rappelle l’absence de garde-fous institutionnels et la fragilité des journalistes face à l’ingérence actionnariale, cette situation est de nature à créer des inquiétudes légitimes.

Dès lors que la fusion TF1/M6 aura été approuvée par l’Autorité de la concurrence, rien n’interdira en effet à la famille Bouygues de revendre sa participation de contrôle dans le groupe fusionné à un autre actionnaire, qui pourra être bien plus interventionniste qu’elle. Il ne s’agit donc pas d’évaluer si le groupe Bouygues est ou non respectueux de l’indépendance éditoriale aujourd’hui, mais de savoir si cette situation d’hyper concentration des médias n’est pas de nature à créer une position hégémonique, dont un actionnaire pourrait un jour abuser, non seulement d’un point de vue économique mais également d’un point de vue politique.

Au-delà des enjeux économiques, le rapprochement entre M6 et TF1 nous ramène ainsi à la nécessité de refonder les règles qui encadrent aujourd’hui le pluralisme dans le secteur audiovisuel en France. Ces règles n’ont de fait pas été véritablement repensées depuis 1986 ! Cela doit également selon nous être l’occasion de repenser les obligations des différentes chaînes de télévision.

On ne le dit pas assez, mais les fréquences audiovisuelles sont de fait une ressource rare, d’où le fait que leur attribution soit régulée. Il nous semble urgent de renforcer les obligations qui s’imposent aujourd’hui à ces chaînes, et nous avons d’ailleurs fait des propositions en ce sens dans notre livre. Si nous devions faire un pari aujourd’hui, c’est que cette fusion ne se fera pas. Mais ce pari reste celui du droit, et le politique a souvent ses raisons que la raison ignore.

NDLR : Julia Cagé et Benoît Huet ont récemment fait publier L’information est un bien public : Refonder la propriété des médias, aux éditions du Seuil.

Ce texte fait partie d’une série engagée par AOC, en partenariat avec le podcast Public Pride, autour des différentes occurrences des mots du public, le brouillage de la frontière public-privé et le coût démocratique de ces évolutions. Ce texte s’appuie sur le quatrième épisode du podcast, à écouter ici, dans lequel Julia Cagé évoque “le financement public de la démocratie”.

 


[1] Vincent Bolloré contrôle, via sa participation de 27 % dans Vivendi, CNews, Canal+ et C8, et il est sur le point de contrôler, via la participation de 27 % de Vivendi dans Lagardère, Europe 1, Le Journal du Dimanche et Paris Match.

[2] Daniel Kretinsky a récemment acquis Marianne, la quasi-totalité des magazines de Lagardère Active et est également entré au capital du groupe Le Monde.

[3] Xavier Niel et Matthieu Pigasse sont actionnaires du groupe Le Monde via différentes sociétés. Xavier Niel contrôle également notamment France Antilles, Nice Matin, et La Provence.

[4] Patrick Drahi détient via le groupe Altice/SFR, BFMTV, RMC et il contrôle également Libération (via un fonds de dotation).

[5] Contrairement à ce qui avait été initialement envisagé – du moins par les commentateurs – RTL Group conserve au final 16 % du capital de M6, très probablement afin de faciliter les négociations auprès de l’Autorité de la concurrence.

[6] Même si l’Autorité de la concurrence a su faire preuve d’indépendance depuis sa création, il est utile de préciser que cinq des 17 membres de son « Collège », sont désignés directement par le pouvoir exécutif, en l’occurrence son président (qui est traditionnellement un conseiller d’état) et ses quatre vice-présidents.

[7] Le chiffre d’affaires des deux groupes a connu une baisse en 2020 du fait de la baisse des dépenses publicitaires dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, mais les chiffres du premier trimestre 2021 montrent que cette situation était purement conjoncturelle (croissance de 3,2 % du chiffre d’affaires du groupe TF1 au premier trimestre 2021, chiffre d’affaires stable pour M6 hors effets de déconsolidation).

[8] Cour d’appel de Paris, 17 juin 1992 : RJDA 1992, n° 843.

