Éducation

Quelles pédagogies pour quelles subversions de l’ordre social ?

Chercheur en sciences de l'éducation

Alors que la sociologie des inégalités socio-scolaires, dans la reprise de l’héritage théorique et conceptuel de Bourdieu, critique l’institution scolaire en ce qu’elle reconduit la domination sociale qu’elle prétend abolir, les sciences de l’éducation maintiennent leur espoir et travaillent à l’élaboration d’une école qui émancipe. Avec les pédagogies critiques, c’est potentiellement une autre analyse de la reproduction sociale, et de son éventuelle subversion, qui est proposée.

On peut considérer que, dans l’espace académique, les deux champs que sont la sociologie des inégalités socio-scolaires d’une part (qui correspond à peu près à la sociologie de l’éducation), et la pédagogie d’autre part, fonctionnent souvent en vases clos. Les sociologues des inégalités socio-scolaires sont attentifs à la question de la reproduction des inégalités relatives aux classes sociales mais ne rentrent pas toutes et tous dans le détail et la fabrique, pédagogique, de ces dernières par l’école, même s’il existe malgré tout des travaux sur ces points. De l’autre côté, dans le domaine des sciences de l’éducation en particulier, il y a de nombreux experts des pédagogies « alternatives », notamment liées au courant de l’éducation nouvelle, qui, généralement, les défendent, y voyant des moyens d’émanciper les enfants ou de renouveler la relation éducative.

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À dire vrai, ces deux sphères dialoguent assez peu. Outre la question des frontières des « mondes » académiques, plus ou moins autonomes, ces antagonismes nous paraissent s’expliquer aussi par des représentations différentes de ce qui fait la valeur d’une pratique pédagogique et sur ce que doit, ou devrait, être l’objectif de l’éducation et de la relation éducative.

Récemment, les pédagogies critiques s’invitent comme un troisième acteur. Visant à bousculer les dominations de classe, mais aussi de genre, de « race », d’âges, relatives à l’héritage colonial ou la prédation environnementale, elles ont des liens avec la sociologie, étant fondée par la critique des inégalités dans la société, mais ne réduisent pas la domination à celle relative aux classes sociales comme c’est le cas dans de nombreux travaux de sociologie de l’éducation, qui leur accordent une place de choix. Par ailleurs, la critique de certaines dominations portée par les pédagogies critiques peut les amener à adopter des points de vue parfois proches de certaines approches (les plus politiques) issues du courant historique de l’éducati


[1] Ghislain Leroy, L’École maternelle de la performance enfantine, Peter Lang, Bruxelles, 2020.

[2] Ghislain Leroy, « “Ateliers” et activités montessoriennes à l’école maternelle : quel profit pour les plus faibles ? », Revue française de pédagogie, vol. 207, n° 2, 2020, p. 119-131.

[3] Mathias Millet et Jean-Claude Croizet, L’École des incapables ? La maternelle, un apprentissage de la domination, La Dispute, 2016.

[4] Bernard Lahire (dir), Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Seuil, 2019.

[5] Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Minuit, 1964.

[6] Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979.

[7] Ibid.

[8] Basil Bernstein, Langage et classes sociales, Minuit, 1975.

[9] Sébastien-Akira Alix, « L’éducation traditionnelle : émergence d’une catégorie polémique aux États-Unis », Le Télémaque, vol. 55, n° 1, 2019, p. 123-136.

[10] Georges Jablonski-Sideris, « Pour une approche queer de l’enseignement historique dans l’éducation aux genres, sexualités et dans l’éducation à la santé », Recherches et éducations, n°19, juillet 2018.

[11] bell hooks, Talking Back. Thinking Feminist, Thinking Black, South End Press, Boston, 1989, p. 102.

[12] Il est par exemple des continuités entre l’œuvre de Freinet et celle de Freire. Ils visent tous deux l’émancipation des classes populaires et le refus d’une éducation faussement neutre politiquement, qui en réalité perpétue les dominations en inculquant la passivité et en laissant de côté certains sujets, tels que la domination.

Ghislain Leroy

Chercheur en sciences de l'éducation, Maître de conférences à l'université Rennes 2

Notes

[1] Ghislain Leroy, L’École maternelle de la performance enfantine, Peter Lang, Bruxelles, 2020.

[2] Ghislain Leroy, « “Ateliers” et activités montessoriennes à l’école maternelle : quel profit pour les plus faibles ? », Revue française de pédagogie, vol. 207, n° 2, 2020, p. 119-131.

[3] Mathias Millet et Jean-Claude Croizet, L’École des incapables ? La maternelle, un apprentissage de la domination, La Dispute, 2016.

[4] Bernard Lahire (dir), Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Seuil, 2019.

[5] Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Minuit, 1964.

[6] Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979.

[7] Ibid.

[8] Basil Bernstein, Langage et classes sociales, Minuit, 1975.

[9] Sébastien-Akira Alix, « L’éducation traditionnelle : émergence d’une catégorie polémique aux États-Unis », Le Télémaque, vol. 55, n° 1, 2019, p. 123-136.

[10] Georges Jablonski-Sideris, « Pour une approche queer de l’enseignement historique dans l’éducation aux genres, sexualités et dans l’éducation à la santé », Recherches et éducations, n°19, juillet 2018.

[11] bell hooks, Talking Back. Thinking Feminist, Thinking Black, South End Press, Boston, 1989, p. 102.

[12] Il est par exemple des continuités entre l’œuvre de Freinet et celle de Freire. Ils visent tous deux l’émancipation des classes populaires et le refus d’une éducation faussement neutre politiquement, qui en réalité perpétue les dominations en inculquant la passivité et en laissant de côté certains sujets, tels que la domination.