Viginum, à quoi bon ?
Au plus fort de la guerre froide, la rumeur courait dans chacun des deux blocs que le bloc antagoniste s’était doté d’une arme si puissante – la Doomsday machine – qu’elle menaçait d’avaler le monde. De Dr. Strangelove aux Simpsons, la fiction s’est chargée de tourner en ridicule ces fantasmes de destructions qui conduisent les belligérants à s’armer toujours davantage.
La guerre s’étant considérablement transformée, ce sont aujourd’hui les risques d’ingérence numérique malveillante qui font trembler les services secrets. Les piratages peuvent cibler le secteur public[1], des entreprises à des fins d’intelligence ou d’espionnage économique, ou des moments d’exercice de la démocratie comme les élections présidentielles. Symptôme du fait que la menace d’une déstabilisation par une propagande numérique préoccupe le gouvernement français : la création de Viginum, service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, le 13 juillet dernier.

L’organe remplit quatre missions, une de surveillance, trois d’assistance : détecter les contenus douteux accessibles publiquement sur les plateformes numérique ; assister le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale en matière de protection contre les ingérences numériques étrangères ; fournir toute information utile au Conseil supérieur de l’audiovisuel dans l’accomplissement des missions ; contribuer aux travaux européens et internationaux.
Rien d’étonnant à ce que Viginum s’adosse ainsi à de nombreux autres services et officie surtout comme une instance de support. Jean-Baptiste Jengène Vilmer relève, à la fin d’un récent ouvrage collectif consacré aux guerres de l’information, un point commun aux différents organes de lutte contre les ingérences numériques en Europe : « […] face à une menace « hybride », en ce qu’elle mêle et parfois confond le civil et le militaire, l’étatique et le non-étatique, et plusieurs domaines (non seulement la défense et la diplomatie mais aussi