[9] L’Autorité de la concurrence estime également que le marché de la télévision payante (sur abonnement comme Canal+) n’est pas substituable à celui de la télévision gratuite (qui fonctionne uniquement avec la publicité comme TF1 et M6). L’Autorité de la concurrence considère donc que la vente d’abonnements pour la télévision payante est un marché autonome et qu’il n’existe pas de marché dit « aval » en matière de télévision gratuite (puisqu’il n’y a pas d’abonnés). Décision n° 19-DCC-157 du 12 août 2019.

[10]  « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », Les Dirigeants face au changement, Patrick Le Lay, Éditions du Huitième jour, 2004.

[11] « Le temps consacré à la diffusion de la publicité sur France 2 et France 3, par exemple, ne peut être supérieur à six minutes par heure d’antenne en moyenne quotidienne, sans pouvoir dépasser huit minutes pour une heure donnée. Chaque écran de messages publicitaires est limité à quatre minutes. Et de 20 heures à 6 heures, les chaînes publiques ne diffusent plus d’écrans publicitaires. Sur TF1 et M6, en revanche, la durée moyenne quotidienne des messages publicitaires est également de six minutes par heure, mais ces deux chaînes peuvent diffuser jusqu’à douze minutes de publicité pour une heure donnée, et ce, toute la journée ». Source : CSA.

[12] La société M6 estimait que « les effets concurrentiels qu’elle avait identifiés sur les marchés des droits et sur le marché de la publicité télévisuelle devaient la conduire, selon elle, à interdire l’opération ». Arrêt du Conseil d’État n° 338197 du 30 décembre 2010.

[13]> L’Autorité de la concurrence avait également retenu cette distinction en 2014 dans sa décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus. Décision n° 19-DCC-157 du 12 août 2019, §128.

[14] Jusqu’à présent, les régies télévisées étaient contraintes par le décret du 27 mars 1992 à diffuser leurs spots publicitaires sur l’ensemble de leur zone de diffusion.

[15] Cité dans La Correspondance de la presse n° 18181, 20 mai 2021.

[16] Alors que TF1 et M6 ont annoncé projeter de créer leur propre offre de SVOD et une plateforme commune basée sur MyTF1 et 6Play, on ne peut d’ailleurs que s’inquiéter pour l’avenir de Salto, France Télévisions apparaissant d’une certaine manière comme le dindon de la farce (le groupe de télévision publique ayant porté une grande partie de l’investissement de Salto, dont une partie des technologies risquent d’être appropriées par ces nouvelles offres qui l’exclurait de fait).

[17] Lors de la présentation de ses résultats trimestriels le 20 mai 2021, le groupe Bouygues a indiqué qu’il s’attendait à ce que l’opération entraîne des synergies annuelles de « 250 millions à 300 millions d’euros à l’issue des trois premières années de la transaction ». Voir La Correspondance de la presse n° 18182, 21 mai 2021.

[18] Les journalistes sont protégés en droit français depuis 1935 par la « clause de cession », qui leur permet de quitter de leur propre initiative un média, tout en percevant des indemnités de licenciement, lorsque le média qui les emploie est cédé à un nouveau propriétaire. Mais pour qu’une telle disposition soit de fait effective, encore faut-il qu’il soit relativement facilement possible pour un journaliste de trouver un autre média prêt à l’employer. Or, avec un paysage médiatique de plus en plus concentré, une telle possibilité se réduit à peau de chagrin.

Julia Cagé

Économiste, Professeure à Sciences Po Paris

Benoît Huet

Avocat, Enseignant en droit des sociétés et droit des médias à l'Essec Business School

Notes

[1] Vincent Bolloré contrôle, via sa participation de 27 % dans Vivendi, CNews, Canal+ et C8, et il est sur le point de contrôler, via la participation de 27 % de Vivendi dans Lagardère, Europe 1, Le Journal du Dimanche et Paris Match.

[2] Daniel Kretinsky a récemment acquis Marianne, la quasi-totalité des magazines de Lagardère Active et est également entré au capital du groupe Le Monde.

[3] Xavier Niel et Matthieu Pigasse sont actionnaires du groupe Le Monde via différentes sociétés. Xavier Niel contrôle également notamment France Antilles, Nice Matin, et La Provence.

[4] Patrick Drahi détient via le groupe Altice/SFR, BFMTV, RMC et il contrôle également Libération (via un fonds de dotation).

[5] Contrairement à ce qui avait été initialement envisagé – du moins par les commentateurs – RTL Group conserve au final 16 % du capital de M6, très probablement afin de faciliter les négociations auprès de l’Autorité de la concurrence.

