Société

Pour une politique de l’Université

Sociologue

Largement absente des débats de la campagne électorale, la question de l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de l’université en particulier, est pourtant cruciale pour l’avenir du pays. Soumise à un sous-financement chronique, en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, mais contribuant à l’effort d’élévation du niveau des qualifications en France, porteuse des espoirs du pacte républicain, l’Université a plus que jamais besoin d’un retour à des financements pérennes.

Alors que la campagne présidentielle s’achève, et que se décideront, dans les prochaines semaines, les orientations du pays pour les dix ou quinze ans qui viennent, la question de l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), et de l’université en particulier, ne suscite aucun véritable débat. Cette situation a de quoi alarmer quand on sait leur importance dans la vitalité matérielle et symbolique d’une société.

Le récent rapport du Conseil d’analyse économique[1] pointe en effet tous les bénéfices individuels et collectifs qu’il y a à retirer d’un investissement massif dans l’ESR en matière, par exemple, de santé et d’espérance de vie, d’innovation, d’amélioration des conditions d’existence, et de recettes fiscales par l’effet mécanique d’élévation des niveaux de salaire des détenteurs de diplômes du supérieur. De quoi conclure que les dépenses publiques en matière d’éducation sont de celles qui ont le plus haut rendement socio-économique, et que l’investissement dans l’ESR fait partie des « meilleurs choix possibles »[2].

Ce meilleur choix possible ne semble pourtant pas la priorité des politiques publiques actuelles comme en attestent trois constats majeurs.

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L’Université, grande oubliée des politiques publiques

Le premier est le sous-financement chronique de la recherche publique, qui, en France, avec 2,2% du PIB en 2021 reste très en deçà de l’objectif des 3% fixé par l’Union européenne dans le cadre de la « stratégie Europe 2020 », et en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (2,5% du PIB), quand par comparaison la Corée du Sud y consacre 4,5% de sa richesse nationale, le Japon et la Suède 3,3%, l’Allemagne 3,1%, les États-Unis et la Finlande 2,8%[3]. Pire, la part consentie par les administrations publiques au financement de la recherche (hors entreprise donc) est en diminution constante depuis les années 1990. Elle s’établissait à 0,76% du PIB en 2018 contre 0,85% en 1992[4].

Le second concerne la multiplication, depuis une vingta


[1] Fack G., Huillery E., Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace, note du CAE, n°68, décembre 2021.

[2] Ibidem, p. 4.

[3] L’état de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France, MESRI, 2021, p. 92.

[4] Ibidem, p 96 ; FIPECO, Fiches de l’encyclopédie des finances publiques, Les dépenses publiques en faveur de la recherche, 25 janvier 2021.

[5] Parmi les plus importantes, on citera la réforme de l’harmonisation des cursus d’enseignement supérieurs européens dite LMD (Licence-Master-Doctorat), 2002 ; la création des pôles de compétitivité ; le Pacte pour la recherche (2006) à l’origine des PRES (pôles pluridisciplinaires de recherche et d’enseignement supérieur) ; la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU, 2007) ; le programme Investissements d’avenir qui donnera lieu successivement aux Idex, (initiatives d’excellence) et aux Labex (Laboratoires d’excellence, 2009) ; la loi dite Fioraso (juillet 2013) ; la sélection en master 1 (en 2016) ; la révision de la politique de site face à l’échec de la loi Fioraso (2018) ; la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (loi ORE, 2017) ; enfin la LPR (loi de programmation de la recherche, 2021).

[6] L’état de l’enseignement supérieur, op.-cité.

[7] Ibidem.

[8] Gossa J., Figon F., L’entrée dans la carrière des enseignants-chercheurs, Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche (CP-ESR), édition 2021, p. 6

[9] Clavey M., « Évolution du recrutement des chargés de recherche au CNRS 2018 », The Sound of Science, 2 décembre 2018.

[10] AEF info, 15 octobre 2021.

[11] La CP-ESR évalue à 10 000 le nombre de postes manquants pour maintenir le taux d’encadrement de 2009 alors que l’université délivre 14 000 doctorats par an et que 7000 docteurs candidats aux fonctions de maître de conférences restent sans poste. Ibidem, p. 9. et p 18.

[12] Le salaire des enseignants-chercheurs est par définition réparti pour moiti

Mathias Millet

Sociologue

Notes

[1] Fack G., Huillery E., Enseignement supérieur : pour un investissement plus juste et plus efficace, note du CAE, n°68, décembre 2021.

[2] Ibidem, p. 4.

[3] L’état de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France, MESRI, 2021, p. 92.

[4] Ibidem, p 96 ; FIPECO, Fiches de l’encyclopédie des finances publiques, Les dépenses publiques en faveur de la recherche, 25 janvier 2021.

[5] Parmi les plus importantes, on citera la réforme de l’harmonisation des cursus d’enseignement supérieurs européens dite LMD (Licence-Master-Doctorat), 2002 ; la création des pôles de compétitivité ; le Pacte pour la recherche (2006) à l’origine des PRES (pôles pluridisciplinaires de recherche et d’enseignement supérieur) ; la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU, 2007) ; le programme Investissements d’avenir qui donnera lieu successivement aux Idex, (initiatives d’excellence) et aux Labex (Laboratoires d’excellence, 2009) ; la loi dite Fioraso (juillet 2013) ; la sélection en master 1 (en 2016) ; la révision de la politique de site face à l’échec de la loi Fioraso (2018) ; la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (loi ORE, 2017) ; enfin la LPR (loi de programmation de la recherche, 2021).

[6] L’état de l’enseignement supérieur, op.-cité.

[7] Ibidem.

[8] Gossa J., Figon F., L’entrée dans la carrière des enseignants-chercheurs, Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche (CP-ESR), édition 2021, p. 6

[9] Clavey M., « Évolution du recrutement des chargés de recherche au CNRS 2018 », The Sound of Science, 2 décembre 2018.

[10] AEF info, 15 octobre 2021.

[11] La CP-ESR évalue à 10 000 le nombre de postes manquants pour maintenir le taux d’encadrement de 2009 alors que l’université délivre 14 000 doctorats par an et que 7000 docteurs candidats aux fonctions de maître de conférences restent sans poste. Ibidem, p. 9. et p 18.

[12] Le salaire des enseignants-chercheurs est par définition réparti pour moiti