Poésie (extraits)

Format américain

Poète, Poète, Poétesse

Entre 1993 et 2006, les lecteurs de la légendaire collection « Format américain » ont pu découvrir la poésie contemporaine américaine à raison de plusieurs livrets photocopiés chaque année. Il fallait à l’époque être adhérent d’Un Bureau sur l’Atlantique fondé par le poète Emmanuel Hocquard, un nom qui suggère éloquemment le travail de traduction réalisé ici par des poètes français. Des 1 000 pages de l’intégrale, à paraître aux Éditions de l’Attente sous la direction de Juliette Valéry, qui fut l’éditrice originale de la collection, nous donnons 3 extraits : George Oppen par Pierre Alferi (1993), Keith Waldrop par Paol Keineg (1997) et Joan Retallack par Jacques Roubaud (2002). De quoi conclure notre série de prépublications étrangères avec un collector.

 

George Oppen

Un langage de New York

 

1

Une ville d’entreprises

Sous-verre
De rêve

Et d’images –

Et la joie pure
Du fait minéral

Pourtant impénétrable

Comme le monde, s’il est matière,
Impénétrable.

 

2

Qui ne peut commencer
Par le commencement aura la chance
De trouver tout déjà en place. Il est client,
Arbitre et juge… Et la violence, ici,
Est sans issue, un cul-de-sac.

Ils relancent
Le débat pour parler, ils deviennent
irréels, irréels, la vie perd
sa consistance, son poids, leur jeu : le baseball
car le baseball n’est pas un jeu
mais un débat et les avis contradictoires
font les courses de chevaux. Ce sont les spectres qui menacent

Votre âme. Quelque chose bouge
Dans l’air
Qui a des relents d’écurie, ils pourront voir la fin
D’une ère
Premier entre les peuples
Et vous pouvez dignement prendre
Vos distances
Si vous y parvenez.

 

3

Même à présent je ne parviens
Pas à me détacher vraiment
De ces hommes

Près de qui j’ai vécu dans des camps, sous des tentes
Dans des hôpitaux, des hangars et, caché, dans les bas-côtés
De routes défoncées dans un pays détruit,

Parmi eux nombre d’hommes
Plus capables que moi –

Moykut et un sergent
Nommé Healy,
Ce lieutenant aussi –

Comment l’oublier ? Comment dire
“Le peuple” d’un ton dégagé ?

Qui est le peuple ? qu’il est

Cette force entre les murs
Des villes

Où les voitures
Des ouvriers
Et des patrons

Résonnent comme l’histoire
Le long des avenues murées
Où l’on ne peut parler.

 

4

Possible
D’employer
Des mots à condition de les traiter
En ennemis.
Non des ennemis – des Spectres
Devenus fous
Dans le métro
Et bien sûr les bureaux
Et les banques. Si je les capture
Un par un en procédant

Avec soin ils recouvreront
Je l’espère la raison
Et le sens.

 

5

Acte qui est
Violence

Et nul ne s’accommode d’un avenir
De déplacements rapides avec bruit décroissant
Moins de cahots
Moins d’engagement. Ils attendent

La guerre, et les nouvelles disent : Guerre
Comme toujours

Que la sève coule en eux
Et la sève stagne.

De grandes choses arrivèrent

Sur


George Oppen

Poète

Keith Waldrop

Poète, Écrivain, éditeur, artiste.

Joan Retallak

Poétesse, Essayiste, professeure de sciences humaines.

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