[6] Même si l’Autorité de la concurrence a su faire preuve d’indépendance depuis sa création, il est utile de préciser que cinq des 17 membres de son « Collège », sont désignés directement par le pouvoir exécutif, en l’occurrence son président (qui est traditionnellement un conseiller d’état) et ses quatre vice-présidents.

[7] Le chiffre d’affaires des deux groupes a connu une baisse en 2020 du fait de la baisse des dépenses publicitaires dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, mais les chiffres du premier trimestre 2021 montrent que cette situation était purement conjoncturelle (croissance de 3,2 % du chiffre d’affaires du groupe TF1 au premier trimestre 2021, chiffre d’affaires stable pour M6 hors effets de déconsolidation).

[8] Cour d’appel de Paris, 17 juin 1992 : RJDA 1992, n° 843.

[9] L’Autorité de la concurrence estime également que le marché de la télévision payante (sur abonnement comme Canal+) n’est pas substituable à celui de la télévision gratuite (qui fonctionne uniquement avec la publicité comme TF1 et M6). L’Autorité de la concurrence considère donc que la vente d’abonnements pour la télévision payante est un marché autonome et qu’il n’existe pas de marché dit « aval » en matière de télévision gratuite (puisqu’il n’y a pas d’abonnés). Décision n° 19-DCC-157 du 12 août 2019.

[10]  « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », Les Dirigeants face au changement, Patrick Le Lay, Éditions du Huitième jour, 2004.

[11] « Le temps consacré à la diffusion de la publicité sur France 2 et France 3, par exemple, ne peut être supérieur à six minutes par heure d’antenne en moyenne quotidienne, sans pouvoir dépasser huit minutes pour une heure donnée. Chaque écran de messages publicitaires est limité à quatre minutes. Et de 20 heures à 6 heures, les chaînes publiques ne diffusent plus d’écrans publicitaires. Sur TF1 et M6, en revanche, la durée moyenne quotidienne des messages publicitaires est également de six minutes par heure, mais ces deux chaînes peuvent diffuser jusqu’à douze minutes de publicité pour une heure donnée, et ce, toute la journée ». Source : CSA.

[12] La société M6 estimait que « les effets concurrentiels qu’elle avait identifiés sur les marchés des droits et sur le marché de la publicité télévisuelle devaient la conduire, selon elle, à interdire l’opération ». Arrêt du Conseil d’État n° 338197 du 30 décembre 2010.

[13]> L’Autorité de la concurrence avait également retenu cette distinction en 2014 dans sa décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus. Décision n° 19-DCC-157 du 12 août 2019, §128.

[14] Jusqu’à présent, les régies télévisées étaient contraintes par le décret du 27 mars 1992 à diffuser leurs spots publicitaires sur l’ensemble de leur zone de diffusion.

[15] Cité dans La Correspondance de la presse n° 18181, 20 mai 2021.

[16] Alors que TF1 et M6 ont annoncé projeter de créer leur propre offre de SVOD et une plateforme commune basée sur MyTF1 et 6Play, on ne peut d’ailleurs que s’inquiéter pour l’avenir de Salto, France Télévisions apparaissant d’une certaine manière comme le dindon de la farce (le groupe de télévision publique ayant porté une grande partie de l’investissement de Salto, dont une partie des technologies risquent d’être appropriées par ces nouvelles offres qui l’exclurait de fait).

[17] Lors de la présentation de ses résultats trimestriels le 20 mai 2021, le groupe Bouygues a indiqué qu’il s’attendait à ce que l’opération entraîne des synergies annuelles de « 250 millions à 300 millions d’euros à l’issue des trois premières années de la transaction ». Voir La Correspondance de la presse n° 18182, 21 mai 2021.

[18] Les journalistes sont protégés en droit français depuis 1935 par la « clause de cession », qui leur permet de quitter de leur propre initiative un média, tout en percevant des indemnités de licenciement, lorsque le média qui les emploie est cédé à un nouveau propriétaire. Mais pour qu’une telle disposition soit de fait effective, encore faut-il qu’il soit relativement facilement possible pour un journaliste de trouver un autre média prêt à l’employer. Or, avec un paysage médiatique de plus en plus concentré, une telle possibilité se réduit à peau de chagrin.