Théâtre

Sylvain Creuzevault : « Représenter la vie en commun des hommes, ce n’est pas faire une messe »

Critique

Après Les Démons et L’Adolescent, Sylvain Creuzevault poursuit son compagnonnage avec Dostoïevski en adaptant Les Frères Karamazov au Théâtre de l’Odéon, dans le cadre du Festival d’automne. Pour AOC, il revient sur la manière dont il a donné corps à ce chef d’œuvre, veillant à restituer toute la profondeur du récit, et à proposer, toujours, un théâtre collectif, politique, et incandescent.

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Sylvain Creuzevault n’a plus vingt ans, il le répète à plusieurs reprises. Que s’est-il passé, lors de ces deux décennies de théâtre qu’il a traversées ? Cherchant à mettre à jour les structures sociales, s’appuyant toujours sur les structures dramatiques, le metteur en scène et acteur désormais quadragénaire n’a perdu ni de sa fougue ni de sa verve, même si l’expérience acquise l’entraîne vers d’autres réflexions. Après avoir exploré, entre autres, le contrecoup de la Révolution Française avec Notre terreur  (2010) ou le marxisme dans Le Capital et son Singe (2014), il continue ses coups de sonde intranquilles dans notre passé pour mieux interroger notre présent, en revenant à Dostoïevski par Les Frères Karamazov, en ce moment au Théâtre de l’Odéon et en tournée ensuite dans toute la France. Accompagné par sa fidèle troupe qui semble obéir à l’expression « tout est permis », il offre un spectacle drôle et profond, défendant un théâtre tout à la fois jouissif et intelligent – une praxis de la pensée par le corps. Les planches brûlent, le vertige guette, et le plaisir demeure. YS

Dostoïevski ne cesse d’être adapté au théâtre ; on le voit encore à l’affiche de plusieurs spectacles cette année. Comment expliquez-vous cette passion sur les plateaux, et que tirez-vous de ce compagnonnage avec cet auteur, dont vous aviez déjà adapté Les Démons en 2018 ?
En France, cela fait 120 ans qu’on a une inclination pour les Russes que je ne m’explique pas. Quand j’avais 20 ans, on considérait Dostoïevski comme un grand psychologue, et on le transposait sur scène avec un jeu psychologique – disons depuis les années 1950 jusqu’à l’adaptation de Krystian Lupa à l’Odéon en 2000. Les personnages ! La psychologie des personnages est incroyable ! Voilà ce que les gens disaient. On interprétait le monde alors d’un point de vue analytique. Mais l’esprit du temps change l’axe par lequel on perçoit, on dynamise une œuvre. Tout cela racontait donc une époque, mais selon moi ça n’all


Ysé Sorel

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