De la géométrie en politique : retour sur la commission Bronner
Une « lumière relative[1] » : la commission Bronner
«Faire des propositions concrètes dans les champs de l’éducation, de la régulation » pour lutter « contre les diffuseurs de haine et de la désinformation », contre « le recul du savoir et de la science » et contribuer ainsi à « libérer la société des bulles qui enferment une partie de nos concitoyens et nourrissent les extrémismes, la haine, la violence, les dérives sectaires et les obscurantismes ». C’est le but de la commission d’État intitulée « Les Lumières à l’ère numérique » que le Président Emmanuel Macron a instaurée le 29 septembre dernier, en tant que « garant de l’unité de la Nation et de la pérennité de nos institutions[2] ».
Bien entendu, la mission de la commission et de la quinzaine d’experts qui la composent est plus qu’honorable. Qui donc pourrait s’ériger contre de telles luttes et défendre les « entrepreneurs de haine » ? Réguler les dispositifs numériques et réfléchir sur les dérives des réseaux sociaux sont bel et bien des objectifs à même de susciter le « consensus scientifique » que la commission appelle de ses vœux.

Et pourtant, la création d’une telle commission suscite un certain malaise. Est-il opportun d’organiser sous la tutelle de l’État un combat apolitique pour la vérité, contre l’ignorance et la désinformation ? Après tout, le précepte fondamental des Lumières dont se réclame la commission est que l’usage public de la raison doit mettre à l’épreuve toutes les opinions, y compris celles des tenants du pouvoir. Les « tuteurs du peuple », disait Kant dans Qu’est-ce que les Lumières ? (1784), ne peuvent être en « état de tutelle » car ils doivent pouvoir établir un rapport critique au présent et à eux-mêmes mais aussi aux principes de gouvernement et aux raisons d’État.
Mais peut-être que ce malaise à l’égard de la commission relève de la simple désobligeance – une désobligeance qui aurait déjà conduit les « esprits malveillants » à « radiographier chacun de ses membres[3] ».