L’événement 11 septembre : expérience collective et culture contemporaine
Alors que le monde assiste au désastre inauguré par le départ des forces américaines d’Afghanistan, il se prépare aussi à commémorer les attentats qui avaient précipité le déclenchement de la « guerre contre le terrorisme »… en Afghanistan. Cette ironie de l’histoire est redoublée par les images qui nous sidèrent une nouvelle fois. Les massacres des nouveaux attentats de l’EI, les populations affolées autour des aéroports et des ambassades, le triomphe des talibans récupérant le matériel et uniformes des américains…

On se croirait dans une saison 9 ou 10 de Homeland, avec des personnages que nous avons l’impression d’avoir déjà rencontrés. Ne manquent que Carrie et Saul. Et on imagine alors en coulisses, les dirigeants dépassés, les négociations ratées, les prévisions réfutées, les informations manquantes et mal utilisées. Vingt années d’images d’actualités – et de séries TV « sécuritaires » – ont éduqué l’imagination collective, et construit une compétence des spectateurs. Elles ont aussi été, inversement, la matière d’une contre-culture complotiste qu’ils doivent aussi apprendre à déjouer.
Parler de l’événement 11 septembre, c’est envisager une catégorie de l’expérience collective, et de la culture contemporaine
Que reste-t-il du 11 septembre aujourd’hui ? Quelle(s) mémoire(s), quelles traces gardons-nous individuellement et collectivement de « l’événement » ou plutôt l’avènement du 21e siècle ?[1] Quelques principes sont désormais ancrés dans la réflexion collective.
Tout d’abord, le 11 septembre n’est pas un événement isolé ou révolu, mais continue aujourd’hui. Terrorisme djihadiste, pandémie, radicalisations d’extrême-droite : les multiples crises auxquelles sont confrontés les régimes démocratiques continuent d’être appréhendées en termes 11 septembre, vingt ans après. Les attentats de novembre 2015 à Paris et Saint-Denis sont encore qualifiés de « 11 septembre à la française », face au choc, aux souffrances et aux multiples bouleversements sociaux